Game of Thrones, D. B. Weiss et David Benioff (HBO)

Trois saisons, trente épisodes et déjà culte : la chaîne américaine HBO a réussi l’exploit de créer une série d’excellente qualité et extrêmement populaire. Difficile de parler de Game of Thrones sans nécessairement faire long, tant l’univers mis en place par la série est d’une richesse rare. Difficile toutefois d’en parler sans dévoiler des informations essentielles, tant la série aime bouleverser les ordres établis et surprendre. Adaptée d’une saga de George R. R. Martin, la série se déroule dans un univers fantastique et sur deux continents imaginés. On y suit jusqu’à une dizaine de petites intrigues en parallèle, mais le cœur du problème est le trône du titre que de nombreux personnages convoitent. Comme dans toutes les meilleures séries, les personnages sont essentiels et la qualité de l’écriture qui fait la renommée de HBO n’est pas usurpée. D.B. Weiss et David Benioff ont signé une grande série épique, à ne rater sous aucun prétexte si vous appréciez l’heroïc-fantasy.

Game of thrones sean bean hbo

Les trois saisons diffusées pour le moment par HBO ne représentent même pas la moitié de l’immense récit qu’écrit toujours George R. R. Martin. Trois saisons, c’est peu, mais c’est en même temps énorme dans cet univers : Game of Thrones vous emporte dans un tourbillon narratif assez grisant, mais aussi déconcertant dans un premier temps. Jugez plutôt : on commence par suivre l’histoire de la famille des Stark, des nobles qui règnent sur le nord du continent fictif de la série. En parallèle, on découvre Port-Réal, la capitale située plus au sud, où le roi vit avec sa cour. Dans le même temps, on suit les pas des deux héritiers légitimes du trône, les enfants de celui qui a été détrôné par le roi actuel dix-sept ans avant l’ouverture de la série. Ces deux-là agissent sur le deuxième continent de Game of Thrones, mais il y a encore une troisième zone géographique. Plus au nord que chez les Stark, au-delà d’un haut mur de glace, une vaste région sauvage qui menace le royaume de Westeros, c’est son nom. Ces personnages et lieux géographiques sont ceux du début de la première saison, mais très vite Game of Thrones multiplie les intrigues. Eddard Stark suit le roi à la cour avec ses deux filles, pendant que Jon Snow, son fils illégitime, s’engage à protéger le mur de glace. Dans le même temps, les Lannister — une famille rivale des Stark — agissent pour récupérer leur pouvoir et on découvre ainsi cinq ou six personnages qui vivent des aventures différentes. Le grand jeu pour le trône pour commencer, sachant qu’il reste encore plusieurs prétendants que l’on découvrira au fur et à mesure que l’intrigue avance.

Game of thrones hbo lena headey

Autant le dire, on est un peu perdu dans cet univers touffu pendant quelques épisodes. Le pilote de la première saison est à cet égard saisissant : D.B. Weiss et David Benioff nous emportent dans un pays que l’on ne connaît pas, pour découvrir en même temps des intrigues strictement parallèles dans un premier temps. L’une des bonnes idées de HBO, c’est de faire du générique de Game of Thrones — un des points forts des séries de la chaîne — une carte qui représente l’intégralité du territoire où se déroule l’action. En regardant avant chaque épisode cette carte, on finit par prendre des points de repère géographiques et par visualiser la zone au-delà du mur tout au nord, puis Winterfell et la région dominée par les Stark. Plus au sud, on trouve d’autres maisons : les Tully au milieu, les Lannister à l’ouest, les Greyjoy sur des îles encore plus à l’ouest, mais aussi vers le sud les Baratheon, les Tyrell… et on en oublie encore un bon nombre. Les personnages de la série sont bien trop nombreux pour les évoquer tous, mais ne vous inquiétez pas si vous pensez être totalement perdus. Le scénario est suffisamment bien ficelé pour que l’on s’y retrouve toujours et on s’attache malgré tout à une poignée de personnages clés, une petite dizaine qui fait office de « héros », ou du moins de guides dans le récit. On suit d’abord surtout les Stark, puis les Lannister, tandis qu’à l’autre bout de cet univers, le frère et la sœur Targaryen, seuls rescapés de leur famille autrefois si puissante, tentent de récupérer le trône.

