L’heroic-fantasy pour enfant a décidément la cote. Depuis la trilogie du Seigneur des Anneaux, les projets se multiplient, du Monde de Narnia à la Croisée des Mondes pour ne citer qu’eux. Tous semblent totalement incapables de s’éloigner du modèle commun et Le dernier maître de l’air, dernier film de Night Shyamalan ne fait pas exception. Cette adaptation à gros budget d’un dessin animé qui, d’après le dossier de presse, a beaucoup plus aux filles du réalisateur au point qu’il a voulu en faire film, cumule les poncifs du genre sans jamais faire preuve d’une quelconque originalité. C’est poussif, sur des rails du début à la fin et on s’ennuie ferme. À éviter si vous avez plus de 10 ans et même vos enfants méritent mieux que ce maître de l’air et du kung-fu.
Avant, c’était quand même mieux. Si, si. D’ailleurs, Le dernier maître de l’air ouvre sur cette idée incroyablement novatrice. Avant, c’était quand les maîtres de l’air étaient encore sur terre et qu’ils contribuaient à l’équilibre du monde avec les maîtres des autres éléments (la terre, l’eau et le feu), rien que ça. Ils dialoguaient avec les esprits et de temps en temps, un moine bouddhiste nouvelle génération prenait les quatre bons jouets parmi les 1000 proposés ce qui faisait de lui automatiquement un « Avatar ». Oui, comme dans le film de Cameron, sauf qu’en l’occurrence c’est un tout petit garçon qui ne peut avoir qu’une flèche bleue sur le front… Un jour, un garçon élu, Aang, a décidé qu’il ne voulait pas devenir un Avatar puisque cela impliquait, certes, de sauver le monde, mais aussi de ne pas avoir de famille et ça, quand même, c’est le plus important. Bref, il boude, ce qui signifie qu’il s’enfonce dans la banquise pour une bonne centaine d’années. Sauf qu’en son absence, le monde tourne mal. Les maîtres du feu décident qu’ils veulent être les maîtres du monde et ils tuent tous les gentils peuples de la terre et de l’air.
Bref, le monde va mal, mais heureusement que le peuple de l’air résiste encore et toujours, paumé dans la banquise. Et Aang a eu la bonne idée de s’y cacher — malin le petit — jusqu’au jour où un frère et sa sœur le sortent de sa banquise. Très vite — sont malins eux aussi —, ils comprennent que ce bonhomme tatoué de partout est un être exceptionnel. Commence alors la bataille ultime du Bien contre le Mal avec dans le camp des méchants très méchants le peuple du feu qui veut carrément tuer les esprits et devenir esprits à la place des esprits, et dans le camp des gentils le peuple de l’air et celui de la terre. Le dernier maître de l’air n’est en fait que le premier épisode d’une trilogie puisque Aang doit apprendre à maîtriser les trois éléments qu’il ne connaît pas, à savoir l’eau, la terre et le feu pour finir en beauté. On l’aura compris, cet épisode est consacré à l’eau et toute la fin du film se concentre sur l’attaque du feu contre la capitale de l’eau. Évidemment, les gentils gagnent la bataille, mais le film se termine de manière subtile sur une ouverture inattendue où le méchant chef du peuple du feu prépare le coup suivant. Les méchants ont perdu une bataille, mais pas la guerre…
Comme on peut aisément le constater, Le dernier maître de l’air ne brille pas par l’intelligence de son scénario. À côté, même les mauvais films du Monde de Narnia paraissent d’une complexité folle ! Certes, le film de Shyamalan se veut à la fois divertissement estival et film pour enfants. Mais enfin, pourquoi devrait-on prendre les enfants pour des andouilles au point de leur expliquer tout, parfois plusieurs fois, avec insistance ? Quand un personnage dit qu’elle décrit ce qui se passe à l’écran histoire de ne laisser personne à côté, c’est vraiment lourd, beaucoup trop lourd. Tout le film est marqué par une volonté de simplifier au maximum sur tous