Les « reboot » sont monnaie courante au cinéma, surtout dans le cinéma hollywoodien. Un film n’a pas très bien marché, l’histoire n’a pas convaincu ? Qu’à cela ne tienne, on en fait un autre, différent. Le cas de The Amazing Spider-Man est toutefois original à plus d’un titre. Déjà parce que la trilogie Spider-Man proposée par Sam Raimi n’a pas à rougir, elle a rencontré un grand succès populaire et elle est souvent considérée comme l’une des meilleures adaptations d’un comics. Ensuite parce que le choix de Marc Webb peut surprendre : ce cinéaste américain était connu jusque-là au cinéma pour (500) Jours ensemble, un petit film comme le cinéma indépendant américain en produit tant, une œuvre sympathique, mais bien éloignée du blockbuster. The Amazing Spider-Man avait de quoi surprendre et le résultat est à l’image de son réalisateur : différent des autres blockbusters adaptés de comics. À condition de l’accepter, le film s’avère plutôt réussi…
Pour son film, Marc Webb repart à zéro et explique la naissance du superhéros, comme le premier Spider-Man de Sam Raimi l’avait fait en son temps. L’histoire est la même dans les grandes lignes, mais les changements sont significatifs. Peter Parker est un adolescent élevé depuis la mort de ses parents par son oncle et sa tante. Au lycée, il est un peu le souffre-douleur de service, le mec sympa, mais qui ne se défend jamais et ne bronche pas quand on l’attaque dans les couloirs. Quand une fille l’aborde, c’est pour lui demander de prendre en photo la voiture de son copain. Peter n’est pas insensible aux charmes d’une ravissante jeune fille, Gwen Stacy, mais il est bien trop timide pour l’approcher. En enquêtant sur la mort de ses parents et surtout sur les études top secret menées par son père, un brillant scientifique, Peter remonte rapidement aux laboratoires Oscorp et en particulier au docteur Curt Connors qui travaillait avec son père sur les mêmes recherches. En visitant les laboratoires, il se fait piquer par une araignée et il découvre vite que cette piqure le transforme. Alors qu’il apprend à maîtriser ses nouveaux pouvoirs, son oncle meurt à cause d’un voyou. D’abord motivé par la vengeance, Peter s’en prend aux voyous de la ville à la recherche de celui qui a tué son père. Son costume et son personnage se construisent peu à peu, pendant que le docteur Curt Connors mute par erreur en dangereux lézard. Son rôle de justicier est tout trouvé, mais va-t-il résister face à son amour pour Gwen, qui est aussi la fille du patron de la police new-yorkaise ?
Si vous avez vu la trilogie de Sam Raimi, vous repérerez vite les nombreuses différences du scénario porté à l’écran par Marc Webb. Certaines sont insignifiantes, d’autre au contraire essentielles : le personnage de Peter d’abord semble ici beaucoup plus jeune, il n’est pas encore tout à fait un adulte, il reste encore un petit peu adolescent. Le jeune homme vit toujours chez son oncle et sa vie ressemble à celle de n’importe quel ado, à tel point que The Amazing Spider-Man commence avec des accents de teen-movie. Son amour pour Gwen est toujours un peu gêné, comme si les deux tourtereaux ne savaient pas s’y prendre correctement. C’est d’ailleurs la seconde différence significative : Peter et Gwen s’aiment très vite dans le film et ils sont complices. Finie la voisine et amie d’enfance, l’héroïne de ce film est la fille du chef des polices de la ville et elle vient d’une classe beaucoup plus aisée qui le fait bien sentir quand Peter vient manger dans la famille de sa douce. Cette situation est intéressante, notamment parce qu’elle ajoute un suspense : comment cacher son identité à la fille du plus haut important policier quand toute la police de New York est à vos trousses ? Au-delà de l’histoire d’amour, The Amazing Spider-Man introduit une rupture de ton majeur par rapport à ses prédécesseurs. Le superhéros ne nait pas d’un désir de justice, mais d’une recherche beaucoup moins avouable de vengeance. Dans un premier temps, Peter cherche le meurtrier de son oncle et le fait qu’il arrête des voyous n’est que l’effet secondaire heureux de cette traque. Au départ, le costume n’est pas là et Marc Webb réussit très bien à présenter ce personnage de façon assez sombre : avec ses habits sales et ses blessures, Peter n’a rien de l’élégant superhéros, il fait même assez voyou. Une proximité troublante avec ses victimes qui est indéniablement la meilleure idée de The Amazing Spider-Man.
