En 1979, Ridley Scott frappait un grand coup avec Alien, le huitième passager, un film de science-fiction en forme de huis clos qui réussissait à faire vraiment peur, mais en faisant le pari de la psychologie et des suggestions plutôt que de la surenchère d’effets spéciaux. Ouvrant une saga, la suite proposée par James Cameron avec Aliens le retour était bien différente. Plus musclée, elle n’hésitait pas à sortir les gros calibres pour un résultat fun, à défaut d’être effrayant. Quelques années plus tard, c’est David Fincher qui offre un nouvel épisode placé sous le signe du retour aux sources. Alien³ est centré à nouveau sur un seul extra-terrestre et il se déroule en un seul lieu. De bonnes idées, mais un résultat décevant sans doute expliqué par la gestation difficile du projet…
Alien³ suit directement Aliens le retour : Ellen Ripley a réussi à s’enfuir vivante de la planète infestée d’aliens et elle est à bord du vaisseau qui doit la ramener, elle et deux autres survivants. Malheureusement pour les trois survivants, un œuf était resté à bord et il éclôt au moment où le vaisseau passe à proximité d’une planète pénitentiaire. Son acide fait fondre une partie du sol et la fumée déclenche une évacuation d’urgence automatique : les survivants sont envoyés sur la planète, mais seule Ripley survit. À partir de cette idée assez simple, David Fincher tisse un huis clos carcéral prenant. On sait dès le départ que l’extra-terrestre est sur la planète et le film nous fait croire dans un premier temps qu’il s’est implanté dans l’une des survivantes. Une fausse piste qui fait durer le suspense et surtout l’augmente encore. Alien³ nous montre d’où vient l’Alien, mais on est évidemment les seuls à le savoir et quand les premières victimes apparaissent, le temps de réaction est très lent. Le film parvient très bien à rendre l’ambiance de suspicion quand les rescapés racontent ce qu’ils ont vu, puis de peur folle quand l’extra-terrestre fait sa première victime en public. David Fincher exploite au mieux la prison qui lui offre un décor fermé très efficace pour un huis clos et le film fonctionne assez bien, au moins dans un premier temps. On apprécie aussi la psychologie plus sombre du personnage central dans la saga : la lieutenant Ripley n’en est plus au stade de découvrir la bête, elle la connaît bien et la maîtrise, tout en cherchant avec plus de conviction encore à la détruire. Fidèle au poste, Sigourney Weaver est convaincante dans ce rôle et Alien³ l’exploite correctement.
Quand David Fincher réalise Alien³, il n’a même pas trente ans et c’est sa première réalisation. Commencer avec un film à si gros budget n’est pas chose aisée, mais le jeune cinéaste a déjà une idée très précise de ce qu’il veut faire. Malheureusement, il a été engagé non pas pour faire son film, mais pour faire le film que les producteurs désiraient. Ce différend initial explique certainement en partie les défauts de ce troisième épisode de la saga. Le réalisateur n’a même pas terminé le montage de ce premier long-métrage qu’il a depuis pratiquement renié, c’est dire si son désaccord était profond. Quels que soient les problèmes internes, Alien³ n’est pas aussi bon qu’espéré pour plusieurs raisons, la première étant sans doute l’Alien. Terrifiant chez Ridley Scott, il est ici plus proche du ridicule : l’idée de le modifier suite à sa croissance dans une vache et de le rendre plus animal en le faisant marcher à quatre pattes n’était pas mauvaise. On avait déjà vu des extra-terrestres proches d’un être humain, cette version animale renouvelait un peu la créature, mais pourquoi en faire une sorte de petit chien ? C’est bien simple, il n’est jamais effrayant, si ce n’est lors de quelques plans rapprochés où la double mâchoire fait toujours son petit effet. Alien³ souffre aussi d’un scénario un peu répétitif, surtout sur la fin qui enchaîne des séquences similaires. Dans l’ensemble, le film manque de cohérence et s’avère trop long et aurait gagné à être raccourci pour conserver plus longtemps le fort degré de suspense de l’ouverture. Dommage, car la première réalisation de David Fincher repose sur de solides bases et ce décor carcéral autant que ces personnages violents sont d’excellentes idées.
On ne peut pas réécrire l’histoire, mais on aimerait voir ce qu’aurait fait David Fincher d’Alien³, s’il n’avait pas été maintenu sous la pression permanente des studios. Ce troisième épisode dans la saga partait sur de bonnes bases avec un retour aux sources en forme de huis clos, mais le résultat n’est pas aussi bon qu’escompté. James Cameron en avait peut-être trop fait dans Aliens le retour, son film restait parfaitement maîtrisé. Celui-ci est moins net, un peu long et son Alien n’impressionne jamais vraiment, ce qui est pour le moins gênant. Alien³ n’offre pas à David Fincher un grand départ pour sa carrière, mais le cinéaste talentueux saura se rattraper par la suite…