Pour sa première série originale néerlandaise, Netflix a opté pour un genre souvent difficile : l’horreur. Ares est une histoire pleine de mystères, autour d’une société secrète et d’une grosse bâtisse aux allures de maisons hantées. La première saison n’a pas peur du sang et d’autres matières visqueuses et la recommandation de ne pas regarder avant 16 ans n’est sans doute pas exagérée. Si cela ne vous effraie pas, alors regardez la série en ne sachant rien de plus à son sujet. Sérieusement, arrêtez votre lecture ici, regardez les huit courts épisodes de cette saison et revenez ensuite. Le plaisir sera décuplé en gardant la surprise et la suite vous gâcherait largement Ares.
La toute première séquence d’Ares pose le décor. On suit une jeune étudiante néerlandaise qui participe à une sorte d’étrange société secrète où elle subit un bizutage, puis se fait violer par un membre de cette société. Après quoi, elle prend une paire de ciseaux et se tranche la gorge dans une sorte de salon, à côté d’une personne qui joue au piano. Le tout, sans aucun dialogue ni commentaire : on ne sait absolument rien et on sort de cette scène abasourdi, sans aucune réponse. C’est un sentiment que l’on retrouve souvent tout au long de cette saison, et les scénaristes ont pris grand soin de ne pas trop en dire jusqu’au tout dernier épisode qui apporte quelques éclaircissements, sans tout expliciter non plus. Si vous aimez les histoires détaillées où rien n’est laissé au hasard et où tout est expliqué, vous détesterez certainement la création de Pieter Kuijpers, Iris Otten et Sander van Meurs. Mais si vous appréciez au contraire de vous laisser porter et d’avoir un puzzle à reconstituer, vous apprécierez certainement l’aura de mystère qui entoure Ares. L’intrigue se construit autour de Rosa, étudiante en médecine sans histoire issue d’un milieu modeste d’Amsterdam. Quand elle découvre que son meilleur ami Jacob appartient à une sorte de société secrète, sa curiosité est piquée et elle fait tout pour y entrer. Ambitieuse, elle admire cette société manifestement aisée et puissante et elle finit par se faire remarquer et contre toute attente, elle est choisie comme novice. À partir de là, la série se transforme quasiment en huis clos et nous immerge dans cette grande maison qui existe probablement depuis plusieurs siècles. Sans aller tout à fait sur le terrain de la maison hantée, la série s’en approche souvent en explorant ses innombrables pièces et en introduisant plusieurs scènes avec une bonne dose de suspense. Cette quasi unité de lieu offre aussi à la saison une mise en scène très réussie, avec des plans souvent très géométriques et une photographie qui joue constamment sur les éclairages et les zones d’ombre. C’est très bien fait sans tomber dans l’excès de la virtuosité gratuite, et sans écraser l’histoire ou les personnages.
Le suspense est essentiel pour une série comme Ares, en tout cas pour cette première saison où l’on n’apprend finalement quasiment rien. Si l’on résumait tout ce que l’on découvre au fil des huit épisodes, cela tiendrait en quelques lignes et la majorité serait fournie par le tout dernier et même les quinze dernières minutes du dernier épisode. Pour éviter que l’on s’ennuie ferme et que l’on arrête la saison avant d’y arriver, ses concepteurs ont redoublé d’inventivité pour maintenir une tension. C’est une réussite totale : dès le départ, on est happé par cette mystérieuse société secrète, par ses motivations et par les secrets qu’elle peut cacher. L’opposition entre Ares et Beal est mentionnée très tôt, mais on ne découvre ce que c’est vraiment qu’à la toute fin. En attendant, des cauchemars ou rêves prémonitoires génèrent toutes les hypothèses imaginables. Qui est cette créature engluée dans une matière sombre et enchaînée ? C’est loin d’être la seule question. Pourquoi est-ce que cette société manifestement des plus riches et puissants hommes des Pays-Bas est dirigée par des jeunes qui ont la fâcheuse tendance à se suicider rapidement ? Qui est cette étrange femme enfermée dans une cage en verre sous la maison ? Pourquoi est-ce que tout le monde vomit une matière noire et des sortes de boules ? Qu’est-ce que c’est que tout ce délire ?? Ares a le bon sens de ne pas de réponses toutes faites, mais il y a suffisamment d’indices pour comprendre sans avoir d’explications complètes de la part du scénario. On comprend facilement que les personnages recrachent leur culpabilité, ce qui leur permet de prendre des décisions « difficiles », un mal nécessaire justifié par les dirigeants d’Ares par la grandeur historique du pays. Et si l’on connaît un petit peu son histoire, le lien avec l’esclavagisme apparaît vite, d’autant plus quand on juge à la blancheur de la peau de tous les membres de cette société. De ce fait, le coup de poing final ne l’est vraiment que pour ceux qui n’y ont pas pensé du tout auparavant. Ce qui n’est pas pour minimiser son impact : lier aussi clairement l’histoire du pays avec l’esclavagisme et indiquer assez explicitement que ses dirigeants ont le sang des esclavages sur leur mains est une position forte et puissante, qui va certainement faire jaser.
Ares appartient à cette catégorie de séries résolument à part. On pouvait s’attendre à une histoire d’horreur assez classique et peut-être même une bonne dose de fantastique pour la justifier. Mais au lieu de proposer des monstres, la série de Netflix préfère plonger la tête la première dans le passé d’un pays et dénoncer fermement l’horreur de l’esclavagisme. C’était une histoire de vengeance tout du long, même si ça ne devient apparent qu’à la toute fin. On ne s’attendait pas du tout à une telle conclusion en commençant la série et c’est une excellente surprise. Est-ce qu’Ares a un avenir ? La fin laisse entrevoir la possibilité d’une suite, mais avec une saison qui se construit autant sur le suspense et le mystère, on a du mal à envisager comment la série pourrait se poursuivre sans perdre en qualité. L’avenir le dira, mais en attendant, cette première série néerlandaise est une excellente réussite pour Netflix !