Pour son premier film, le romancier Frédéric Beigbeder a choisi d’adapter un roman… qu’il a lui-même écrit. Un choix dangereux, surtout quand L’amour dure trois ans ressemble à une ribambelle de comédies romantiques à la française. Loin d’être inoubliable, ce petit film sorti récemment en DVD s’avère plaisant et sait globalement éviter les pièges du genre…
Marc et Anne se sont aimés, ils se sont mariés, mais trois ans après ils ont divorcé. L’amour ne dure que trois ans, Marc en est maintenant persuadé. Ce critique littéraire tombe dans une phase de dépression après son divorce, mais il finit par se relever pour écrire un livre. Cet ouvrage en grande partie autobiographique est une sorte de pamphlet contre l’illusion de l’amour. Contre toute attente, il connaît un gros succès littéraire et remporte même un prix. Tout irait pour le mieux, sauf que Marc a rencontré quelqu’un depuis son divorce et depuis sa vengeance littéraire. Alice remet en cause cette idée d’un amour qui ne peut durer plus de trois ans et avec elle il se sent même capable d’aimer pour la vie. Seul léger détail, elle ne sait pas qu’il a écrit le fameux pamphlet…
L’Amour dure trois ans est une comédie romantique qui respecte assez bien les codes du genre. Il est beaucoup question d’amour, de vie de couple, de séparation et d’union dans un milieu parisien très aisé où la vie insouciante n’est pas un problème. Frédéric Beigbeder a toutefois la bonne idée de ne pas prendre son histoire trop au sérieux et il sait se moquer de cet univers un peu superficiel. Marc a beau être un trentenaire, il reste un grand adolescent et il prend tout au premier degré, ce qui conduit à quelques scènes parfaitement ridicules. Sa tentative de suicide à base de cravates se termine sans surprise en chute en est un bon exemple, tandis qu’il se conduit comme un enfant pour séduire celle qu’il aime. L’Amour dure trois ans est en outre un film autobiographique : Marc est critique littéraire et un écrivain publié, comme Frédéric Beigbeder, chez Grasset. Le personnage principal du film peut être considéré sans risque comme une représentation de son réalisateur, ce qui rend l’ensemble assez cocasse. On ne peut pas dire que l’écrivain embellisse artificiellement son image avec ce film, au contraire même. Quand Marc gagne le prix de Flore, une scène montre que ce prix créé et présidé par Frédéric Beigbeder est totalement artificiel et n’a aucune valeur littéraire.
Frédéric Beigbeder a su maintenir son premier film assez loin des plus gros clichés du genre, ou plutôt d’en jouer. Cette réussite, il la doit d’abord à un scénario très bien écrit et en particulier à des dialogues sarcastiques qui sont particulièrement efficaces. L’humour de L’Amour dure trois ans est très particulier et il s’éloigne des clichés du cinéma français : on est loin du comique de situation ou de geste ici, tout se joue ici en quelques mots décalés ou caustiques. Le cinéaste ne pouvait pas mieux tomber pour cet humour que de choisir Gaspard Proust : si vous connaissez cet humoriste et surtout son humour, vous saurez ce qui fait rire dans le film. L’acteur conserve pendant tout le film sa voix assez plate, son rythme plutôt lent avec un flegme que ne renieraient pas les maîtres de l’humour à l’anglaise. L’Amour dure trois ans ne provoque pas de fous rires constants, ce n’est pas le but, mais le film s’avère vraiment drôle à condition d’être réceptif à ce type d’humour pince-sans-rire et parfois vache. C’est cet humour qui évite au film de tomber dans la niaiserie qui n’est jamais très loin, en particulier vers sa fin.
Passer derrière la caméra quand on critique les sorties au cinéma toutes les semaines est toujours un exercice difficile. Frédéric Beigbeder ne s’en sort pas trop mal avec L’Amour dure trois ans, il a su rester modeste avec une réalisation qui vise avant tout la simplicité et l’efficacité. Dans un premier temps, le film fonctionne même vraiment bien : son ton cynique et froid sur l’amour fait mouche et on se prend au jeu. Malheureusement, le film souffre de problèmes de rythme par la suite et s’approche des clichés de la comédie romantique alors que le happy-end se précise. Le réalisateur a fait le choix de garder un narrateur dans ce récit à la première personne, ce qui n’est sans doute pas sa meilleure idée : Marc parle régulièrement face à la caméra et même si on note une tentative de justification à un moment, ce décalage nuit au réalisme de L’Amour dure trois ans. L’ensemble n’est pas indigne toutefois et les comédiens choisis par Frédéric Beigbeder n’y sont pas pour rien. On a déjà évoqué Gaspard Proust, très juste et naturel, mais c’est surtout une Louise Bourgoin rayonnante que l’on remarque, tandis que Joey Starr s’affirme ici encore comme un excellent comédien. Mention particulière pour une Valérie Lemercier épatante en éditrice totalement cynique.
Bilan mitigé pour L’Amour dure trois ans, même si le premier film de Frédéric Beigbeder n’est pas aussi mauvais qu’on aurait pu l’imaginer sur le papier. L’écrivain s’en sort plutôt bien en misant sur un ton sarcastique et une vision cynique de l’amour, et le résultat reste plaisant. Plaisant, mais vite oublié, la faute notamment à une fin qui s’approche dangereusement du happy-end caricatural.