Michel Hazanavicius s’est lancé dans un pari fou : The Artist plonge ses spectateurs à la fin des années 1920, pas seulement par l’histoire, mais aussi par la technique. Le film est en noir et blanc, il est même muet et tourné comme à l’époque, format carré et images accélérées y compris. Un pari audacieux tenu parfaitement par le cinéaste, pour un résultat plaisant et convaincant. Un bon film, à défaut d’être le grand film que certains ont vu.
1927, âge d’or du cinéma muet à Hollywood. Le film s’ouvre d’ailleurs avec un film dans le film, le dernier long-métrage avec l’acteur du moment, George Valentin. Véritable star, il enflamme la vaste salle de cinéma qui montre l’avant-première et il enchaîne succès après succès, sans interruption. Une gloire qu’il croit éternelle, mais c’était sans compter sur la dernière révolution technologique qui se prépare. Le cinéma passe au parlant et George Valentin refuse cette nouveauté qu’il juge comme une mode passagère et pas sérieuse. Ce refus lui est fatal et il connaît une longue chute en enfer, alors que Peppy Miller, une jeune actrice qu’il a contribué à faire découvrir, connaît une fulgurante association dans ce cinéma désormais parlant. Deux trajectoires inversées, alors qu’une histoire d’amour se lie entre les deux êtres.
Michel Hazanavicius n’a pas choisi un sujet très original pour son film rétro. Le passage du cinéma muet au parlant avait déjà fait l’objet de nombreux films et les carrières brisées à cause d’une mauvaise voix sont nombreuses. Ce choix assez classique permet de fait à The Artist de se concentrer sur autre chose : l’histoire d’amour entre les deux acteurs occupe de fait la première place. Si la forme est ancienne, le traitement est beaucoup plus moderne : après la rencontre initiale, l’amour se cristallise au cours d’une scène de tournage. George Valentin doit danser un moment avec Peppy Miller qui n’est ici qu’une figurante, avant de poursuivre son chemin vers le méchant du film. La première prise est assez réussie, mais très vite, les deux acteurs peinent à tourner convenablement la scène, ils sont manifestement troublés par la présence de l’autre, au point de ne plus réussir à tourner la scène. The Artist. Un équilibre bien trouvé entre la modernité du cinéma actuel et le classicisme d’un film des années 1920 que l’on retrouve aussi vers la fin. Commencé sur un ton enjoué et sur un rythme rapide, The Artist tourne à la fin au drame sur fond de crise économique et le ton change, se modernise un petit peu. Le film passe près de la tragédie, avant d’en revenir au drame avec une fin que l’on ne détaillera pas…
Cet équilibre aurait gagné à être encore plus exploité. Le film de Michel Hazanavicius est un exercice de style et le pastiche est réussi, mais il ne dépasse pas vraiment ce statut de pastiche. C’est déjà pas mal, certes, mais The Artist aurait sans doute gagné à aller un peu plus loin et se muer plus franchement en métafilm. La réflexion sur le cinéma est ici totalement absente, le passage du muet au parlant ne servant qu’à justifier l’intrigue et la progression inversée des deux personnages principaux. Le cinéaste n’a pas choisi pourtant une formule radicale : The Artist n’est pas un film totalement muet, au moins deux séquences ont droit à des dialogues ou des bruitages. Cette inclusion soudaine de la technologie qui détruit la carrière de George aurait pu être plus exploité : on s’attend d’ailleurs presque à ceux que le film devienne parlant quand l’invention apparaît dans l’histoire. Las, Michel Hazanavicius a préféré tenir sa ligne du pastiche jusqu’au bout. Encore une fois, le résultat n’est pas mauvais, loin de là, mais The Artist en reste du stade de pastiche, un petit film sympathique et non une œuvre originale qui aurait pu être passionnante. Que reste-t-il des pastiches de Proust en comparaison avec À la recherche du Temps perdu ?
Le voyage dans le temps procuré par The Artist est indéniablement réussi. Dès l’ouverture et son générique à l’ancienne, grosses lettres blanches sur rideau gris, le spectateur est plongé dans ce cinéma classique de l’entre-deux guerre. La musique est à l’avenant et les images défilent à bon rythme et l’illusion n’est pas perdue quand les premiers personnages entrent à l’écran. Ce film a été tourné avec les moyens les plus modernes, mais tout est fait pour nous permettre de l’oublier : le rythme bien particulier des caméras de l’époque a été reproduit et Michel Hazanavicius a baissé légèrement la qualité de l’image, notamment en ajoutant de la vignette dans les coins. Le résultat est réussi et certaines séquences sont vraiment troublantes tant on pourrait croire qu’elles ont été effectivement tournées à la fin des années 1920. Ce succès, The Artist le doit en grande partie à son acteur principal : Jean Dujardin n’a pas démérité sa récompense cannoise, il est vraiment impressionnant à interpréter cet acteur du cinéma muet. Ses mimiques sont tordantes ou émouvantes, il réussit à en dire énormément sans un mot et il tient parfaitement son rôle. Bérénice Béjo à ses côtés n’est pas en reste non plus, le reste du casting est essentiellement américain et efficace.
L’art du pastiche est bien difficile, il faut rendre hommage sans caricaturer tout en trouvant le ton juste. Sur ce point, la réussite de The Artist est totale : le film de Michel Hazanavicius parvient vraiment à tromper ses spectateurs en leur faisant croire qu’ils sont retournés à la fin des années 1920. Pastiche réussi, certes, mais pastiche seulement : on aurait aimé que The Artist aille un peu plus loin et oublie le pastiche pour s’intéresser de plus près au cinéma et à ses changements. Le film est indéniablement agréable, on le regarde avec plaisir, mais cela ne va pas au-delà. Cela étant, ce n’est déjà pas si mal…
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