Tamara Drewe, Stephen Frears

Pour son dernier film, Stephen Frears a décidé de poser sa caméra au cœur d’un petit village de la campagne anglaise et le résultat est caustique. Tamara Drewe montre l’explosion d’une communauté jusque-là paisible, mais dynamitée par l’arrivée d’une jeune femme qui fait tourner les têtes. Agrémenté d’un humour noir so british, le film se regarde avec plaisir. Sympathique.

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À Stonefield, il ne se passe pas grand-chose. Un auteur de polars à succès et sa femme accueillent les écrivains qui le souhaitent pour une paisible retraite à la campagne, on y trouve également quelques autres fermes, un pub et c’est à peu près tout. Évidemment, tout le monde se connaît et tout le monde s’observe comme il se doit. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, au moins pour les plus âgés, jusqu’à l’arrivée fracassante de Tamara Drewe. Fille du pays, elle était partie plusieurs années auparavant sans laisser de traces, mais la mort de sa mère et le besoin de revendre la maison familiale l’obligent à revenir. Son retour est accueilli plutôt froidement, entre bouches bées et ragots sur ce fameux nez qu’elle a fait raccourcir. Partie laideronne, la voilà revenue femme séduisante et menaçante pour toutes les femmes du village. Cela s’entend dans leurs commentaires grinçants à la vue de Tamara : d’emblée on sent comme une animosité.

Tamara Drewe étudie, sur une année environ, toutes les conséquences de l’arrivée de la jeune femme sur la communauté. Ce serait une étude sociologique si le ton n’était pas en permanence ironique, voire caustique. À l’animosité presque naturelle vient se greffer une rock star à l’air mystérieux (comprendre, aux traits légèrement efféminés) et très capricieux qui réussit à se faire détester de tous les habitants du village. Sauf pour deux adolescentes qui vénèrent cette star et vont tout faire pour le faire rester à Stonefield, quitte à casser des couples ou sortir les cadavres des placards. L’ensemble est explosif et sans révéler la fin du film, disons simplement que les évènements vont s’accélérer et s’amplifier à la fin, dans une suite complètement absurde comme le veut l’humour britannique. L’aspect un peu sociologique du film se retrouve dans la campagne anglaise filmée par Stephen Frears. On sent qu’il aime cette campagne filmée sous toutes les saisons et qui offre, il est vrai, de très jolis plans à mi-chemin entre la carte postale et quasiment le film d’horreur avec la présence du mythique fog anglais. Cette campagne est peuplée de néo-ruraux, des citadins qui viennent se ressourcer à la campagne et même se mettent aux travaux de la ferme. Sans aller jusqu’à la critique sociale en bonne et due forme, Tamara Drewe offre une vision intéressante et grinçante de la société britannique actuelle.

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L’humour, dans Tamara Drewe, passe avant tout par les dialogues. Très bien écrits, ils sont comme des armes utilisées par les personnages pour attaquer leurs ennemis. Derrière le flegme britannique qui sied aux gentlemen se découvrent aux moments de crise insultes et attaques personnelles. Que ce soit entre femmes ou entre auteurs, c’est une lutte sans merci qui s’opère devant nos yeux. À cet égard, le film de Stephen Frears n’est pas sans évoquer In the Loop qui allait néanmoins beaucoup plus loin dans ce principe des combats sous forme de dialogues. Les répliques fusent à un rythme moins intense ici et ce n’est pas plus mal, on prend plus le temps de les apprécier. L’idée d’une communauté d’écrivains tous plus ou moins ratés — il faut les entendre se plaindre sur l’écriture impossible, ou sur le fait qu’ils n’ont jamais publié, ou un encore qui tente vainement de justifier ses très faibles ventes en disant qu’il n’écrivait pas pour vendre — fonctionne vraiment bien. Elle offre en outre un contrepoint intéressant au rockeur et à ses deux (très) jeunes fans au langage plus djeun’s et peu châtié. Tarama Drewe, comme bon nombre de comédies britanniques, exploite le décalage culturel entre États-Unis et Grande-Bretagne avec la présence d’un auteur américain qui se fait régulièrement reprendre sur des termes américains. Cet aspect aurait pu, je trouve, être plus exploité.

Tamara Drewe est à l’origine un roman graphique et cet héritage graphique marque l’ensemble du film. Bien sûr, le titre qui apparaît en grosses lettres roses, ou les saisons indiquées à l’écran en lettres stylisées rappellent l’univers de la bande dessinée. Au-delà, c’est la réalisation qui fait très bande dessinée, notamment dans le découpage de certaines scènes comme autant de cadres. Loin d’être un artifice un peu vain, cette influence procure à Tamara Drewe un côté ludique bienvenu. Le rythme du film ne faiblit, on passe d’une scène à l’autre avec entrain et je dois dire que Stephen Frears propose là un film vraiment très plaisant à regarder. Outre l’univers du roman graphique, j’ai trouvé à Tamara Drewe un côté Desperate Housewives dans la campagne britannique. Les ragots, le ton général, l’absence des hommes (ils sont réduits au statut de décor, ou éventuellement d’exécutants, mais ce sont les femmes qui commandent)… autant d’éléments qui rappellent, toutes proportions gardées, la fameuse série américaine.

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Tamara Drewe est ainsi un très bon divertissement. Stephen Frears s’est beaucoup amusé à faire exploser une petite communauté rurale qui tournait un peu en rond. Bénéficiant de dialogues grinçants parfois très drôles, le film, bien rythmé, se regarde avec beaucoup de plaisir. Un très bon film pour cette période estivale, en somme.

Filmosphère a beaucoup apprécié également Tamara Drewe, tout comme Angle[s] de vue, alors que Sur la route du cinéma qui entend même « baffer » l’héroïne… J’ai plus de mal à comprendre l’enthousiasme général qui a saisi la critique traditionnelle, à l’image de Critikat. C’est un film sympathique, mais pas tellement plus.