Elle a beau s’en défendre quand elle décrit son dernier film, Valeria Bruni Tedeschi poursuit son travail partiellement autobiographique avec Un château en Italie. Dans son dernier long-métrage, la cinéaste franco-italienne raconte son histoire, celle de son frère mort du SIDA, celle de sa mère et sa rencontre amoureuse avec Louis Garrel. Elle est allée jusqu’à demander aux concernés d’interpréter leurs propres rôles, mais ce n’est pas pour faire complètement une autobiographie pour autant. Un château en Italie mêle fiction et réalité et le spectateur ne peut vraiment savoir ce qui relève de l’un ou de l’autre. Ce n’est pas gênant, au contraire : Valeria Bruni Tedeschi signe d’abord une comédie dramatique, certes, mais souvent très drôle. Qu’importe dès lors qu’on soit dans l’autobiographie, l’autofiction ou la fiction pure, ce long-métrage est l’occasion d’une séance très plaisante.
La réalisatrice est aussi la principale actrice de son troisième film : elle y incarne Louise, une actrice également, qui a passé la quarantaine et qui se désespère d’être toujours seule. Elle n’a ni mari, ni amant, mais elle n’a surtout aucun enfant alors que c’est son rêve le plus cher. Un château en Italie raconte sa vie compliquée avec sa famille italienne qui appartenait à la haute bourgeoisie, mais qui est ruinée depuis la mort de son père. Une héroïne très proche de son frère qui se meurt du sida et qui fait au début du long-métrage une nouvelle rencontre amoureuse. Nathan est un acteur lui aussi, la trentaine, il ne veut plus faire son métier alors qu’il a beaucoup de succès. Pour une raison mystérieuse, il s’accroche à Louise et cette dernière a beau le rejeter, il résiste et revient constamment à la charge, jusqu’à la faire céder. Cette histoire d’amour ne devrait mener nulle part : il ne veut pas d’enfant alors que c’est le souhait le plus cher de l’actrice ; elle veut une relation durable alors qu’il ne cherche qu’un plaisir bref. Pourtant, malgré ces différences, Un château en Italie fait tenir ce couple qui devient plus fort au fur et à mesure que le film progresse. Les points communs entre Valeria Bruni Tedeschi et Louise sont trop nombreux pour n’y voir qu’une coïncidence, à tel point que la cinéaste a eu comme compagnon dans la vie Louis Garrel qui interprète ici Nathan, son amant de cinéma. Une proximité troublante qui n’est sans rappeler celle qui réunit au cinéma comme à la vie Valérie Donzelli et Jérémy Elchaïm, mais ce n’est pas le seul élément qui relie fiction et réalité. La réalisatrice a non seulement fait appel à son compagnon dans la vie pour interpréter l’homme qu’elle aime dans son film, mais sa mère dans Un château en Italie est Marisa Borini, sa vraie mère. Le château italien dont il est question est celui où elle a passé son enfance, son père était bien un riche industriel italien, son frère est bien mort du SIDA et Valeria Bruni Tedeshi n’a pas eu d’enfant.
Les points communs ne manquent pas, mais la réalisatrice se défend d’avoir voulu faire une autobiographie et Un château en Italie est plus que cela. C’est une fiction et c’est une comédie dramatique, mais une comédie avant tout. De fait, le scénario co-écrit par la cinéaste, Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy s’avère souvent très drôle et on rit de bon cœur pendant la bonne heure et demie que dure le film. Le principal motif comique est le personnage de Louise, interprétée par une Valeria Bruni Tedeschi en mode hystérique, une vraie réussite. Dans l’une des scènes les plus drôles du film, le personnage se rend dans une église en Italie où un fauteuil miraculeux permet d’avoir des enfants dans l’année si l’on s’y assied ; Louise qui a une relation très personnelle avec la religion se voit refuser l’entrée par une bonne sœur, mais elle entre par la force et parvient à s’assoir alors que tout le couvent est à ses trousses. Un château en Italie est d’ailleurs assez peu respectueux des coutumes religieuses, dans son ensemble : l’humour provient des relations compliquées de la mère comme de la fille avec la religion. L’une se badigeonne les seins et le sexe d’eau bénite dans l’espoir d’être enceinte par l’opération du Saint-Esprit ; l’autre met une couverture sur la statue de la Vierge après la mort de son fils en guise de protestation. Les personnages sont outranciers, ce qui est un motif de rire, mais le film ne fait pas toujours dans l’outrance comique qui tend à la farce, il ménage aussi des périodes de drame. Valeria Bruni Tedeshi n’oublie jamais un aspect ou l’autre de la comédie dramatique : quand le drame est présent, l’humour n’est jamais loin et dans les périodes heureuses, on sent la menace du drame planer sur les personnages. L’équilibre est parfait pendant la majorité du film, même si encore une fois, Un château en Italie reste en mémoire comme un film drôle, avant d’être dramatique.
Belle réussite que ce long-métrage qui hésite constamment entre le rire et les larmes. Valeria Bruni Tedeschi se donne entièrement pour nous faire rire, derrière et devant la caméra et son personnage et les situations qu’elle a imaginé sont très réussis dans la comédie. Un château en Italie est aussi teinté par le drame et la mélancolie avec cette femme qui ne parvient pas à avoir d’enfant — son rêve le plus cher pourtant —, cet homme condamné par la maladie et même si un couple se forme, son avenir n’est jamais assuré. Du drame, certes, mais Valeria Bruni Tedeshi n’oublie jamais de faire rire et elle est très bonne à ce petit jeu. Un beau film, à voir…