Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald, David Yates

Pour prolonger la saga Harry Potter, l’une des plus populaires de ces dernières années au cinéma, une solution facile aurait été de broder autour de Poudlard et de cet univers familier. Les Animaux fantastiques signalait pourtant un projet nettement plus ambitieux, une prédelle certes, mais pas directement liée aux personnages et au cadre que l’on connaissait. Un nouveau départ en somme, largement différent, qui se poursuit avec ce deuxième volet. L’équipe ne change pas, J.K. Rowling signe toujours le scénario et David Yates, en passe de devenir le spécialiste incontesté de l’univers, retrouve sa place derrière les caméras. Pour autant, ‌Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald est assez différent du volet précédent, et pour cause. Les animaux fantastiques sont toujours là, mais au second plan. Même Newt Scamander, le héros du premier film, est quasiment relégué au rang de second rôle, au profit d’une intrigue générale beaucoup plus présente et qui tourne autour de Grindelwald, comme le sous-titre le souligne. Dans le même temps, le long-métrage commence à tisser des liens explicites avec la saga originale. Au bout du compte, David Yates signe un blockbuster entraînant, parfaitement mené, fluide et passionnant, avec place plus large qu’avant accordée à la politique et des questions sociales ou morales. Ce n’est peut-être pas aussi magique que Harry Potter, mais c’est une suite réussie qui donne envie d’en voir plus !

‌Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald reprend quelques mois après la fin du premier long-métrage, alors que Grindewald doit être transféré des États-Unis en Europe pour y être jugé de ses crimes. Sans trop de surprise, il parvient à s’échapper pendant le transfert et ses crimes sont au centre de cette suite, même s’il s’agit essentiellement de crimes passés et à venir. David Yates prend le temps de rappeler ses objectifs, la prise de contrôle du monde des humains par les magiciens, après des siècles de cohabitation cachée. Cette idée de la place du monde des magiciens par rapport à celui des moldus est à nouveau centrale, même si le film de David Yates n’est pas directement politique. Il l’est nettement plus qu’avant, nettement plus que dans la saga Harry Potter où il y avait des héros à suivre et un combat majeur qui transcendait ces questions. Rien de tel encore dans ces années 1920 où le nom de Voldemort n’existe pas encore, et où Grindewald est un agitateur qui essaie de susciter des vocations et de lever l’opinion en faveur de sa cause. Les choses ne sont pas encore très claires et le scénario ne tombe pas dans la facilité qui consisterait à faire du méchant un être affreusement mauvais. Il est plus complexe que cela, notamment parce qu’il propose à Paris une voie sans la guerre, dans contexte spatio-temporel où la Première Guerre mondiale est dans tous les esprits. Les humains iront vers ces horreurs, affirme-t-il, en se posant comme une alternative pour un monde meilleur. On est loin d’un plan diabolique pour détruire toute l’humanité, sans compter qu’il y a une connexion très forte entre Grindelwald et Dumbledore, qui fait son grand retour ici et qui est un héros positif incontestable. En effet, J.K. Rowling avait prévenu que cette saga allait tendre progressivement vers la principale et ‌Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald tisse les premiers liens explicites. On revoit Poudlard, uniquement le temps de flash-backs pour le moment, on retrouve des personnages bien connus, essentiellement Albus Dumbledore, mais aussi brièvement le professeur McGonagall. La cohérence chronologique n’est pas toujours évidente, et on pourrait reprocher au film une tendance trop marquée à tirer vers Harry Potter, mais ce serait nier qu’il dispose de son propre univers.

Le premier volet de cette nouvelle saga se concentrait sur les fameux animaux fantastiques qui ont donné leur nom au projet. Ils étaient au cœur des enjeux et la trame scénaristique tournait largement autour d’eux, même s’il y avait déjà en arrière-plan la menace Grindelwald. Cette fois, ils sont davantage relégués au second plan, sans pour autant disparaître. D’ailleurs, J.K. Rowling introduit de nouvelles idées, dont cette espèce de gros chat chinois extrêmement rapide, très beau à voir et assez mignon aussi. La valise de Newt est toujours présente et elle est toujours utilisée, bien que ce soit plus secondaire ici. Il faut dire que Grindelwald concentre toute l’attention de David Yates, qui se concentre ainsi sur sa montée en force, jusqu’au final explosif dans un cimetière parisien. De ce fait, même s’il y a des flashbacks qui ramènent les spectateurs à Poudlard, l’action se déroule essentiellement à Paris, une bonne occasion d’étendre cet univers de magie que l’on a surtout découvert par le biais de la Grande-Bretagne jusque-là. En France aussi, il y a des magiciens, un ministère de la magie et tout ce qui est lié et la romancière peut ainsi compléter sa vision d’ensemble. Il se dit que les volets suivants se dérouleront dans d’autres villes encore, ce qui pourrait conduire à un traitement digne d’une carte postale, ce qui n’est pas forcément bienvenu. En attendant, le choix de Paris n’est pas gênant et ‌Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald s’attache de toute manière à creuser davantage ses personnages. Sur ce point, tous les arcs narratifs ne sont pas aussi intéressants. Celui de Newt Scamander et son histoire d’amour avec l’Auror Tina peine à convaincre, même si Eddie Redmayne est parfaitement à l’aise dans ce rôle. Jacob est là pour apporter une caution comique, et guère plus, la trajectoire de Queenie est assez maltraitée, on ne comprend pas bien pourquoi elle fait ses choix. Le plus intéressant, c’est sans doute Albus Dumbledore, interprété par un Jude Law assez convaincant dans ce rôle, et surtout Grindelwald lui-même. Johnny Depp a été conservé dans ce rôle malgré les polémiques et sans juger de sa relation avec son ex compagne, on peut saluer son travail ici. Loin de la caricature de certains de ses rôles, l’acteur trouve le ton juste et il est impeccable dans le film. Seul regret, la relation homosexuelle entre les deux personnages est à peine suggérée. Espérons qu’il ne s’agit pas d’une censure de la part de la production, mais d’une introduction avant une exploration plus approfondie de leur histoire dans la suite. Naturellement, le personnage de Crédence est toujours plein de mystères, et c’est surtout dans la suite qu’il devrait exprimer tout son potentiel.

David Yates n’a pas peur de développer des histoires complexes, et on pourrait reprocher à sa dernière réalisation un foisonnement d’idées et de trames narratives. ‌Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald est indéniablement assez complexe, mais le film avance avec beaucoup de fluidité, le spectateur n’est jamais perdu et l’ensemble est très bien mené. Certes, il y a beaucoup à digérer et nous sommes loin d’avoir fait le tour de la question, mais est-ce pour autant nécessairement un défaut ? J.K. Rowling a manifestement beaucoup d’idées et on ne va pas bouder face à l’émergence d’un univers aussi riche. Cette nouvelle saga n’atteindra peut-être jamais le niveau de l’originale, elle n’en reste pas moins riche et intéressante. Espérons que la suite ne déçoive pas !