Sorti la même année que Love, Simon, Alex Strangelove est un petit peu passé inaperçu. Il faut dire que les deux longs-métrages sont proches par leur sujet : dans les deux cas, un adolescent doit assumer son homosexualité et faire son coming-out juste à la fin du lycée. Même leur traitement bienveillant est similaire, à tel point que l’on pourrait confondre les deux projets, mais le film réalisé par Craig Johnson n’est pas « le Love, Simon de Netflix1 », ce serait une vision réductrice pour cette comédie romantique, certes très classique, mais très bien menée. Alex Strangelove joue davantage sur l’humour, tout en offrant une dénonciation très efficace de l’homophobie ambiante et une belle note d’espoir sur les nouvelles générations. Très plaisant.
Alex est l’élève parfait, premier de la classe, président du lycée et sa vie semble toute tracée avec sa meilleure amie qui devient sa copine. Sauf qu’il n’arrive pas à franchir l’étape du sexe, alors même que Claire ne demande que ça. Il préfère prendre son temps, bien faire les choses, marquer le coup… sauf que l’arrivée dans sa vie d’Elliot, un garçon ouvertement gay qui le drague et qui ne le laisse pas insensible vient tout remettre en cause. Alex Strangelove n’essaie pas de remporter le prix de l’œuvre la plus originale, c’est indéniable. Ce n’est pas l’objectif du réalisateur toutefois, qui n’essaie pas de tricher et qui offre une comédie romantique plutôt pour les ados, où le garçon ne termine pas avec la fille parce qu’il découvre qu’il préfère les garçons. Découvre n’est pas le bon mot, le héros a toujours été gay, mais il doit le redécouvrir après avoir subi de plein fouet l’homophobie ambiante et les moqueries de ses camarades. Craig Johnson évite les clichés faciles et il vise juste avec cette comédie positive sans être aveugle pour autant. Les amis d’Alex sont lourds et souvent homophobes à leur insu, c’est la culture dominante hétérosexuelle et masculine qui n’aide pas, et le personnage principal lui-même rejette cette idée avec force au départ. Son coming-out doit d’abord passer par lui-même, il doit s’accepter tel qu’il est au lieu d’essayer de se conformer à l’image dominante que l’on attend de lui. C’est sur ce cheminement que le film se concentre, en écartant en grande partie les parents de l’équation. Le scénario se focalise sur les adolescents et leurs interactions, leur rapport au sexe de façon générale et l’évolution personnelle d’Alex, qui débloque un nouvel univers en rencontrant Elliot. Le casting réuni pour Alex Strangelove est très convaincant et même si Daniel Donehy dans le rôle titre n’est pas lui-même gay, il compose un Alex réussi. Madeline Weinstein trouve le bon équilibre pour Claire, entre l’indignation de la découverte initiale et l’acceptation, un trait partagé par Daniel Zolghadri qui interprète Dell, le meilleur ami du héros. Quant à Antonio Marzale, ouvertement gay lui aussi, il ne tombe pas dans les lieux communs et parvient, malgré sa faible présence à l’écran, à créer un Elliot réaliste.
Alex Strangelove ressemble peut-être trop à Love, Simon, mais ce n’est pas une pâle copie réalisée après le succès de ce film. Les deux œuvres sont sorties en même temps et même si le succès de l’une a un petit peu éclipsé l’autre, ce n’est pas une raison pour bouder la réalisation de Craig Johnson. Certes, ce n’est pas le film le plus original qui soit, mais c’est une comédie romantique amusante et touchante, à voir également sans hésiter.
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- Ce qui n’aurait de toute manière pas de sens, Netflix n’a pas commandé ce film. Comme c’est le plus souvent le cas, le service de streaming a acheté les droits du long-métrage avant sa sortie. ↩