Assassin’s Creed, Justin Kurzel

Le jeu vidéo s’est largement inspiré du cinéma pour proposer des expériences plus immersives et souvent mieux écrites, souvent avec succès. La série des Assassin’s Creed est sans doute l’un des meilleurs exemples, avec une idée très originale au service d’une histoire fouillée qui a inspiré des millions de joueurs. Depuis quelques années, on assiste aussi au phénomène inverse et le Septième art pioche de plus en plus dans le monde du jeu vidéo. Il y a parfois des influences indirectes et parfois des adaptations très directes, comme ce passage au grand écran pour Assassin’s Creed justement. Sur le papier, une excellente idée tant la richesse de la saga de jeux pouvait lancer une saga de films toute aussi riche. Par ailleurs, les effets spéciaux pouvaient reconstituer avec encore plus de réalisme les environnements historiques déployés dans chaque épisode. Malheureusement, l’ambition d’Ubisoft était tout autre : « C’est plus un objet marketing et c’est bon aussi pour l’image de marque », résumait récemment le patron européen du studio. Tout est dit dès lors, il s’agit davantage d’une monstrueuse publicité qui a couté plus de 150 millions de dollars. Autant dire que l’on revoit nos exigences à la baisse, mais ça ne suffit même pas : stupide et moche, Assassin’s Creed est une énorme production qui se prend beaucoup trop au sérieux. À éviter.

Dans les grandes lignes, Assassin’s Creed, le film, reprend l’idée d’Assassin’s Creed, le premier jeu vidéo. Pour ne laisser personne à l’écart, Ubisoft a choisi de raconter une histoire différente de celle du premier volet et on part cette fois à l’époque de l’Inquisition espagnole, à la fin du XVe siècle donc. Néanmoins, le contexte reste le même : une entreprise privée, Abstergo Industries, a trouvé une technologie qui permet de revivre les souvenirs de l’un de ces ancêtres. Ici, le passé de Callum Lynch, un meurtrier condamné à la peine capitale et ressuscité d’une façon ou d’une autre par l’entreprise. Son ancêtre, Aguilar, était un maître assassin et c’est lui le dernier qui a touché la Pomme d’Eden, une relique capable d’éradiquer le libre-arbitre et donc la violence sur Terre. En tout cas, c’est le plan des Templiers qui sont derrière tout ça. Bref, le long-métrage de Justin Kurzel alterne entre séquences au présent, à l’époque de Callum, et séquences dans le passé, au cœur de l’Espagne d’Aguilar. C’est la même idée que le jeu, même si la présentation a été gonflée ici avec une machine très impressionnante avec son gros bras mécanique et ses projecteurs holographiques. Cette représentation manque de subtilité, mais c’est la base du jeu comme de son adaptation au cinéma et il faut reconnaître que l’ensemble est assez impressionnant. Malheureusement, les créateurs d’Assassin’s Creed étaient manifestement contents de leur travail et ils tiennent à le montrer constamment. Pendant que l’on est avec le personnage dans le passé, la machine avec son bras mécanique revient constamment à l’écran, brisant toute illusion.

Le manque de subtilité est l’un des problèmes majeurs dans le film. Tout est grossier, tout est énorme : la musique envahissante (pour ne pas dire assourdissante) et qui plus est qui tombe dans les clichés. Les scènes de combat filmées au plus près si bien que l’on ne voit plus rien, surtout quand l’inutile 3D s’en mêle. Le pathos familial qui débarque avec ses grands sabots. Les renversements de situation qui sont probablement censés être spectaculaires, mais qui sont en fait totalement téléphonés. La brume omniprésente qui tente tant bien que mal de cacher des plans souvent très laids : alors même que Justin Kurzel a essayé de faire le maximum en décors réels, Assassin’s Creed donne souvent l’impression étrange d’être moins réaliste que les jeux. On ne croit en rien, les personnages sont inexistants et Michael Fassbender que l’on dit pourtant passionné par le projet est transparent comme jamais. Ne parlons pas de Marion Cotillard qui a l’air de se demander ce qu’elle est venue faire dans cette galère, un petit peu comme nous d’ailleurs. Il n’y a rien de bon sur la technique, mais le pire, c’est probablement l’histoire. Qui s’est dit qu’une guerre séculaire entre Templiers et Assassins était encore une bonne idée en 2016 ? C’est vu et revu et les Templiers qui agissent aujourd’hui comme à l’époque de l’Inquisition, c’est d’un ridicule… Assassin’s Creed pourrait être assez drôle s’il ne se prenait pas autant au sérieux. À défaut, il est pénible, pour rester correct.

Ubisoft voulait faire connaître la marque Assassin’s Creed pour augmenter la valeur de la licence et in fine vendre plus de jeux. Tout ce que le studio a réussi à faire, c’est offrir une relecture grossière des scénarios autrement plus complexes des jeux originaux. L’adaptation proposée par Justin Kurzel paraît bien stupide et elle ne met pas vraiment en valeur le travail des scénaristes pour les jeux. Et ce n’est pas l’image souvent laide ou le montage hystérique qui vont aider à sauver Assassin’s Creed du désastre. Passez votre chemin, ou bien alors sortez une manette pour (re)découvrir les jeux.