Aquaman fait partie de ces films que l’on pourrait quasiment critiquer sans les regarder. Avant même de commencer le dernier film de l’Univers cinématographique DC, on sait que l’intrigue va se construire autour d’un monde à sauver et que le super-héros du moment s’en chargera. Il y aura sûrement une ou plusieurs histoires de revanche et des histoires de famille. Les méchants seront identifiés dès la première séquence, sans même qu’il soit nécessaire de le mentionner explicitement, et la première fille que le héros rencontrera sera l’amour de sa vie. Des personnages soi-disant disparus reviendront et à la fin, le monde sera sauvé de la catastrophe et tout ira bien. Hélas, ces quelques lignes écrites avant de voir Aquaman n’ont pas été remises en cause par James Wan, qui suit son scénario prévisible sans jamais dévier un soupçon. Un blockbuster sur les rails, sans jamais une seule surprise et qui dure plus de deux heures trente ? C’est long, et c’est pénible…
Dès le départ, on sent que ça ne va pas faire l’affaire. Aquaman est censé présenter un nouveau personnage issu des comics, c’est le récit d’une naissance comme on en a vu des dizaines déjà, et James Wan n’essaie pas de nous surprendre. Bien au contraire, son introduction est extrêmement classique et prévisible, pour ne pas dire téléphonée et fausse. On ne croit pas une seconde à cette histoire de gardien de phare et de princesse qui vient d’Atlantide et qui tombe follement amoureux. Tout sonne faux, et le rythme rapide de la présentation n’aide pas à poser des personnages plus crédibles. La musique, déjà omniprésente et lourdingue, n’arrange pas non plus les affaires, et malheureusement, cette mauvaise impression initiale est confirmée dans toute la suite d’Aquaman. Les scénaristes suivent ce plan simpliste qu’un gamin aurait pu imaginer et ils n’en dévient jamais. Tout est prévisible et les cordes du récit sont immenses et jamais cachées : quand la mère, incarnée par Nicole Kidman qui plus est, disparaît, on sait très bien qu’elle va réapparaître à un moment clé. Quand un type attaque un sous-marin, on sait immédiatement que c’est le grand méchant de l’intrigue et ça ne rate pas. Quand le héros rencontre une fille, on devine instinctivement qu’ils finiront ensemble et le scénario ne déçoit pas. Tout est ainsi cousu de fil blanc, le sacrifice du père du méchant qui va engendrer un désir de vengeance, la réunion entre les deux rois qui mène à la guerre, tous les coups montés du roi des Atlantes, le conflit inévitable entre les deux frères… De la même manière, la trajectoire de tous les personnages est prévisible et si vous avez déjà vu un film de ce genre, vous pourrez la résumer avant même de la voir.
Si encore la forme pouvait sauver Aquaman, mais c’est loin d’être le cas. En surface, James Wan se contente d’enchaîner les clichés sans intérêt, à l’image de la représentation de dessin-animé de l’Italie, à base de couleurs chatoyantes et de roses bien rouges qui attirent évidemment l’héroïne. Le clou du spectacle, du moins en théorie, c’est sous l’eau qu’il se déroule. En pratique, il y a quelques idées intéressantes, mais on sent surtout l’influence d’un Avatar dans cette manière de représenter le fond marin et c’est finalement trop banal et déjà vu. Et puis, c’est une affaire de goûts évidemment, mais le côté kitch est si présent qu’il devient difficile de se concentrer sur l’histoire sans être constamment perturbé par lui. Il y aurait beaucoup à dire, citons les hippocampes ridicules, ou bien le spectre doré qui s’accompagne d’une combinaison toute en or pour le héros. Alors certes, le réalisateur avait un matériau de base et il a certainement respecté les comics pour recréer cet univers sous-marin. Il n’empêche qu’au premier degré, dans un blockbuster par ailleurs aussi sérieux, cela fait tâche. Et quand bien même on passerait outre, il faut encore se farcir une bande-originale d’une lourdeur rare, et qui est tout autant prévisible que le reste. Les nappes de violon surligneur les moments émouvants, le hard-rock (gentil) survient dès que le héros est en mode combat, tandis qu’une pointe de rap survient quand il est temps de visiter un désert. Aquaman utilise la musique pour souligner encore plus ce que le spectateur est censé penser à tout moment, mais c’est asphyxiant et c’est un aveu de faiblesse supplémentaire.
Difficile de trouver le moindre argument en la faveur d’Aquaman : le dernier film de l’univers DC est lourdingue, beaucoup trop long, ennuyeux et sans intérêt. Et c’est dommage, parce qu’il y avait sans doute de quoi faire avec la piste écologique, qui ne sert ici qu’en guise de vague excuse pour mettre le monde entier en danger et permettre au héros de briller en le sauvant. L’idée que l’humanité soit le véritable ennemi de l’histoire aurait été plus courageuse et intéressante que cette adaptation beaucoup trop littéraire. Hélas, le succès public a été tel que ce blockbuster est une réussite du point de vue des producteurs et on devrait certainement avoir une suite. James Wan a soigneusement préparé le terrain avec une séquence post-générique que l’on aurait pu décrire dès l’introduction. Est-ce qu’Aquaman pourrait vraiment devenir une saga digne d’intérêt ? On en doute, mais en attendant, vous n’êtes vraiment pas obligé de regarder ce premier volet.