Alien, le huitième passager fait partie de ces quelques films qui ont marqué l’histoire du cinéma. Quand le film sort en 1979, c’est du jamais vu : le réalisme de l’histoire et surtout de sa bestiole est incroyable. Ridley Scott a frappé un grand coup avec un film extrêmement efficace dans l’angoisse, se rapprochant plus du film d’horreur que du space opera façon Star Wars sorti deux ans auparavant. Dans ce quasi-huis clos, personne n’entendra les personnages crier, mais le spectateur tremblera avec eux. Un film qui n’a pas perdu de son efficacité, un classique à voir et à revoir.
Dans le vide de l’espace, un gigantesque vaisseau spatial avance lentement. À son bord, sept astronautes sortis d’hibernation par l’ordinateur de bord. Une rapide analyse de la situation leur permet rapidement de constater qu’ils ne sont pas encore arrivés dans les environs de la Terre, leur objectif. Ils ne sont en fait qu’à mi-chemin et le vaisseau s’est automatiquement arrêté et les a réveillés. En cause, un signal régulier d’origine inconnue qui oblige légalement l’équipage à s’arrêter pour vérifier son origine. Le signal provient d’une planète qui bloque le vaisseau quelques heures suite à une panne. Cette pause dans le voyage laisse tout le loisir à trois membres de l’équipage de se rendre sur le lieu d’origine précis du signal où ils découvrent un autre vaisseau extra-terrestre. Pendant l’exploration de ce dernier, un des membres d’équipage se fait attaquer par une étrange bestiole qui entoure complètement son visage. Ne respectant pas les règles élémentaires de quarantaine, ils ramènent le malheureux dans le vaisseau. Sans le savoir, ils ont fait entrer la créature qui se révélera extrêmement dangereuse…
Sorti deux ans après Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir, Alien, le huitième passager est un film de science-fiction, certes, mais un film bien différent. Loin du space opera de George Lucas, Ridley Scott propose un film finalement beaucoup plus proche de l’horreur que de la science-fiction. Certes, toute l’action se déroule dans un futur que l’on imagine assez lointain, dans l’espace, à bord d’un vaisseau spatial ou sur une planète où un vaisseau extra-terrestre s’est écrasé. Reste que l’action se déroule quasiment uniquement à bord de ce vaisseau spatial caractérisé à la fois par sa taille gigantesque et par les nombreux et longs couloirs particulièrement sombres. Trois ans avant Blade Runner, Ridley Scott construit déjà un univers de science-fiction particulièrement sale et abimé dans Alien, le huitième passager. Mis à part la salle à manger qui brille d’un blanc éclatant, les autres décors de ce film sont tous sombres, souvent sales et évoquent plus une ancienne usine désaffectée qu’un vaisseau spatial ultra moderne. C’est le décor parfait d’un film d’horreur en somme et Ridley Scott l’exploite à merveille. Alien, le huitième passager s’avère efficace pour susciter la peur, notamment parce qu’il n’abuse pas de sa bestiole. Peu importe que le film cache l’Alien faute de moyens, le résultat est là : son absence le rend encore plus effrayant, selon ce principe bien connu que l’on craint plus ce que l’on ne voit pas. Le cinéaste s’amuse à faire surgir l’Alien sans crier gare et à attaquer les personnages brutalement, même si l’ambiance ne laisse aucun doute sur les phases d’attaque. Approchant le huis clos, Alien, le huitième passager s’avère en tout cas un film d’horreur assez réussi, même s’il ne respecte pas les règles du genre.
À bien des égards, Alien, le huitième passager est un film qui maintient une large part de mystères et c’est aussi ce qui explique son succès. Alors que ses successeurs auront tendance à trop en dire, le premier épisode de la saga Alien se contente d’esquisser des pistes, sans les fermer. De par sa relative absence, l’Alien suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponse. On sait qu’il a vaguement une forme humanoïde, mais avec une énorme tête toute en longueur. On sait aussi qu’il est composé d’un sang si acide qu’il ronge n’importe quelle matière, ce qui complique considérablement les attaques à son encontre. On comprend qu’il tue ses victimes à l’aide d’un morceau projeté depuis sa bouche. On sait aussi qu’il a besoin d’un corps étranger pour finir sa croissance et passer de l’état d’œuf à celui d’Alien… mais c’est à peu près tout. La version Director’s Cut préparée à l’occasion de la sortie DVD ajoute une scène qui ajoute des informations, mais la version originale est finalement assez pauvre en explications. On nous dit que ces bêtes sont des tueuses, mais on ne nous explique jamais les origines du signal. Pris initialement pour un signal de détresse, on découvre finalement qu’il s’agit d’une mise en garde qui, en toute logique, n’aurait pas été envoyée par le vaisseau extra-terrestre s’il voulait attirer les humains. Alors d’où vient-il ? Quel est le rôle du scientifique qui fait entrer la bête dans le vaisseau ? Est-il à l’origine même du signal ? À toutes ces questions, Alien, le huitième passager ne donne aucune réponse et c’est tant mieux. Le voile de mystère qui entoure le récit crée une ambiance unique qui suscite la curiosité du spectateur et qui s’avère souvent trop rare dans les blockbusters…
Alien, le huitième passager est une réussite rendue possible, notamment, par le côté huis clos horrifique et son voile de mystère. Ces deux éléments n’ont pas nécessairement été choisis par le cinéaste : si l’on voit aussi eu l’Alien, c’est aussi que des plans trop fréquents et trop rapprochés auraient dévoilé l’astuce utilisée, à savoir un homme dans un costume. Avant l’émergence du numérique, il n’est pas facile de mettre en scène n’importe quelle créature en toute liberté et Ridley Scott a fait avec les moyens du bord et surtout de son époque. Ces problèmes techniques n’ont toutefois aucun impact sur l’efficacité du film : Alien, le huitième passager est extrêmement réussi de bout en bout et maintient la pression sans relâche sur ses spectateurs. La lutte à mort qui oppose l’équipage à la créature est très bien rendue et les tensions sont toujours palpables. Le film est également plutôt réaliste, même si les consoles informatiques respirent plus les années 1970 que le futur et même si la pirouette finale est peut-être un peu grossière. Les sept acteurs du film offrent une prestation efficace, mais sans doute pas aussi mémorable que celle de l’Alien tandis que la bande originale composée par Jerry Goldsmith, participe indéniablement à l’ambiance d’angoisse d’Alien, le huitième passager.
Premier film d’une longue saga qui n’est pas encore terminée, Alien, le huitième passager est indéniablement le film le plus abouti de la série à ce jour. Ridley Scott parvient à créer une ambiance de film d’horreur très réussi avec finalement peu de moyens, privilégiant une ambiance poisseuse et un huis clos oppressant au grand spectacle de la science-fiction. Le résultat est très réussi et l’Alien entre immédiatement au rang des créatures de cinéma les plus connues. Ce tueur né impitoyable et sans remord fascine encore aujourd’hui et sans doute pour de nombreuses années encore et Alien, le huitième passager y est certainement pour quelque chose.