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S’il y a bien un aspect particulièrement réussi dans Game of Thrones, c’est bien ce sentiment de réalisme. Dès les premières images, on sent que l’univers est parfaitement crédible, notamment parce qu’il a une histoire derrière lui. Les personnages font constamment référence à des évènements que l’on n’a pas vu et que l’on ne verra jamais dans la série, mais c’est tout à fait normal. D.B. Weiss et David Benioff ont réussi à rendre les deux continents parfaitement crédibles grâce à cette présence de l’histoire, mais aussi une richesse jamais vue à la télévision. Jamais, une telle ampleur avait été filmée : suivre en parallèle des personnages aussi différents et aussi éloignés sur le plan géographique est déjà une belle performance, mais il y a mieux. Au cours des épisodes, Game of Thrones nous fait découvrir d’autres personnages secondaires, mais qui assoient la crédibilité de l’ensemble. Parfois même, on a un décor qui montre une ville ou un château, exactement ce qu’il faut pour donner du corps à la carte imaginée par HBO pour ouvrir chaque épisode. Ce n’est pas une simple carte, c’est un véritable univers qui semble avoir son indépendance et vivre de lui-même. Seule la série télévisée sans doute permettait un tel rendu : même Le Seigneur des Anneaux, une référence du genre pourtant, n’était pas allé aussi loin dans ce sentiment de réalisme.

Game of thrones emilia clarke

Un sentiment renforcé par le style de la série : très réaliste, Game of Thrones n’hésite pas à filmer des scènes parfois très violentes, que ce soit sur le plan physique ou psychologique. Les personnages sont battus, voire parfois torturés, ils perdent des êtres qui leur sont chers et l’histoire de George R. R. Martin ne les épargne pas, bien au contraire. HBO a su garder cet aspect et la série donne très bien le sentiment d’une menace permanente qui plane sur chaque personnage. Contrairement à d’autres œuvres où l’on est sûr que les personnages principaux survivront quoiqu’il arrive, D.B. Weiss et David Benioff doivent régulièrement tuer des personnages importants et même de premier plan. On est un peu surpris quand cela arrive, mais c’est une leçon que l’on découvre vite : dans Game of Thrones, personne n’est éternel, personne n’est irremplaçable. Les raconteurs d’histoire ont parfois tendance à l’oublier, mais cette dure réalité est indispensable à un récit réaliste et c’est tout particulièrement le cas ici. Nul n’est à l’abri et la menace plane sur tout le monde, à la fois depuis le nord et depuis le deuxième continent à l’est. Sans entrer trop dans les détails, on peut quand même évoquer le principe général qui est que dans cet univers, il n’y a que deux saisons et que l’hiver comme l’été peuvent durer plusieurs années. Quand la série ouvre, l’été dure depuis une dizaine d’années et tout le monde attend l’hiver et avec lui des menaces très directes. C’est une menace, mais Game of Thrones n’oublie pas celle qui vient de l’ouest et des descendants des Targaryen, mais mieux vaut ne pas trop en dire…

Game of thrones hbo peter dinklage

Adulte donc, Game of Thrones montre constamment la violence et parfois la violence sexuelle. L’adaptation menée par HBO est très sombre, l’univers étant apparenté au Moyen-Âge et à une société où la mort est très présente et normale. À cet égard, D.B. Weiss et David Benioff ont fait un beau travail de reconstitution avec des villes notamment très réalistes, mais aussi des châteaux impressionnants et souvent en ruines — là encore, l’histoire est passée par là. Les batailles et les combats sont eux aussi crédibles, quoique toujours un peu exagérés, mais ce n’est pas gênant, d’autant que la magie joue aussi un rôle ici. L’ensemble n’est pas très joyeux, mais on est happé par ce que l’on voit et par la justesse des décors. Game of Thrones n’est certainement pas une série pour les enfants et c’est précisément pourquoi elle est aussi réussie. Fidèle à son habitude, la chaîne a demandé à plusieurs réalisateurs de tourner les épisodes, mais l’ensemble est d’une grande cohérence et il faut saluer la qualité de la série. Il est loin le temps où série télévisée était synonyme de pauvreté de la mise en scène ou de faibles moyens. Chaque épisode est un petit film et la série dans l’ensemble fait bien mieux que de nombreux longs-métrages qui bénéficient d’une sortie au cinéma. Les effets numériques restent assez rares, mais ils sont bien faits ; l’essentiel est du cinéma à l’ancienne, tourné en studio ou en décors naturels en Grande-Bretagne et un petit peu partout dans le monde. Encore une fois, on ne peut être qu’impressionné par la qualité des reconstitutions et leur cohérence, un point indispensable pour la crédibilité du tout.

