Scott Pilgrim est un film célèbre bien longtemps avant sa sortie en France, programmée pour l’heure au premier décembre. Sorti aux États-Unis pendant l’été, le film n’a bien failli jamais sortir en France, la faute à la douche froide qui a accueilli le film outre-Atlantique. On comprend aisément pourquoi en regardant cet étrange film tellement marqué par les jeux vidéos et les comics qu’il devient rapidement hermétique pour quiconque ne maîtrise pas parfaitement ces univers. Edgar Wright, que l’on connaissait pour le déjà déjanté Shaun of the Dead se permet tout, pour le pire comme pour le meilleur. D’où un bilan mitigé et plutôt négatif : si Scott Pilgrim séduit au début par son rythme intense et son univers visuel assumé, son scénario peine plus à convaincre et le rythme comme l’univers fatiguent vite.
Scott Pilgrim est un jeune adolescent comme il en existe tant d’autres. Il adore les jeux vidéos et comme tous les garçons de son âge, il n’a qu’un objectif vraiment digne d’intérêt : sortir avec une fille, si possible la plus canon possible. Une rupture un an auparavant reste comme une terrible épreuve pour lui et il peine encore à s’en remettre, même s’il affirme le contraire à qui veut bien l’entendre. Quand commence le film, il apprend à ses amis qu’il sort avec une Chinoise de 17 ans ; alors que lui-même a 22 ans, cette nouvelle copine fait sensation. Une de plus dans la longue liste des copines qu’il a jeté presque aussi vite qu’il les a séduites… sauf que celle-ci s’attache vraiment à lui. Manque de bol, Scott rencontre quasiment en même temps Ramona, mystérieuse fille teintée en rose (puis bleu, puis vert) qui le séduit en un coup d’œil. C’est le coup de foudre et cette fois-ci c’est la bonne ! Sauf que la demoiselle ne se laisse pas séduire si facilement. Ou plutôt si, elle se laisse séduire, mais pour sortir avec elle, Scott doit affronter la ligue de ses 7 ex et tous les battre pour espérer conquérir le cœur de l’amour de sa vie, rien que ça. C’est que l’affaire est d’importance…
Scott Pilgrim fait partie de ces films placés sous le signe des jeux vidéos. C’est tout l’univers du jeu, allié à celui des comics, qui est utilisé par le film. Scott doit affronter successivement les sept ex de sa copine et c’est l’occasion de presque (il y a un couple de jumeaux) autant de duels. Des duels qui empruntent aux jeux de combats disponibles sur toutes les consoles depuis la nuit des temps qu’aux combats entre groupes de musique. Scott Pilgrim est en effet également un film musical dans le sens où la musique tient un rôle central. Scott appartient à un groupe de rock et les combats seront aussi musicaux. Les ondes sonores sont visibles sur la pellicule et prennent même des formes, comme lors d’un épique combat entre deux dragons et un gorille géant, le tout seulement en musique. On le comprend bien, la voie choisie par Scott Pilgrim n’est pas l’étude sociale réaliste sur l’univers estudiantin de Toronto. Disons-le, le film choisit au contraire une voie toujours plus délirante et folle qui se traduit notamment par un rythme intense et haché avec de nombreux plans en rupture les uns par rapport aux autres. Plus le film avance, plus le délire s’accentue jusqu’à terminer en apothéose, avec résurrection, puce de contrôle intégrée à la nuque et autre épée d’amour-propre qui sort du cœur au programme. L’aspect un peu teen-movie à l’ancienne qui marque le début du film disparaît vite et si le film montre des choses intéressantes, quoique convenues, sur l’adolescence, ce n’est clairement pas son objectif. Scott Pilgrim est une comédie branchée par intraveineuse sur un univers de jeux vidéos et de bandes dessinées.
