La saga Star Trek est une institution et s’y attaquer est une preuve de courage (ou d’inconscience)1. J.J. Abrams s’y était risqué en 2009 avec Star Trek et sa relecture modernisée des origines de la saga fonctionnait plutôt bien. Quatre ans après, il offre à son reboot une suite et, dès son titre, Star Trek Into Darkness annonce la tonalité générale. Loin des couleurs souvent vives des films des années 1980, ce douzième volet sombre dans la noirceur très à la mode depuis les relectures sombres et réalistes de Christopher Nolan, entre autres. « Notre monde va sombrer » annonce l’affiche et de fait, Star Trek Into Darkness construit son scénario sur des actes terrorismes et la menace d’une guerre qui pourrait détruire l’humanité, rien de moins. Un programme pour le moins ambitieux, pour un film qui ne remplit pas toutes ses promesses : si le spectacle est bien au rendez-vous, J.J. Abrams semble avoir du mal à offrir une suite digne d’intérêt à l’un de ses films, une première pour ce cinéaste habitué des relances. Un blockbuster qui en met plein la vue, à défaut d’en mettre plein la tête…
L’introduction vise explicitement la saga James Bond : une plongée brutale au cœur de l’action, pour mieux introduire les personnages. Star Trek Into Darkness nous présente les trois protagonistes principaux de la saga, à savoir le capitaine James T. Kirk, le Vulcain Spock qui est aussi son second et enfin le docteur McCoy. Leur rôle est de découvrir de nouvelles planètes et de nouvelles civilisations dans l’univers, sans interférer pour ne pas les influencer, mais cette mission qui ouvre le long-métrage se passe mal. Kirk a volé un objet essentiel pour les indigènes et Spock arrête l’éruption d’un volcan qui menace de faire disparaître cette société. L’USS Enterprise est vu par les indigènes, c’est un échec total et le film commence alors que Kirk est descendu au rang de second. La saga tout entière étant construite sur l’association entre ce capitaine et son vaisseau, Star Trek Into Darkness trouve un moyen de les faire se réunir et le long-métrage introduit rapidement son intrigue principale autour du personnage de Khan. Cet ancien membre de Starfleet, l’organisme qui gère l’espace et la conquête spatiale, s’en prend maintenant à son ancien employeur et il attaque le QG londonien pour mieux attaquer les principales têtes du mouvement. Après deux attaques surprises, Kirk est chargé de poursuivre Khan réfugié en territoire ennemi, et de le tuer sans autre sommation. Ce douzième épisode retrouve alors les passages obligés de la saga : le vaisseau part en distorsion à l’autre bout de l’univers où Kirk, Spock et les autres doivent mener leur mission. Comme toujours ce qui était prévu n’est pas exactement ce qui se passe et celui qui devait être l’ennemi à abattre est un personnage plus complexe. Difficile d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue qui, bien qu’assez confuse, reste dans l’ensemble plutôt intéressante, quoique peut-être un peu déjà vue aussi. Star Trek Into Darkness surfe sur la tendance qui veut à tout prix noircir les intrigues — on pense à Iron Man 3 dans le genre blockbuster — et c’est peut-être un peu lassant. Le vrai problème du dernier film de J.J. Abrams ne vient toutefois pas de là.
Si le nom de Khan ne vous dit rien, c’est sans doute que vous ignorez tout de la saga Star Trek et ce n’est pas très grave. Star Trek Into Darkness se comprend très bien indépendamment des films qui le précèdent, même si voir au moins le Star Trek de J.J. Abrams ne sera pas de trop. Ce personnage est apparu deux fois avant ce nouvel épisode, c’est donc un personnage secondaire et les scénaristes ont profondément changé sa nature, même s’il colle relativement bien avec Star Trek II : La Colère de Khan, le deuxième long-métrage de la saga qui se concentrait sur lui. Il est censé être un surhomme, un être aux capacités renforcées, mais à l’écran, il est surtout plus fort. Sorte de relecture d’un superhéros, il résiste aux coups et aux chutes, tout en étant capable de tuer des centaines d’ennemis sans sourciller. Disons-le, ce personnage est une déception : alors que Star Trek Into Darkness aurait pu lui accorder plus de place et surtout à ses liens avec Spock et Kirk, toutes ces idées sont balayées au profit d’un monolithe très puissant et intelligent, certes, mais sans grand intérêt. Benedict Cumberbatch, époustouflant dans la série Sherlock est ici convaincant, mais sans faire d’étincelle. Il faut dire que le scénario ne l’aide pas et l’acteur fait très bien ce qu’on lui demande, mais on aurait aimé avoir autre chose qu’un deuxième Spock. À ses côtés, Chris Pine a des arguments physiques à faire valoir, incontestablement, mais l’acteur ne dégage aucun charisme et il est lui aussi très proche du personnage de Spock. Au fond, le plus convaincant reste Zachary Quinto, mais ce trio d’acteurs ne parvient pas à convaincre et encore moins à susciter la moindre émotion. Ne parlons pas des personnages secondaires qui sont tous des caricatures des rôles originaux : on a le japonais, la black, le chinois, le mécanicien râleur… tout est là, mais J.J. Abrams ne fait pas dans l’hommage, il s’agit d’une caricature que le cinéaste ne parvient pas à dépasser. Que dire aussi du docteur McCoy simplement là pour un bon mot ou, pire, du docteur Carol Marcus qui semble n’être à l’écran que pour ses cheveux blonds et la poitrine d’Alice Eve qui tente tant bien que mal de l’incarner ?
La saga Star Trek avait souvent tendance à manquer d’action et à faire preuve d’une lenteur qui masquait parfois un scénario bien vide. Star Trek Into Darkness pêche dans l’excès inverse : J.J. Abrams en a fait un blockbuster violent et sans âme, où l’action coule à flots, mais où le scénario a oublié d’être intéressant. Inutile de le nier, le film est très bien réalisé et on voit de magnifiques séquences de combats ou de destructions à la fin avec une vraie utilisation de la 3D, mais on s’ennuie ferme devant ce spectacle sans intérêt réel. Le spectateur comprend très vite ce qui va se passer — tous les indices sont soigneusement soulignés —, les incohérences sont nombreuses et le film avance, mais n’accroche pas. En sortant de la salle, on serait bien en peine de dire ce qui a retenu notre attention et Star Trek Into Darkness sera plus rapidement oublié que regardé. Dommage, l’univers extrêmement riche de Star Trek méritait mieux que cela et même si le Space Opera est techniquement réussi, il est ici assez vain.
Vous voulez m’aider ?
- Les réactions épidermiques des fans le confirment bien : celle d’Alexandre en est un excellent exemple… ↩