Game of thrones kit harington

On le disait en ouverture, une bonne série tient d’abord en de bons personnages. Il fallait donc aussi de bons acteurs et sur ce point, Game of Thrones fait un sans-faute. Difficile de tous les énumérer ici, mais disons simplement qu’ils sont tous précis et naturels, certains sont attachants, d’autres repoussants et on est régulièrement bluffé par le travail de l’un ou d’un autre dans certains épisodes. La liste de récompenses obtenues est longue et impressionnante, mais il faut bien avouer qu’aidés par des dialogues très bien écrits — et très proches de ceux de George R. R. Martin, d’ailleurs —, il sont vraiment bons. Leurs personnages sont eux aussi extrêmement bien écrits et fascinants. Il y en a de naïfs, mais surtout beaucoup de cyniques prêts à tout pour survivre. Certains ne veulent que se sauver ou sauver leurs proches dans l’immense guerre qui se met en place, d’autres sont au contraire plus actifs et tentent de récupérer le trône. On apprécie aussi les personnalités très différentes et les dizaines de conflits, le plus souvent personnels, entre frères et sœurs, entre maisons rivales ou bien encore entre amoureux déçus. Les alliances se font et se défont, les batailles se mènent entre armées ou à l’intérieur de la cour : la dimension politique est centrale dans Game of Thrones et c’est incontestablement un facteur explicatif de sa réussite.

Game of thrones sophie turner

Difficile de parler de Game of Thrones sans en dire trop, sans raconter tout simplement toute l’histoire. Les romans de George R. R. Martin sont encore plus riches, mais la série diffusée par HBO est d’une richesse rare et l’adaptation d’excellente qualité en fait une série à ne rater sous aucun prétexte. Même si l’héroïc-fantasy n’est pas votre genre de prédilection, laissez une chance à cette guerre de pouvoir où les références médiévales et la magie ne sont, au fond, que des prétextes pour évoquer notre société. Avec ses personnages parfaitement dessinés et particulièrement riches, Game of Thrones s’est rapidement imposée comme une grande série, un titre qui n’est en rien usurpé.


Game of Thrones, saisons 4 à 6

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(5 juillet 2016)

En trois saisons, Game of Thrones s’était imposée comme une série culte, mais les trois suivantes en ont fait un véritable phénomène de société. Chaque saison est plus populaire que la précédente, HBO explose tous les records en termes de piratage et éviter les spoilers devient plus difficile chaque année, avec de plus en plus de médias généralistes qui en font les gros titres. Le phénomène prend peut-être un petit peu trop d’ampleur et en même temps, comment le critiquer ? La saga littéraire portée à la télévision par D. B. Weiss et David Benioff est excellente et elle mérite de plus en plus son statut de grande série incontournable. Ce qui ne l’empêche pas de souffrir de quelques défauts, essentiellement parce que l’auteur est lent : la série de HBO a rapidement rattrapé la série de livres et pour éviter les trous dans les diffusions, les scénaristes ont été contraints de faire quelques ajustements. Le travail d’adaptation n’a jamais suivi de près les romans, mais on a senti dans les dernières saisons que l’intrigue patinait quelque peu. Pour tenir dix épisodes, Game of Thrones a parfois tendance à allonger au-delà du raisonnable certains arcs narratifs secondaires, à mettre l’accent sur des personnages peu importants et à retarder au maximum les événements qui comptent.

