Dans la mythologie des superhéros, le personnage d’Iron Man est intéressant parce qu’il s’est créé lui-même, avec ses compétences et son argent. Au cinéma, c’est aussi le seul qui a réussi à apporter une touche d’humour et un second degré qui manque souvent dans les adaptations de comics. Iron Man et Iron Man 2 ont posé le personnage et imposé son succès, sans conteste lié à ce ton différent, plus léger qu’ailleurs. Ces deux premiers épisodes ont participé à la construction d’Avengers qui faisait intervenir Tony Stark aux côtés des autres superhéros de Marvel. Iron Man 3 suit directement la grande réunion et il ouvre un nouveau cycle, avec un ton en apparence très différent. Plus sombre, ce nouvel opus semble adopter la tendance imposée par Christopher Nolan, entre autres, en faveur d’un traitement plus réaliste des superhéros. Même si le long-métrage de Shane Black en hérite, il a su garder son ton et son traitement spécifiques. À la clé, un blockbuster très plaisant, impressionnant et fun à la fois !
Iron Man 3 semble s’apparenter à une trilogie parfaitement construite, mais il n’en est rien. Si le deuxième opus suivait d’assez près son prédécesseur, cette suite ignore totalement tout ce qui a précédé, ou presque. On retrouve les mêmes personnages évidemment, mais le film de Shane Black pourrait se passer juste après Avengers ou des années après… on ne le saura pas. De fait, le long-métrage ouvre une nouvelle histoire, sans lien avec ce qui précède : comme dans tout bon blockbuster, un nouvel ennemi s’en prend aux États-Unis, cette fois un clone de Ben Laden qui attaque le pays avec plusieurs bombes. Le Mandarin, c’est son nom, est un terroriste d’autant plus dangereux qu’il semble pouvoir frapper n’importe où, n’importe quand, et n’importe qui, même le président américain. Tony Stark veut évidemment monter sur le devant de la scène et affronter ce nouvel ennemi, mais son pays n’entend pas le laisser agir à sa place, d’autant qu’il a offert aux États-Unis une armure identique à la sienne. Le héros refoulé fulmine et Iron Man 3 lui laisse l’opportunité de provoquer un ennemi qui ne semblait pas jusque-là le viser et qui finit par l’atteindre en plein cœur, en attaquant sa gigantesque maison et surtout sa famille, Tony Stark étant désormais dans une relation de couple stable. Autant dire que ce nouveau Marvel part dans de nouvelles directions et Shane Black ne sera pas seul sur cette voie. Avengers 2 est en préparation et ce premier film est une manière d’introduire cette suite.
Officiellement, Iron Man 3 doit servir d’introduction à Avengers 2, mais ce n’est pas vraiment ce qui intéresse Shane Black. En fait, il est vaguement question du SHIELD, ce groupement de superhéros auquel appartient Iron Man, mais l’organisation est absente du film, tout comme ses enjeux qui ne sont évoqués qu’en passant. C’est la première surprise de ce blockbuster, il est concentré sur un seul enjeu bien plus modeste que prévu, l’opposition entre Iron Man et le Mandarin. Quand le film commence, le héros n’a aucun but et il déprime : seul avec Jarvis, l’intelligence artificielle qui l’assiste en permanence, il construit de nouvelles armures et oublie de dormir. L’émergence de ce méchant redonne un sens à son existence et il va tout faire pour l’affronter. Le scénario entend l’écarter dans un premier temps, mais le superhéros va créer son propre ennemi, comme il l’annonce d’ailleurs avec la toute première phrase d’Iron Man 3. La suite est une histoire plus classique de vengeance personnelle : Tony Stark poursuit d’abord celui qui a osé s’en prendre à l’amour de sa vie, avant de sauver son pays. Les enjeux sont ainsi beaucoup plus modestes qu’escompté, et c’est une très bonne chose. Shane Black préfère se concentrer sur son excellent personnage et il a bien raison : si son film est une réussite, c’est bien qu’il a maintenu l’esprit décalé de Tony Stark intact.
La bande-annonce laissait entrevoir un épisode beaucoup plus sombre et le Mandarin ressemblait trop fortement au personnage de Bane pour ne pas rappeler The Dark Knight Rises. On pouvait dès lors craindre une « nolanisation » de la série, mais Iron Man 3 en est fort heureusement très éloigné. Certes, le film est plus sombre que ses prédécesseurs et Tony Stark se retrouve vraiment mis en danger par ses adversaires, alors qu’il est censé être l’homme le plus puissant. On retrouve aussi cette idée de méchant implacable qui a prévu un plan démoniaque et qui l’applique sans être arrêté. Le terrorisme islamique comme on le connaît si bien depuis le 11 septembre est également trop présent pour qu’Iron Man 3 bénéficie du même traitement léger qu’auparavant. Et pourtant, malgré toute cette noirceur, l’humour et le second degré sont intacts dans ce nouvel épisode. Shane Black est parvenu à manier l’humour et à le distiller tout au long de son film par ailleurs assez sérieux : à chaque fois qu’une action héroïque se produit, le personnage principal parvient à désamorcer une situation qui pourrait devenir trop sérieuse et dramatique par une remarque qui souligne qu’il ne se prend pas tout à fait au sérieux. Ce choix plutôt étonnant fonctionne parfaitement et c’est même ce qui fait que le long-métrage de plus de deux heures passe très rapidement et s’avère si plaisant à regarder. On passe un très bon moment devant Iron Man 3 et le film excelle à nous divertir, ce qui est quand même son premier objectif.
Si l’on s’amuse autant, c’est aussi grâce à Robert Downey Jr. L’acteur n’a jamais été aussi bon que dans ce rôle et il semble éprouver un réel plaisir à incarner à nouveau Tony Stark et Iron Man. Dans Iron Man 3, il n’est pas en roue libre, mais offre une prestation comique extrêmement réussie. Ce héros qui sauve le monde, mais qui est encore plus fragile qu’un enfant avec ses crises d’angoisse et ses caprices s’avère également touchant. C’est peut-être une nouveauté, Shane Black a su insuffler une touche d’émotion avec son héros qui s’inquiète pour la femme qu’il aime ou qui fait attention, malgré ses vacheries répétées, à un garçon qui vient l’aider et qui est aussi paumé que lui. Autour de ce personnage, les autres rôles d’Iron Man 3 peinent un peu à exister, mais on note l’excellente performance de Ben Kingsley dans le rôle du Mandarin. Shane Black compose ici son second film seulement et il gère très bien cette énorme production hollywoodienne. Sa liberté n’était évidemment pas totale, mais il a su l’exploiter au mieux et on imagine que les séquences décalées, notamment entre Tony Stark et le gamin qui vient l’aider, sont surtout de son fait. L’ensemble tient en tout cas ses promesses et Iron Man 3 est un long-métrage explosif et rythmé, ce qui est bien le minimum dans le genre.
Shane Black ne révolutionne pas le genre, mais force est de constater que son Iron Man 3 fonctionne vraiment bien. À condition d’aimer les superhéros et les super-productions hollywoodiennes évidemment, ce blockbuster s’avère jouissif tant dans l’action — quelques scènes vraiment explosives — que dans l’humour spécifique à ce personnage et qui a été astucieusement maintenu. On passe un bon moment avec Tony Stark et c’est bien l’essentiel… Iron Man 3 ouvre bien cette séquence Avengers 2, reste maintenant à savoir ce que fera Marvel par la suite. Réponse dès cet automne avec Thor : Le Monde des ténèbres.