I Care a Lot, c’est ce que prétend face au juge Marla Grayson dès qu’elle en a l’occasion. Cette tutrice professionnelle a trouvé une combine pour vivre grâce à l’argent accumulé par les personnes âgées jugées incapables de vivre seules et qui doivent accepter le placement sous tutelle ordonné par la justice. Sauf que ces personnes ne sont pas toujours aussi inaptes et en danger que les médecins dans le coup le disent. Le point de départ de la comédie noire de J Blakeson sonne malheureusement un petit peu trop vrai, mais son long-métrage n’essaie pas de dénoncer cette exploitation scandaleuse des personnes âgées. Loin d’être moralisateur, I Care a Lot joue au contraire à fond la carte de l’immoralité avec un personnage principal qui ne recule devant rien et va toujours plus loin dans sa combine. Délicieusement outrancier.
J Blakeson commence par présenter son personnage principal sous un angle positif. En apparence, Marla est une tutrice qui pense au bien de toutes les personnes âgées dont elle est responsable. Face au juge, elle défend sa décision d’interdire l’accès à un fils qui n’a rien fait pour sa mère et qui la dérange maintenant avec ses demandes de visite. En apparence, une femme bonne, qui s’implique réellement et qui veut faire le bien de ceux qui sont mis sous tutelle par l’État. Cette belle image se craquelle vite toutefois, quand on découvre les locaux luxueux de son entreprise prospère. I Care a Lot dévoile vite la combine mise en place au fil des années par la tutrice. Elle garde des places au chaud dans les maisons de retraite et elle a un bon contact avec des médecins qui se chargent de trouver des victimes. La personne âgée est jugée inapte pour une raison ou une autre, le juge demande une session urgente et décide invariablement de la mettre sous tutelle, sous la garde de Marla Grayson. Une fois que c’est fait, tout est organisé comme un ballet : les biens sont listés et vendus, la maison vidée et vendue elle aussi et les comptes alimentent l’entreprise Grayson jusqu’au décès. Une affaire bien huilée et parfaitement assumée par sa principale responsable, qui assume vouloir devenir riche et n’a pas peur de presser ses vieux jusqu’à la moelle pour atteindre cet objectif. Face à un tel tableau, on pouvait s’attendre à un film moralisateur, où l’héroïne serait confrontée aux horreurs de son traitement et changerait d’avis. Mais ce n’est pas du tout ce que vise J Blakeson, qui préfère une voie à l’humour bien sombre enrichie par la mafia russe. Marla Grayson pense avoir trouvé une perle rare avec Jennifer Peterson, une femme riche qui vit seule sans aucune descendance. Malheureusement, c’est la fille cachée d’un mafieux local qui n’apprécie pas du tout le traitement réservé à sa mère. I Care a Lot bascule dans le thriller comique, avec une montée en puissance de la mafia qui envoie d’abord son avocat véreux pour menacer Marla, avant d’en passer aux mains. Le scénario ne manque pas de rebondissements et de surprises jusqu’à la toute fin et le long-métrage assume pleinement son côté outrancier, avec des personnages hauts en couleur. Rosamund Pike est bluffante dans le rôle principal, on apprécie la banalité et la justesse de son homosexualité et le succès du film lui doit beaucoup. Peter Dinklage est impeccable lui aussi, glacial dans le rôle du mafieux.
Belle surprise que ce film qui commence comme une comédie sociale assez banale, mais qui s’avère bien plus intéressant que cela. I Care a Lot exploite pleinement l’immoralité de ses personnages et son humour noir est bien maîtrisé de bout en bout. Un divertissement fort plaisant, à voir.