Que donne le croisement d’un conte des frères Grimm et du Seigneur des Anneaux ? C’est à cette question assez incongrue que tente de répondre Rupert Sanders avec ce premier film. Blanche-Neige et le Chasseur fait de la princesse une guerrière et du prince charmant un mercenaire ivrogne depuis la mort de sa femme. Un cocktail explosif qui promet beaucoup sur le papier… mais qui ne donne finalement pas grand-chose. Le spectacle est au rendez-vous, mais on s’ennuie beaucoup trop devant cette énième resucée du travail de Peter Jackson.
Oubliez ce que vous saviez du conte original, Blanche-Neige et le Chasseur n’en garde que le point de départ, et encore. Dans un royaume heureux, la Reine donne naissance à Blanche-Neige, la plus jolie des filles, mais elle meurt quelques années plus tard. Le Roi inconsolable épouse pourtant Ravenna, une splendide femme qui s’avère aussi être une sorcière cruelle. Sans hésiter, elle poignarde son mari pendant la nuit de noces et prend le pouvoir par la force. Blanche-Neige est emprisonnée pour toujours dans l’une des tours du château et la nouvelle Reine s’impose sur tout le royaume, ne laissant que mort et pourriture sur son chemin. Chaque jour, elle consulte son miroir magique pour s’assurer qu’elle reste la plus belle. Un jour, le miroir est obligé de reconnaître que celle qu’elle a emprisonnée des années auparavant est désormais plus belle qu’elle. Blanche-Neige réussit à s’enfuir avant d’être tuée par la Reine qui lance immédiatement à sa poursuite le chasseur. Elle n’avait pas prévu que ce mercenaire se laisserait charmer par la beauté de la princesse et l’aiderait à monter une révolte au lieu de la tuer…
Les contes ont toujours eu une portée morale et ils ne sont jamais précisément localisés dans le temps ou l’espace pour ne pas évoquer une situation particulière. La traditionnelle formule d’ouverture « Il était une fois » est le signe de ce flou qui permet à Rupert Sanders de bouleverser l’histoire originale. Si vous avez lu le conte des frères Grimm, ou si vous avez en mémoire l’adaptation assez fidèle de Walt Disney, vous risquez bien d’être un peu perdu avec cette relecture. Blanche-Neige et le Chasseur se déroule dans un univers médiéval teinté de fantastique, un univers heroïc-fantasy en somme. Les touches fantastiques restent toutefois limitées et c’est surtout le réalisme de la représentation qui frappe dans un premier temps. La mère de Blanche-Neige meurt à cause d’un hiver vigoureux, la princesse doit se battre et même mener l’assaut contre son propre château et les nains ne sont pas de sympathiques mineurs, mais des bandits de grand chemin. Le film ne manque pas d’idées et certaines sont plutôt bien vues. L’idée qui a donné naissance à Blanche-Neige et le Chasseur est une bonne idée, le conte peut donner naissance à un tout autre récit et ce n’est pas un problème en soi. Pourtant, le résultat n’est pas vraiment à la hauteur des attentes…
Blanche-Neige et le Chasseur dure environ deux heures, une longueur tout à fait standard pour un gros blockbuster. Le film de Rupert Sanders semble pourtant durer au moins trente minutes de plus, ce qui n’est jamais un très bon signe. Cela commence pourtant plutôt bien, avec une introduction rythmée et un ton plutôt bien vu, entre hommage au conte original et classiques de l’heroïc-fantasy. Ce n’est qu’une fois l’histoire lancée, avec Blanche-Neige jeune adulte, que le film patine et que la baisse de régime commence à se faire sentir. Le scénario de Blanche-Neige et le Chasseur n’est pas équilibré et surtout il passe à côté de l’essentiel. Rupert Sanders est censé filmer une sorte de film d’apprentissage où la princesse apprend à devenir une guerrière pour reprendre son trône. Dans les faits, l’apprentissage est totalement absent, nonobstant une leçon qui ne dépasse pas la minute et qui consiste à dire à Blanche-Neige qu’il suffit de planter un couteau et attendre la mort en regardant la victime dans ses yeux. Cet enseignement minimal suffit manifestement à la jeune femme à faire un discours de guerre parfaitement maîtrisé plus tard dans le film, puis à lui faire prendre la tête de l’attaque lancée contre la sorcière. C’est vraiment trop léger et Rupert Sanders ne parvient pas à rendre ses personnages crédibles, ce qui nuit finalement au film tout entier. Ce n’est pas l’histoire d’amour qui va rehausser le tout : alors qu’elle prend une place importante dans le conte original, elle est absente de Blanche-Neige et le Chasseur, malgré la présence de deux prétendants. Deux hommes à aimer, mais la princesse semble n’en avoir rien à faire, elle préfère se concentrer sur son royaume à récupérer.
S’il n’y a ni apprentissage de la guerre, ni naissance de l’amour, que reste-t-il à cette superproduction hollywoodienne ? Rupert Sanders disposait d’un budget colossal de 170 millions de dollars pour son film, il a bien fallu le dépenser. Blanche-Neige et le Chasseur s’inspire sans la moindre honte et assez largement de la trilogie Le Seigneur des Anneaux portée au cinéma par Peter Jackson. Les batailles médiévales qui rassemblent des dizaines de milliers d’hommes et les courses en cheval ou non dans de vastes paysages déserts ont particulièrement inspiré le cinéaste, mais n’est pas Peter Jackson qui veut. Rupert Sanders pensait apparemment que secouer vivement la caméra au milieu d’hommes en armures qui se battent suffirait. Au total, les deux scènes de batailles qui encadrent Blanche-Neige et le Chasseur sont assez illisibles, tandis que le reste n’est qu’une succession de plans peu inspirés. Le film va parfois chercher du côté de la saga Le Monde de Narnia, à un autre moment on pense au médiocre Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton — il s’agit d’ailleurs du même producteur — ou alors au pas meilleur Robin des Bois de Ridley Scott… Rupert Sanders peine à passionner et ses acteurs ne l’aident pas vraiment. Blanche-Neige et le Chasseur hérite de Kristen Stewart pour son rôle-titre et l’héroïne de la saga Twilight n’est guère meilleure ici ; Chris Hemworth a exactement le même rôle que dans Thor, tout comme Sam Claflin qui joue aussi bien le bellâtre que dans Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence. Seule Charlize Theron se donne à fond dans son rôle de sorcière, mais cette réussite ne compense pas les autres rôles…
Un blockbuster peut avoir tous les défauts imaginables, mais il ne peut pas dévier de son objectif premier : distraire. Malheureusement, Blanche-Neige et le Chasseur n’atteint pas vraiment cet objectif de base. La relecture heroïc-fantasy du conte original était une bonne idée, mais Rupert Sanders n’en fait finalement pas grand-chose. À trop s’inspirer d’autres films, il compose un long-métrage assez ennuyeux. Dommage…