Comme on ne fait plus de western au premier degré depuis de nombreuses années, on ne fait plus de films d’horreur au premier degré aujourd’hui. C’est un fait entendu et Wes Craven, parmi les maîtres du genre, en a pris bien note avec Scream 4, suite de la célèbre série qui a connu un véritable succès il y a une quinzaine d’années. Scream 4 contient des (beaucoup) morts, du (beaucoup) sang, mais aussi et surtout un humour teinté de parodie de film d’horreur et extrêmement référencé. Le résultat est très malin et drôle : un film plaisant en somme.
Dix ans après les terribles meurtres commis par le terrifiant et mystérieux Ghostface, Sidney s’est enfin décidé à retourner à Woodsboro, la ville où tout s’était passé. La jeune femme a écrit un livre sur le drame et surtout sur son travail pour passer outre et sortir des ténèbres de l’horreur. On la sent encore fragile sur le plan psychologique, mais heureuse d’avoir tourné la page… jusqu’à ce que l’on trouve deux cadavres poignardés et qu’un coup de fil fasse entendre la célèbre voix du meurtrier. Brusquement, le cauchemar reprend de plus belle et Sidney voit tomber autour d’elle des proches, sa famille est à nouveau menacée puisque sa nièce est directement menacée par le tueur. Une nouvelle course contre la montre commence alors, avec comme toujours un enjeu de taille : qui va survivre au massacre ?
D’emblée, Scream 4 se pose dans la citation et la référence. Le film n’ignore pas les films d’horreur récents ou plus anciens, il les cite au premier degré en les montrant. Le principe du film dans le film est aussi vieux que le monde (même si c’était alors du théâtre dans le théâtre) et Wes Craven l’exploite d’entrée de jeu et sur plusieurs niveaux : le film commence avec un film qui évoque un film précédent, qui évoquait un précédemment film, etc. Cette séquence d’entrée n’apporte rien d’essentiel à l’intrigue qui va suivre, mais elle pose bien les bases de ce film aussi déjanté que référencé : Scream 4 est d’abord l’occasion de condenser tout ce que le cinéma d’horreur a eu à offrir ces dernières années. Wes Craven dispose d’une œuvre suffisamment dense pour que son dernier film cite essentiellement (uniquement ?) ses précédents films, même si on notera des clins d’œil plus généraux, comme les pouvoirs qu’un personnage dit avoir, personnage interprété par une actrice de la série Heroes. Mais la référence centrale de Scream 4 est tout simplement… la série des Scream. On retrouve les mêmes personnages, le même cadre et parfois les mêmes scènes. Les phrases devenues cultes, dont le fameux « What’s your favorite scary movie ?« , ponctuent le film à intervalle régulier tandis que, plus fort encore, les personnages eux-mêmes s’en réfèrent constamment à la série originale. Scream 4 n’est pas seulement la suite des trois premiers, c’est un film où tous les personnages connaissent les trois premiers, y font référence et envisagent la suite des évènements en fonction de ces trois films, devenus ici une série de sept films nommés Stab (et réalisés… par Robert Rodriguez). On ne révélera pas la fin, à l’intérêt de toute manière limité, mais elle éclaire bien à quel point le film baigne entièrement dans ces références.
L’intrigue, au fond, n’a pas tellement d’importance dans Scream 4. C’est un film qui oublie fort heureusement de se prendre trop au sérieux et qui sait même faire preuve d’une bonne dose d’humour. Certes, les morts tombent comme des mouches, certes on a des scènes très sanglantes (avec de vrais morceaux de boyaux dedans), mais le film ne fait rien pour nous convaincre de son réalisme, bien au contraire. Wes Craven infuse en permanence dans son dernier long-métrage une atmosphère de second degré, si bien que son film est à la limite de la parodie. Le téléphone sonne toujours exactement quand il faut, le meurtrier se montre toujours au bon endroit, il s’en sort toujours miraculeusement et tue beaucoup trop facilement à dire vrai. Bref, l’ensemble ne fait pas très sérieux et on n’a jamais vraiment peur devant Scream 4, l’interdiction aux moins de 12 ans étant surtout justifiée par le côté gore du film. Scream 4 est à l’image du masque de son meurtrier, un peu ridicule et surtout très amusant. Amusant, mais pas seulement : l’air de rien, Wes Craven se permet une plongée assez terrifiante pour le coup dans un univers adolescent complètement délaissé par l’autorité parentale (la seule autorité est policière et le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas efficace) et obsédé par les films d’horreur. Ces jeunes passent leur temps à regarder des films et à vivre comme dans un film d’horreur, au point de célébrer les morts de leur ville en regardant l’intégrale de Stab à chaque date anniversaire. Ce goût pour le cinéma de genre se combine à un goût très marqué pour se filmer et se diffuser en direct sur Internet. Un des personnages a ainsi une caméra qui filme en permanence tout ce qu’il voit. Passion du film d’horreur et envie de se faire connaître au monde ne font pas bon ménage, tel pourrait être le message de Wes Craven.
Le réalisateur de Scream 4 fait partie de ces grands réalisateurs de film d’horreur : Wes Craven a réalisé de nombreux films à succès, les Scream bien sûr, mais pas seulement avec notamment l’invention du personnage de Freddy. Beau palmarès qui se retrouve dans ce dernier film. Non pas que Scream 4 fasse figure de chef-d’œuvre sur le plan technique, mais c’est un excellent représentant des films d’horreur avec un jeu permanent sur l’ambiance, le suspense introduit par quelques touches attendues (une porte qui grince, une sonnerie de téléphone…), mais très efficaces. Le plaisir du film provient aussi de cette faculté à nous faire frissonner, à défaut de nous effrayer tout à fait.
Scream 4 s’avère une excellente surprise. Les séries sont rarement un bon signe pour une franchise et il est rare qu’une idée tienne la route sur quatre films, surtout quand le dernier est réalisé 14 ans après le premier. Wes Craven a réussi son coup néanmoins, grâce à un film plaisant, très référencé et ancré dans la culture de cinéma de genre. À la manière de Kick-Ass pour les superhéros, Scream 4 se construit sur le genre même du film d’horreur : l’intrigue même ne tient que parce que ses protagonistes connaissent les films d’horreur et vivent comme s’ils étaient les personnages d’un film d’horreur. Ce n’est peut-être pas très original, mais c’est extrêmement efficace.