Adapté d’un comics, Scott Pilgrim n’est pas le genre de film qui renie ses origines, bien au contraire. À la manière d’adaptations cinématographiques récentes, on pense à Kick-Ass en particulier, le film d’Edgar Wright n’est pas seulement l’adaptation d’une œuvre comics, c’est aussi un film sur les comics et en particulier sur leur univers, sur un mode plus ou moins parodique. S’il n’est pas à proprement parler question de superhéros ici, on peut quand même noter de nombreuses ressemblances entre le héros et les superhéros traditionnels : Scott est ainsi doté d’une force surhumaine et de pouvoirs surnaturels. Le film met même en scène une sorte de secte de science-fiction qui rappelle un peu The Rocky Horror Picture Show. La parodie n’est en effet jamais loin dans ces évocations surnaturelles, heureusement d’ailleurs sinon Scott Pilgrim serait vraiment totalement ridicule. Pas sûr néanmoins que le côté parodique soit suffisamment mis en avant pour empêcher totalement le doute : le message n’est pas aussi clair que dans Bienvenue à Zombieland par exemple, dans un autre registre ; ici on peut se demander, parfois, ce qu’Edgard Wright a bien pu chercher à dire. Outre les comics, Scott Pilgrim est baigné par l’univers des jeux vidéos, de manière encore plus ostensible. Le film tout entier est une sorte de jeu où le héros doit affronter sept boss successifs, avec à chaque fois une augmentation de la difficulté jusqu’au boss de fin que le héros ne peut affronter seul. Le premier ex de la miss à conquérir est facile à battre, mais les choses se corsent ensuite assez vite. Là encore, le film semble hésiter entre inspiration et hommage respectueux et la caricature : si l’augmentation du niveau de difficulté, si le passage de niveaux et si les points qui apparaissent au-dessus des boss vaincus après la victoire sont plutôt plaisants et apportent une touche originale à Scott Pilgrim, on reste plus indécis face à certaines facilités du scénario ou certains effets visuels qui font vraiment cheap et ridicules. Quoi qu’il en soit, Scott Pilgrim est un film largement opaque pour la majeure partie du grand public. Non pas que les références aux comics ou aux jeux vidéos soient toutes inconnues, mais le film les assène à une vitesse folle, ne laissant aucun répit pour faciliter la compréhension. Il est, en outre, un peu fermé sur lui-même et ne parlera vraiment qu’aux geeks, cette fameuse catégorie aux contours flous. Ils se reconnaîtront sans doute dans ce film qui laissera par contre froid les autres qui n’y verront peut-être qu’un délire visuel fatiguant.
Ces deux univers marquent aussi la réalisation. Ce n’est pas le premier à le faire, mais Scott Pilgrim multiplie les incursions de textes pour renforcer les onomatopées ou encore les coups, les chutes et autres bruitages. Comme dans la bande dessinée, Edgard Wright s’amuse à faire des cadrages audacieux, où le cadre devient case de bande dessinée, avec les mêmes transitions graphiques ou au contraire les mêmes ruptures. La caméra peut parfois se déplacer extrêmement rapidement, ralentir pour renforcer les sauts poings en avant qui rythment les combats. Tout cela sans compter les ajouts graphiques, autant pour signaler à l’écran les ondes musicales que pour souligner les combats ou encore signaler l’amour… par de petits cœurs roses. Parodie ou non, le réalisateur se lâche, quitte à en faire vraiment trop. Le rythme intense du film fatigue un peu et on a tendance à se lasser un peu de ces effets visuels et sonores permanents. Un peu de respirations, de temps à autre, ne serait pas de trop pour alléger Scott Pilgrim et le rendre plus digeste.
Scott Pilgrim était un film très attendu sur Internet… à raison sans doute. C’est un vrai film de geeks tendance jeux vidéos et comics : ils sont le cœur de cible et le film a tout pour leur plaire. Le côté jusqu’au-boutiste de la série de boss à battre, les jeux visuels et sonores, les références au monde du jeu vidéo… autant d’arguments qui les séduiront sans doute. On comprend cependant l’échec du film en salles aux États-Unis. À trop hésiter entre film de geeks au premier degré et caricature, Edgard Wright perd un peu tous ceux pour qui cet univers n’est pas connu. Le film est beaucoup trop sérieux dans ses délires pour plaire au plus grand nombre. Moi-même qui suis toujours un peu geek (mais plus tendance terminal et Linux), j’ai été séduit dans un premier temps par ce film qui assume pleinement son statut de film geek, mais j’ai été peu à peu lassé par un film qui en fait trop côté effets et clins d’œil et pas assez intéressant côté scénario. Cette enfilade de combats et cette histoire d’amour ne m’ont guère passionné… Scott Pilgrim ne m’a finalement pas tellement amusé, dommage.
À lire les critiques de blogueurs, on retrouve bien cette dichotomie entre les publics. D’un côté, Fred qui adorait la version comics est allé jusqu’à Londres pour voir le film et a manifestement adoré. De l’autre, Rob Gordon s’est ennuyé devant un spectacle qu’il juge répétitif et pas fun… Malheureusement, car j’aurais adoré aimer ce film déjanté et geek, je penche plutôt du côté de ce dernier. Finalement, je ne suis pas vraiment geek…