les plans. Les différents peuples sont aussi caricaturaux que faire se peut, avec des caractéristiques bien identifiées pour chaque groupe, ce qui est une caractéristique habituelle en héroic-fantasy, il est vrai. Néanmoins, dans le genre lourdingue, on ne fait guère mieux, avec les maîtres du feu forcément méchants, car ne vivant plus en communion avec la nature ou le peuple de la terre censée vivre en communion avec cette dernière. Dans la même logique, les personnages sont caractérisés grossièrement, à la serpe. Les quatre personnages principaux sont tous très jeunes et ont tous des têtes de jeunes premier(e)s à l’air hébété, surtout en ce qui concerne les deux bellâtres (l’un vient de Twilight, l’autre a été vu dans le déjà très mauvais Slumdog Millionnaire). Chacun a ses caractéristiques (le frère est un peu bête, mais a un grand cœur, le fils du roi est têtu, très fort et entend prendre sa revanche, la sœur comme la princesse sont pures puisque ce sont des filles). Dans le lot, il n’y a que l’avatar, Aang, qui s’en tire à peu près en faisant preuve d’un peu de complexité psychologique par les doutes et la peur face à son destin. Le comble du ridicule est néanmoins atteint avec la romance à mourir de rire entre le frère et la princesse. Non, vraiment, je ne préfère pas en parler, je m’étouffe rien que d’y repenser. Cela dit, car il faut bien quelques notes positives dans cet ensemble bien sombre, j’ai apprécié les nombreuses ellipses dans le scénario : le récit avance plutôt vite et aurait, en tout cas, aurait pu être beaucoup plus lent encore.
C’est la première fois que je vois cela : la mention « en 3D » est affichée en aussi grosses lettres que le titre du film lui-même. La 3D, dernière mode du moment pour tous les gros studios hollywoodiens qui ont tout à fait compris l’intérêt financier qu’ils pouvaient y trouver. Tous les blockbusters ont alors droit à la 3D, et tant pis si elle ne se justifie pas ou si elle a été ajoutée à la va-vite, histoire de. Le dernier maître de l’air est l’archétype du film où la technologie n’apporte vraiment rien. Pour tout dire, je n’ai pas vu un seul effet 3D de tout le film ! Sérieusement, pas une seule fois on nous balance quelque chose à la figure… Le plus visible, outre les habituels flous et pertes de luminosité, était les sous-titres ou bien les noms des studios impliqués, avant le film. Un comble de faire payer plus cher et de devoir supporter de pénibles lunettes pour un avantage concret très proche du nul. Au-delà de la troisième dimension, le film de Shyamalan reste dans l’ombre de ses inspirateurs, Seigneur des Anneaux en tête (la cité de glace est une copie parfaite du gouffre de Helm), mais aussi Star Wars pour le peuple du feu. Les effets ont d’ailleurs été réalisés par ILM et ils sont plutôt bien fichus, avec quelques effets sympas entre l’eau et le feu. Néanmoins, ne vous attendez pas à d’épiques batailles, le film étant trop occupé avec nos jeunes héros. La musique, martiale à souhait, est aussi caricaturale que le reste, ce qui est peu dire.
Si je n’étais pas vraiment fan de Night Shyamalan, j’étais plutôt de bonne humeur en entrant dans la salle. Las, Le dernier maître de l’air ne m’a pas amusé, mais alors pas du tout. Au contraire, ce récit sur des rails du début à la fin m’a ennuyé copieusement. Sans doute ne suis-je pas dans la cible du film et d’ailleurs les premiers chiffres de fréquentation aux États-Unis témoignent déjà d’un succès public. Je ne vois pas bien ce que je pourrais sauver du film… mais d’ailleurs le faut-il seulement ?
Si vous cherchez à occuper votre progéniture au milieu de l’été, évitez Le dernier maître de l’air et allez plutôt (re)voir Toy Story 3, qui prouve que l’on peut faire un film pour enfants sans prendre ces derniers pour des débiles.