Les aventures d’Astérix et d’Obélix ont souvent inspiré les cinéastes, mais force est de constater que la saga d’adaptations au cinéma ne brille pas jusque-là par sa qualité cinématographique. Les derniers volets sont même catastrophiques, et pourtant, il y avait de quoi faire, comme Alain Chabat l’a bien prouvé. Quand le réalisateur s’empare du projet pour adapter Astérix et Cléopâtre, le sixième album de la série d’Alain Uderzo et René Goscinny, il ne se contente pas de respecter le matériau original à la lettre. Il apporte avec lui ses amis et son univers et fusionne le tout pour donner Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, une version étrange où les héros ne sont pas nécessairement les deux Gaulois. On pourrait penser que c’est une trahison, alors que c’est en fait précisément ce qui fait la réussite du long-métrage. Alain Chabat trouve l’équilibre idéal entre la bande-dessinée et son propre univers et le résultat est une comédie réjouissante, qui fait toujours autant rire, bien des années après…
Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre suit la bande-dessinée dans les grandes lignes et on retrouve ainsi l’histoire du défi lancé par César à Cléopâtre, de la construction d’un palais en un temps record et de l’architecte Numérobis chargé du projet qui va chercher de l’aide en Gaule, auprès des deux gaulois et du druide. Dans la saga sur papier, c’est un épisode plutôt remarquable, parce qu’il se déroule presque essentiellement en Égypte, et parce qu’il n’implique qu’assez peu de personnages récurrents. On ne voit pas du tout le village des Gaulois, ni ses habitants et on se concentre ainsi sur l’intrigue égyptienne. On comprend vite pourquoi Alain Chabat a choisi ce sixième tome dans toute la collection : c’est peut-être celui qui lui laissait le plus de liberté pour glisser son humour entre les cases. De fait, la BD lui offre le cadre général, mais c’est surtout une excuse pour imaginer des personnages et remplir les trous avec des vannes concoctées maison. Multipliant les clins d’œil, le cinéaste s’en donne à cœur joie avec les jeux de mots. Mais il le fait avec son univers, c’est vrai, mais dans le respect du travail de René Goscinny. Ce dernier jouait aussi sur les noms de ses personnages, en ajoutant des « -ix » à des noms communs pour créer des noms amusants. Une idée systématisée ici, avec des références modernisées… en tout cas pour 2002. Aujourd’hui, certaines blagues, comme le personnage d’Itineris qui a des problèmes de réception et qui s’exprime comme une boîte vocale, ne fonctionnent sans doute plus vraiment ou n’ont plus le même impact.
Pour autant, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre a remarquablement bien vieilli et cette comédie familiale, parfaite autant pour les plus jeunes que pour leurs parents, n’a pas pris une ride. La majorité du tournage s’est fait en décors réels, installés dans le désert Marocain, et on passe suffisamment vite sur les quelques plans numériques pour ne pas trop les remarquer, tandis que la séquence en animation au milieu, dans la pyramide, est tout simplement une excellente idée. On sent bien que le réalisateur a eu des moyens dignes des plus grandes productions et ils ont été bien utilisés. Mais au fond, si le film reste toujours dans les mémoires, ce n’est pas pour la qualité de sa mise en scène et de ses décors, mais bien pour celle de ses dialogues et de ses interprètes. Alain Chabat est un excellent dialoguiste et il le prouve encore ici, avec un scénario qui fourmille de références, tantôt évidentes, tantôt discrètes. On repère ce que l’on peut et à chaque visionnage, on en attrape une nouvelle au vol, de quoi prolonger le plaisir. Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre multiplie aussi les formes d’humour et le long-métrage évite ainsi les répétitions et la lassitude d’un comique toujours répété, un défaut que ses successeurs n’ont pas su éviter. Et puis le film peut compter sur une galerie d’acteurs au sommet : Gérard Depardieu et Christian Clavier sont assez convaincants, ils sont surtout secondaires dans l’intrigue. On leur préfère sans peine Jamel Debbouze, excellent dans le rôle de l’architecte, mais aussi Gérard Darmon, parfait dans le rôle du grand méchant. Et que dire d’Édouard Baer et de son monologue improvisé, que tous les fans récitent désormais par cœur1 ?
C’est tout cela qui fait qu’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre sorte du lot et reste, encore aujourd’hui, une excellente comédie populaire et le quatrième plus grand succès du cinéma français. Il n’y a pas de hasard, Alain Chabat avait trouvé une formule parfaite, à la fois dans l’hommage à la bande-dessinée et dans l’innovation avec son univers, une formule portée par des acteurs talentueux. À l’arrivée, on rigole franchement, et c’est toujours le cas même quand on l’a vu des dizaines de fois. C’est bien la preuve de la réussite de ce film, à (re)voir sans hésiter !
Vous voulez m’aider ?
Le mec, il s’appelle On. Et comme il avait un phare… c’est le phare à On !
- Pour les amateurs, la version retenue dans le film ne contient pas toutes les improvisations de l’acteur. Cette vidéo plus complète contient quelques éléments de plus… mais comment faisait-il pour rester aussi sérieux ? ↩