L’Alexandrin à Lyon

Au cœur du troisième arrondissement lyonnais, à mi-chemin entre les halles de Lyon et la place Guichard, L’Alexandrin détonne au milieu des brasseries et autres kebabs. Ce restaurant étoilé au Guide Michelin n’impressionne pas nécessairement par sa devanture assez sobre, mais la salle donne le ton : ici, on est dans l’univers de la gastronomie. L’ambiance est presque guindée, mais la petite salle est chaleureuse et le mobilier très confortable. Parfait pour attaquer un repas généreux, entre classiques lyonnais et expérimentations végétariennes.

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Pas de plats à la carte, ici on commande un menu, avec trois propositions seulement. Une simplicité bienvenue à l’heure des choix, on se contente d’une ambiance ou d’un thème et on se laisse porter par le chef en cuisine. Au programme, outre un menu autour de la morille assez coûteux — de 75 € à 115 € selon la quantité d’assiettes quantités —, mais aussi deux menus plus raisonnables, facturés 60 € pour cinq assiettes principales et moult accompagnements. Il y a un menu intitulé « Esprit de Lyon » et qui reprend quelques classiques de la ville et l’autre menu, « Tendances légumes » est strictement végétarien. Ces deux propositions sont très différentes, aussi par leur état d’esprit. Là où le premier reste assez conventionnel et dans les limites du connu, le deuxième expérimente des mélanges plus audacieux, comme de la morille avec de la vanille, ou bien encore de l’ananas sur des légumes. Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix, tout est affaire de goût, mais les plus aventureux pourront trouver leur bonheur avec les légumes. Dans tous les cas, le repas commence systématiquement par des amuses-bouches, ou plutôt une « Assiette des cinq attentes du moment » qui rassemble effectivement cinq petites mises en bouche. Ce soir-là, on avait une crevette avec un petit peu de guacamole, une salade de lentilles avec de l’andouillette, une soupe de poisson, un gaspacho et une petite salade de céleris et saumon. Un ensemble varié, avec des saveurs qui explosent souvent en bouche, mais qui est parfois un petit peu désordonné.

La cuisine de Laurent Rigal, le chef des lieux, est manifestement inspirée par la plus grande tradition française. S’il ne fallait qu’un indice pour le reconnaître, ce serait bien dans l’importance accordée aux sauces, et leur goût toujours très juste. Cet art difficile est parfaitement maîtrisé par les cuisines, et c’est cette sauce qui sublime la quenelle de brochet, ou bien la volaille de Bresse. Deux plats typiques de Lyon, maîtrisés à la perfection quant à leurs sauces, un vrai délice qui vient faire oublier quelques défauts. Les assiettes de L’Alexandrin ne sont pas toutes parfaites, et ce dès l’entrée qui associe des « fricots » de carpe des Dombes, c’est-à-dire de petits morceaux cuits en panure légère, avec de la betterave. Le velouté n’était pas glacé, comme le promettait l’intitulé et les ajustements n’étaient pas tous justes. La quenelle était excellente, mais sa texture manquait de légèreté, elle était presque caoutchouteuse. Pareil sur la volaille, sublimée par la sauce aux morilles, mais mal accompagnée de rattes trop cuites, tandis que la peau aurait mérité d’être légèrement croustillante. Des défauts, certes, mais qui se font vite oublier quand on goûte les sauces. Ce n’est pas pour rien qu’elles sont si importantes dans notre culture culinaire, elles transforment un plat et font oublier le reste. Et si on était resté dans le classique jusque-là, il faut reconnaître que les desserts sont innovants : la tarte au citron revisitée apporte une grande acidité avec le citron vert, mais va aussi chercher de la gourmandise avec un sorbet mojito au bon goût de menthe. C’est frais et léger, un excellent dessert pour finir le repas sur une note plus légère.

Il faut dire que, pour 60 €, on mange vraiment bien : on peut aussi compter sur un trou normand à la sauce lyonnaise (et donc à base de Chartreuse, hélas coupée et sucrée), mais aussi du fromage avec un affinage parfait. Il y a aussi une petite tartelette maison en attendant le dessert, et puis des mignardises maison également en attendant la note. On sort de table le ventre bien plein et cette générosité fait oublier les quelques fausses notes relevées ici ou là. L’Alexandrin n’est pas bon marché en soi, mais le tarif est très raisonnable par rapport aux prestations proposées et on apprécie ce choix entre classiques lyonnais et expérimentations végétariennes.