L’Ambroisie à Quimper

Situé dans la petite rue Elie-Fréron qui monte depuis le centre historique de Quimper, le restaurant L’Ambroisie ne paie pas de mine de l’extérieur. La devanture est très sobre, pour ne pas dire un peu triste, et vous auriez vite fait de passer à côté sans même la remarquer. Vous auriez tort toutefois : derrière la porte, une toute petite salle accueille une quinzaine de convives venus goûter l’excellente cuisine qu’on y sert. Les produits locaux sont à l’honneur dans cette enseigne gastronomique qui manie parfaitement les recettes traditionnelles et les idées originales, le tout à un tarif très raisonnable. Une adresse chaudement recommandée !

Le concept est simple : il y a un menu principal pour tous les jours, ainsi qu’un menu du marché pour les midis de semaine. Ce dernier varie au quotidien, mais même le menu principal ne reste jamais longtemps en place. En moyenne, il change totalement tous les mois et même au cours du mois, il peut légèrement varier en fonction des arrivages et de la fraîcheur des produits. En fonction de votre appétit, ce menu en cinq ou huit assiettes. Le nombre peut sembler exagéré, mais il s’agit bien d’un menu de dégustation, avec des portions adaptées et la formule complète vous laissera repus, mais nullement gavés. Il n’y a pas d’accord met/vin de prévu, mais la patronne se fera un plaisir d’accorder des verres de vin en fonction de votre menu, si vous le demandez. Et quelle que soit l’option retenue, le menu commence à L’Ambroisie avec quelques amuses-bouches. « Quelques » n’est pas de trop, puisque l’on nous apporte successivement cinq bouchées, toutes savoureuses avec une palette de saveurs assez larges. Déjà, le thème central du restaurant, les liens entre la terre et la mer, se font ressentir et on évolue d’une purée de betteraves accompagnée de haddock fumé à une chips soufflée avec du gras de porc, en passant par du parmesan et un œuf aux asperges. La mer est au rendez-vous, mais les légumes de saison bien fermes et croquants aussi : c’est une très belle entrée en matière.

On commence le menu à proprement parler avec une série d’entrées, toutes autour de la mer et des produits de saison. La première assiette réunit l’araignée de mer, produit que l’on trouve en abondance dans ce coin de la Bretagne, et du céleri, le tout sur un fond de lait ribot au curry. Un mélange astucieux, où la salinité du crustacé répond à la rondeur de cette sauce au curry et des feuilles de coriandre relèvent le tout : c’est simple, mais très bon. On poursuit avec une carotte nouvelle confite, mais encore craquante, surmontée de lamelles de saumon fumé par le restaurant. Ajoutez à cela une réduction de jus de carottes et vous obtenez un plat gourmand et frais, une assiette parfaitement maîtrisée. Cette bonne lancée ne s’interrompt avec les langoustines, encore légèrement nacrées comme il se doit, accompagnées d’oignons frais au gingembre. Les langoustines sont élégantes seules et elles se suffisent souvent à elle-même, si bien qu’il est difficile de les accompagner sans les dénaturer. Mission réussie ici, avec un bouillon suffisamment léger pour ne pas être de trop, mais présent malgré tout en bouche. La visite de la mer se poursuit avec le premier plat, du lieu jaune de ligne à peine cuit et simplement grillé, parfaitement associé à des asperges vertes encore bien craquantes et une purée d’oignons de Roscoff. C’est une assiette printanière vraiment réussie, notamment grâce à une succulente sauce aux coquillages, mais surtout parce que les produits sont frais et bien cuisinés. On laisse la mer s’éloigner, mais certainement pas la Bretagne, avec le deuxième plat, composé d’un filet d’agneau de Pluguffan, juste à côté de Quimper, rôti au thym. La viande est tendre et son goût, parfois très marqué, est ici assez subtil et le jus de viande qui l’accompagne apporte une bonne rondeur.

L’originalité de ce deuxième plat, ce sont les petits morceaux de citron confit disposés sur chaque tranche d’agneau. Ils constituent une surprise inattendue à la dégustation et évitent à ce plat de tomber dans la lourdeur excessive. À ce stade du repas, c’est une intention délicate de la part du chef et c’est en outre l’occasion de démarquer l’assiette d’une simple viande servie avec son jus. Avant de passer aux desserts, le fromage parvient encore à surprendre. Du chèvre frais du Menez Hom, à quelques kilomètres au nord de là, a été cuisiné avec quelques condiments, notamment des oignons crus qui viennent lui apporter un peu de pep’s. Mais la star, c’est cette étonnante vinaigrette à l’encre de seiche, une manière originale de tracer un lien entre la terre et la mer, et surtout de proposer une assiette de fromage audacieuse et très bonne. Le premier dessert travaille la fraise, passage obligé alors que celles de Plougastel sont à leur meilleur niveau en cette saison. Quelques fraises donc, un peu de rhubarbe, des morceaux de meringues pour la gourmandise et surtout un sorbet « parfum de printemps » exceptionnel. Il est fait à base de basilic, d’estragon et de coriandre, mais le goût est encore plus étonnant que cela, il y a du sucre et une pointe de sel également… c’était vraiment excellent et indéniablement la star de ce dessert. La suite n’est pas mal non plus, avec un financer au chocolat très bon en soi, mais qui prend son envol avec la crème d’avocat — chocolat et avocat, deux produits que l’on n’associe pas assez souvent — et du persil givré. Ce dernier apporte une note de fraîcheur salutaire, et permet de terminer le repas sans lourdeur et avec un chocolat très fin. De quoi laisser de la place pour les traditionnelles mignardises, et tout particulièrement cette délicieuse association entre un pavé breton et de la crème brûlée… on en reprendrait bien !

Pour 65 € par personne, ce menu est complet, original et délicieux. L’Ambroisie propose une cuisine moderne qui n’oublie pas pour autant la tradition et l’équilibre des deux est idéale du début à la fin du repas. Le chef choisit quasiment exclusivement des produits locaux et uniquement de saison, ce qui explique l’abondance d’assiettes de la mer, mais la terre n’est pas oubliée pour autant et l’association des deux est un fil rouge dans la dégustation. Difficile de ne pas être emballé par cette adresse et ses tarifs très raisonnables compte tenu de la qualité et l’originalité de ce qui est proposé.