Marc Webb a choisi un traitement très réaliste pour son superhéros. À la manière du travail de Christopher Nolan sur sa trilogie Batman, le cinéaste propose une vision sombre et plus complexe des comics qui est ici flagrante. Comme Bruce Wayne dans Batman Begins, Peter Parker entend se révolter contre son milieu avec le même côté voyou que l’on évoquait précédemment. Le futur Spider-Man se construit également lui-même : Sam Raimi n’ajoutait que le costume à son héros, la piqure faisait le reste. Marc Webb affaiblit au contraire les pouvoirs de son personnage : la piqure lui permet de réagir extrêmement rapidement, elle renforce ses sens et permet à Peter de s’agripper partout. Les fils de toile qui lui permettent là aussi de voler d’immeuble en immeuble ne sont pas produits par son corps en revanche, c’est Peter lui-même qui récupère à Oscorp un nouveau produit que l’entreprise s’apprêtait à commercialiser et qui avait toutefois été produit à partir de la même araignée que celle qui l’avait piqué. À cet égard, The Amazing Spider-Man dévie significativement du modèle et fait de Spider-Man une variante de Batman, un héros qui se construit lui-même. Cet aspect est sans doute celui qui gênera le plus les fans du travail de Sam Raimi ou des comics originaux, mais ce parti pris est plutôt bien trouvé et il fonctionne parfaitement dans le long-métrage de Marc Webb. Au total, son Peter Parker est beaucoup plus crédible, il prend des coups et cela se voit, il est fragile et donc beaucoup plus humain et intéressant. De même, sa relation avec Gwen est plus touchante et sincère et l’idée de la placer au cœur de l’intrigue est une réussite. On comprend moins en revanche la place du méchant : si le docteur est un personnage touchant, son double lézard est beaucoup plus conventionnel dans l’univers des comics et il fait ici l’effet d’un cheveux dans la soupe. On aurait apprécié un ennemi plus réaliste, dans l’esprit du Joker imaginé par Christopher Nolan.
Cette réussite, Marc Webb la doit en grande partie à son acteur principal. Andrew Garfield prouve à nouveau que l’on peut être mignon et bon acteur à la fois : il compose ici un personnage d’abord timide qui gagne en assurance, sans en faire des tonnes, mais avec une justesse qui fait toujours mouche. The Amazing Spider-Man ayant pris le parti du réalisme s’avère aussi plus noir que la trilogie qui l’a précédée. Le cinéaste s’en sort plutôt bien avec son énorme budget et les moyens techniques démesurés à sa disposition, même si l’on doit s’avouer un peu déçu par les premières scènes de vol. L’idée de la caméra subjective est bonne, mais le film ne l’exploite pas très bien et l’effet était finalement plus efficace dans la bande-annonce. Il faut dire que la 3D n’aide pas : on imagine que Marc Webb a été contraint de composer avec ce choix certainement imposé par les studios, mais cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu une 3D aussi inutile et même contre-productive au cinéma. Nonobstant quelques effets gadgets, The Amazing Spider-Man reste globalement plat et on peut choisir sans peine la séance sans lunettes. Le film n’est pas parfait, le réalisateur a la fâcheuse tendance de mettre parfois trop de musique, le scénario emprunte quelques raccourcis un peu faciles et certaines scènes sont trop proches de celles de Sam Raimi, mais l’ensemble n’a rien de déshonorant.
The Amazing Spider-Man est une bonne surprise. On était en droit de se demander l’intérêt pour les spectateurs d’opérer un reboot du personnage et de la saga et s’attendait un peu au pire, un film paresseux uniquement dicté par des motivations commerciales. Marc Webb s’en sort toutefois honorablement, même s’il s’éloigne indubitablement du modèle des films de superhéros et même si son personnage ne respecte pas à la lettre l’original. Ces choix gêneront les fans, les autres n’en auront cure et pourront apprécier un divertissement de qualité. The Amazing Spider-Man ne révolutionne pas le genre et ne restera certainement pas dans les mémoires, mais c’est un film plaisant, à voir…