Les Quatre Filles du docteur March a été vu au cinéma et à la télévision tant de fois, pourquoi se lancer dans une énième adaptation et surtout, pourquoi la regarder ? Peut-être parce que Greta Gerwig, embauchée à la base uniquement pour travailler sur le scénario, est à la réalisation, ce qui intrigue forcément. Celle qui avait signé un Lady Bird particulièrement convaincant pouvait insuffler au roman de Louisa May Alcott une modernité bienvenue. Sans compter que le casting comptait l’épatante Saoirse Ronan dans le rôle principal : Les Filles du docteur March1 avait finalement de quoi plaire ! À l’arrivée, la nouvelle adaptation de Greta Gerwig est une ode féministe réjouissante et une relecture déstructurée du roman qui fonctionne bien, en large partie grâce à ses interprètes.
Si vous n’avez jamais lu les romans ou vu l’une des multiples adaptations, sachez que l’intrigue se déroule en pleine guère de Sécession, dans une petite ville du Massachusetts. Les Filles du docteur March, ce sont les quatre enfants d’un pasteur parti dans la guerre : Meg, Jo, Amy et Beth, chacune avec sa personnalité et surtout des rêves différents. L’histoire s’intéresse à leur quotidien devenu plus difficile depuis que leur père a perdu la fortune familiale, mais toujours joyeux. Le roman original de 1868 est marqué par son temps, mais ses grandes lignes restent modernes et intéressantes encore aujourd’hui. Nul doute que Greta Gerwig s’est sentie attirée par le féminisme de Jo, qui cherche à vivre indépendamment et sans se marier, à l’inverse de tout ce que la société hyper masculine de l’époque lui impose. Plus encore que dans la version originale, la réalisatrice en fait l’héroïne de son long-métrage et c’est tout naturellement qu’elle compte sur Saoirse Ronan. L’actrice qu’elle retrouve après Lady Bird est impeccable dans ce rôle, elle est vive et pétillante, mais aussi dure et intransigeante quand il le faut : un sans-faute. C’est d’autant plus remarquable que Les filles du docteur March repose sur un dispositif original, avec une trame non-linéaire qui entremêlent deux époques séparées de sept ans, mais avec les mêmes acteurs. Le casting a visé l’époque la plus récente, quand ils sont tous de jeunes adultes prêts à se marier. Néanmoins, la moitié du film se déroule sept ans auparavant, quand la plus jeune fille n’avait que douze ou treize ans. Pour distinguer les deux époques, Greta Gerwig utilise deux photographies radicalement différentes, avec une palette saturée et pleine de couleurs pour le passé et une image nettement plus froide pour le présent. Les costumes changent aussi, mais tous les acteurs doivent eux aussi s’adapter et offrir deux versions subtilement différentes de leur propre jeu. Florence Pugh, qui incarne la petite dernière, est parfaite dans cette double interprétation, on n’en dira pas autant d’Emma Watson, qui manque de crédibilité. En revanche, Timothée Chalamet est fidèle à sa réputation, incroyablement à l’aise dans le rôle de Laurie, et son talent contribue beaucoup à l’ensemble.
La relecture de Greta Gerwig n’est peut-être pas suffisamment originale pour se distinguer de toutes celles qui ont précédé. D’un côté, Les Filles du docteur March reste suffisamment moderne pour qu’il ne soit pas nécessaire de changer son contexte historique ou de s’éloigner davantage du matériau de base. D’un autre côté, Dickinson a prouvé sur une thématique proche que l’on pouvait combiner histoire et modernité de façon plus audacieuse. Malgré tout, le travail de la cinéaste est loin d’être mauvais et son long-métrage se regarde avec plaisir.
Vous voulez m’aider ?
- Allez savoir pourquoi le titre français du film abandonne le quatre du roman, mais en même temps, le titre français du livre est bien mauvais par rapport à l’original, alors… ↩