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Ce phénomène disparaît un petit peu quand on regarde chaque saison d’une traite, les épisodes s’enchaînent alors plus naturellement et on n’a pas ce sentiment de ne pas avancer. Les créateurs de la série ont conscience du problème toutefois et les prochaines saisons promettent d’être écourtées et plus denses, ce qui ne sera pas plus mal. On évitera aussi ce phénomène devenu trop systématique au fil des saisons où il ne se passe rien dans la première partie, et où les derniers épisodes sont au contraire beaucoup trop pleins. Dans la cinquième et dans la sixième saisons, Game of Thrones commence à déployer toute sa puissance alors que l’hivers s’abat sur Westeros et qu’à l’ouest, Daenerys Targaryen et ses dragons accumulent les victoires. On a alors quelques séquences de combats très impressionnantes, parfois mieux filmées que dans les blockbusters hollywoodiens, ce qui est une belle réussite pour une série diffusée à la télévision. Et d’ailleurs, même si on peut s’agacer sur certaines sous-sous-intrigues qui occupent trop de place, on ne peut aussi que reconnaître la puissance narrative et cet univers qui est toujours plus large. Saison après saison, HBO nous fait découvrir de nouveaux coins de la carte, des décors que l’on n’avait jamais vus et dont on ignorait jusqu’à l’existence. Cette richesse combinée à une écriture précise et à une réalisation qui atteint des sommets de réalisme et de noirceur, font que la série de D. B. Weiss et David Benioff reste toujours aussi plaisante. Ses défauts sont bien minimes face à son intensité et on a hâte de voir la suite, en espérant que les saisons suivantes soient plus courtes, mais mieux construites.

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On peut faire la fine-bouche, mais en matière de série, on peut difficilement trouver mieux que Game of Thrones. HBO frappe très fort avec cette série qui marquera sans conteste les années 2010 par sa richesse et l’intensité de ses personnages. La série peut compter sur les multiples rebondissements imaginés par George R.R. Martin et sur un casting d’excellente tenue pour maintenir l’intérêt au fil des saisons. La sixième relève encore le niveau, avec des scènes de bataille comme on n’en avait jamais vu à la télévision et des personnages que l’on connaît mieux que dans n’importe quel long-métrage. D. B. Weiss et David Benioff prouvent à nouveau qu’une série peut aller plus loin que le septième art et c’est un régal à suivre… vivement la septième saison !


Game of Thrones, saison 7

(30 août 2017)

Ça y est, l’hiver arrive ! Cette promesse entendue dès le premier épisode de Game of Thrones et montée ensuite lentement en puissance au fil des saisons commence enfin à se concrétiser et les choses sérieuses commencent vraiment. Paradoxalement, c’est à ce stade du récit que la série elle-même ralentit un petit peu. Contrairement aux années précédentes, cette septième saison ne compte « que » sept épisodes au lieu de dix et même s’ils sont allongés — le final dure près d’une heure vingt, un record —, elle est indéniablement plus courte, alors même que la grande guerre commence entre les morts et les vivants. En fait, HBO fait durer encore un petit peu le suspense et ce n’est qu’avec la huitième et ultime saison qui ne devrait pas arriver avant plus d’un an que l’on verra vraiment cette guerre. Néanmoins, Game of Thrones pose ici les deux camps adverses et fait surtout avancer pour la première fois la menace au cœur de Westeros.

Si la série ralentit alors qu’elle délivre son final tant attendu, c’est aussi parce qu’elle a totalement dépassé les romans originaux cette fois. C’était déjà largement le cas dans la saison précédente, mais cette fois c’est sûr : George R.R. Martin n’est plus là pour inspirer les scénaristes. Le romancier n’est pas loin malgré tout et il a travaillé avec eux, mais on imagine que les romans correspondants seront beaucoup plus riches. Ce serait exagéré de dire que l’adaptation en pâtit fortement, mais cette saison est capable du meilleur comme du pire, notamment dans son sixième épisode assez moyen, et peut-être que les romans auraient évité quelques erreurs. Cette première bataille entre les héros et les morts est assez grotesque, même si elle est impressionnante sur le plan visuel, et elle tranche avec la bonne tenue de la série. Néanmoins, Game of Thrones prouve encore à de nombreuses reprises qu’elle n’a rien à envier aux plus gros blockbusters hollywoodiens et la première attaque des dragons dans le quatrième épisode reste l’un des meilleurs moments de la saison et de la série. Par ailleurs, bon nombre de personnages sont morts, ce qui a permis aux scénaristes de se recentrer sur moins d’arcs narratifs et ce n’est pas plus mal. Chaque histoire a plus de temps pour elle, ce qui est une bonne chose, même si les scénaristes n’ont pas eu d’autre choix que de sacrifier encore quelques éléments, rapidement évacués faute de place.

