Au début des années 2000, Ang Lee relance l’intérêt occidental pour les films de kung-fu avec le succès planétaire de Tigre et Dragon. Trois ans plus tard, Hero sort dans les salles de cinéma en France et ailleurs et ce film historique réalisé par Zhang Yimou surfe sur ce succès. L’histoire n’est ici qu’un prétexte à enchaîner des scènes de combat d’anthologie, avec une esthétisation à outrance, au point que le visuel l’emporte sur le reste. Même si Hero souffre d’une sérieuse baisse de rythme à la fin et même si son scénario est un peu trop didactique, il reste un long-métrage visuellement très réussi. À voir et puis à oublier…
Hero raconte un épisode charnière dans l’histoire de Chine. Qin est le premier Empereur de Chine et il a unifié un pays jusque-là divisé en petits États opposés pour construire ce qui est aujourd’hui le plus grand pays au monde. On est alors au IIIe siècle avant Jésus-Christ et Zhang Yimou construit son récit autour des légendaires tentatives d’assassinat de Qin. Pour créer son empire, il a mené plusieurs guerres et fait plier plusieurs États, ce qui lui a créé quelques ennemis au passage. Hero s’intéresse à trois d’entre eux en particulier, trois légendes que le futur empereur n’a jamais pu battre et qui l’ont contraint, au contraire, à s’enfermer dans son immense palais, la peur au ventre. Le film commence quand un homme, nommé Sans Nom, se présente au palais et dit avoir tué ces trois assassins professionnels. Intrigué, Qin le fait venir et lui demande de raconter ses exploits. Zhang Yimou déroule alors une série de flashbacks qui correspondent aux récits de chaque mort : celle de Lame Brisée, puis de Flocon de Neige et enfin Ciel Étoilé. Hero ne laisse pas les spectateurs seuls pour comprendre cette construction et le long-métrage est assez didactique, même s’il faut noter une astucieuse inversion à mi-parcours. Reste que le film est peut-être un peu trop cadré et le scénario mériterait de gagner en légèreté. Les dialogues sont un peu trop appuyés et le mécanisme mis en place autour de Qin et des récits de Sans Nom devient vite un peu trop systématique.
Ce qui sauve Hero, c’est sans doute sa forme. On l’a compris, le récit est ponctué de combats et de mise à mort, puisqu’il consiste à raconter le parcours de Sans Nom, celui qui a tué tous les assassins de l’empereur. À intervalle régulier, Zhang Yimou met en pause sa narration pour une séquence de combat et le cinéaste s’est évertué à faire toujours plus. Comme dans Tigre et Dragon et beaucoup de films de kung-fu, un soin tout particulier a été accordé aux chorégraphies qui sont, en toute logique, époustouflantes et très bien menées. Mais le clou du spectacle ici, c’est plutôt le décor, paradoxalement. Hero a une représentation extrêmement visuelle de ces combats successifs et le film associe chacun d’entre eux à une couleur primaire. Le premier combat est ainsi en noir et blanc ou en niveau de gris, le suivant est totalement rouge, celui d’après est jaune, puis viennent un bleu, un vert, etc. Les décors perdent logiquement en réalisme — quand l’intégralité du décor et des personnages sont en rouge, quelque chose cloche —, mais ce procédé que l’on pourrait trouver un peu artificiel donnent au film une puissance surprenante et même, paradoxalement, une forme d’unité. On adhère ou pas au procédé et au pari de Zhang Yimou, mais force est de constater que le rendu est réussi et Hero est un très beau film. Est-ce que cela suffit à en faire un grand film ? Non, mais on lui pardonne plus facilement des défauts sur le plan scénaristique.
Inspiré par des évènements réels, Hero n’est en fait qu’un prétexte à mettre en scène des combats de kung-fu splendides avec leurs fonds colorés qui changent d’un combat à l’autre. Le procédé mis en place par Zhang Yimou pourra sembler très artificiel à certains, mais il a le mérite d’être maintenu jusqu’au bout et il fonctionne finalement assez bien. Pas de quoi compenser totalement un scénario un peu trop appuyé, mais Hero est ainsi un film très plaisant à regarder, et ce n’est déjà pas si mal.