La saison 8 devrait être la dernière pour Game of Thrones et on s’attend à une saison encore plus épique qu’à la normale. C’est la dernière grande bataille après tout, celle qui oppose la vie et la mort, rien que cela. Et c’est la bataille qu’on nous promet depuis le départ, autant dire que la pression est grande pour D. B. Weiss et David Benioff. On sait déjà que HBO leur laisse du temps pour ne pas se louper et la saison sera sans doute en retard. On s’attend aussi à des épisodes encore plus proches d’un long-métrage et probablement encore plus impressionnant que la plupart d’entre eux. Bref, ça va être épique et on a hâte de voir ça, en espérant que l’absence de roman ne pose pas trop de problème et que Game of Thrones ne retombe pas brutalement comme un mauvais soufflet. Dans tous les cas, la série reste l’une des plus grandes des années 2010 et quelle que soit sa fin, elle mérite tout à fait son succès planétaire.


Game of Thrones, saison 8

(22 juin 2019)

Deux ans après une septième saison pleine de promesses, D.B. Weiss et David Benioff ont la lourde de tâche de conclure l’une des séries les plus épiques de l’histoire de la télévision, la série en tout cas la plus populaire de ces dernières années, une œuvre déjà culte et un véritable phénomène de société. Pour ne rien arranger, Game of Thrones doit se passer de l’inspiration directe des romans, George R.R. Martin étant loin derrière et il n’agit plus qu’en tant que producteur et vague conseiller depuis plusieurs saisons. Et si cela ne suffisait pas, cette saison a la lourde tâche de représenter le combat entre les vivants et les morts. On nous promet depuis si longtemps que l’hiver va arriver, comment montrer à sa juste valeur l’importance de la menace ? Beaucoup de questions difficiles et malheureusement, les créateurs de la série portée par HBO n’ont pas réussi à trouver les bonnes réponses. Face à de tels enjeux, ils ont adopté une stratégie digne des pires blockbusters hollywoodiens et Game of Thrones se termine avec six épisodes extrêmement décevants. Un gâchis.

À la fin de la saison précédente, les morts détruisaient le mur au nord de Westeros et ils avançaient vers le sud pour détruire complètement les vivants. Face à une telle menace, les luttes intestines devaient être oubliées et tout le monde se préparait à affronter la plus grande menace jamais posée à l’humanité. Game of Thrones n’a jamais reculé devant ses ambitions immenses et ce n’est pas cette huitième saison qui devait décevoir sur ce point, d’autant que l’on savait que la guerre pour le trône de fer n’était pas terminée. De fait, la saison se construit autour de deux grandes batailles, celle des vivants contre les morts d’abord, puis celle de Daenerys contre Cerseï ensuite. La déception ne vient pas tant de cette trame convenue, mais sans doute inévitable, que du traitement des personnages et de ces deux séquences de combat. Après deux épisodes de remplissage — même si la saison ne compte que huit épisodes, elle n’évite pas les intrigues secondaires placées pour remplir en attendant les péripéties importantes —, la grande bataille arrive enfin. On s’attendait à quelque chose d’épique, mais le réalisateur a fait le choix étrange de tourner la scène, non seulement de nuit, mais en plus dans le noir presque complet. L’idée est facile à comprendre, cela permet à cette bataille de se distinguer de toutes les autres, et puis la mort associée à la nuit, c’est une évidence. Mais plus d’une heure d’actions dans le noir, sans que l’on ne comprenne très bien ce qui se passe, qui fait quoi et qui gagne, c’est vite lassant. Au bout du compte, on a plus le sentiment que HBO voulait économiser sur le coût du tournage et on en vient à se désintéresser largement de ce qui se passe. Un comble pour cette menace montée en épingle depuis la toute première saison !

Le pire reste encore à venir toutefois. Comme lors de l’affrontement de l’autre côté du mur de la saison 7, la bataille contre le roi de la Nuit se termine avec une facilité scénaristique déconcertante et idiote. D’un côté, on nous montre que la situation est vraiment désespérée, de nombreux personnages clés de la série meurent et il semble évident que les morts sont en train de gagner. Et d’un autre côté, il suffit d’une fille au bon endroit et au bon moment (comment s’y est-elle retrouvée ?) pour que la victoire soit évacuée en moins d’une minute. C’est ridicule, alors qu’il y avait matière à trouver bien mieux. Pourquoi est-ce que le personnage de Bran n’a aucun rôle dans cette scène ? Cette séquence finale gâche le plaisir, déjà limité par le fait que l’on n’a rien vu, mais Game of Thrones suit une pente descendante à partir de ce point. La guerre contre la mort terminée, la coalition formée entre Daenerys et le nord de Jon Snow se tourne vers le sud et Port-Réal, où Cerseï a réuni une grande armée de mercenaires pour défendre son trône. Naturellement, la question qui se pose assez vite est de savoir qui va gagner dans cet ultime affrontement. Le choix final a peut-être été dicté par l’écrivain qui a inventé ce monde, mais le cheminement pour mener à cette fin pourrait difficilement être plus grossier. Faire de Daenerys la folle que tout le monde redoutait est ridicule, parce que les sept saisons précédentes montraient exactement le contraire. Et sa folie meurtrière est provoquée par des événements bien trop faciles de la part des scénaristes : peut-on vraiment ignorer complètement une immense flotte de navires quand on vole à dos de dragon ? Comment est-ce que ce personnage cher à la reine se trouve entre les mains des ennemis au juste ? Tout est trop simpliste et la qualité remarquable de l’écriture des premières saisons n’est plus qu’un lointain souvenir à ce stade. Ajoutez à cela la violence gratuite de la bataille finale et un ultime épisode plein de retournements ridicules et vous obtenez une fin complètement indigne, que l’on aurait préférer ne jamais voir.

Miguel Sapochnik, le réalisateur des deux épisodes de bataille dans la saison 8 le reconnaît volontiers : il voulait tuer tout le monde et il s’est imaginé répondre à la demande de sang des spectateurs. Tout est dit : loin de la finesse politique que l’on avait l’habitude de voir dans Game of Thrones, cette ultime saison est un bain de sang rarement spectaculaire, souvent ennuyeux et toujours complètement idiot. La série de HBO était-elle bonne uniquement quand les romans de George R.R. Martin servaient de trame, ou bien est-ce qu’elle a perdu de son savoir au fil des années ? Quoi qu’il en soit, voir les huit saisons de la série d’une traite est révélateur de la baisse de niveau perceptible dans la saison sept, mais qui éclate au grand jour ici. Les personnages manquent de finesse, l’intrigue avance avec des gros sabots et les messages deviennent gênants. Fallait-il vraiment conclure avec trois personnages féminins qui semblent définis par leur incapacité à réagir à des émotions ? Le personnage de Daenerys était justement l’antithèse, une femme capable de gouverner pour le bien de son peuple, avec fermeté et justesse. Quel gâchis vraiment d’en avoir fait cette femme cruelle aveuglée par la haine et incapable de comprendre ses erreurs.

On a souvent comparé Game of Thrones à Hollywood au fil des années, en général en faveur de la série créée par HBO. Hélas, cette huitième saison s’aligne sur ce que le cinéma américain peut faire de pire. Alors que la bande-originale de Ramin Djawadi était un point fort, la musique devient ainsi lourde, caricaturale et insupportable. Alors que les différentes intrigues s’entremêlaient astucieusement, cette saison ne suit qu’un seul fil narratif tout en essayant d’accorder une place équitable à trop de personnages, et d’offrir une fin notable à chacun, et tant pis si elle est ridicule. Cette huitième saison écrase la finesse des débuts, elle simplifie à l’extrême des personnages riches et passionnants… elle est décevante, tout simplement. On sait que HBO compte exploiter cet univers pour d’autres séries, mais sans les romans pour guider la chaîne, on peut craindre le pire. Game of Thrones reste l’une des meilleures séries des années 2010, mais mieux vaut s’arrêter à la saison précédente…