Atlantide, l’Empire Perdu, Gary Trousdale et Kirk Wise

Après une série de comédies musicales, les studios Disney veulent s’essayer à autre chose. Leur film terminé, l’équipe qui avait réalisé Le Bossu de Notre-Dame reste en place pour un nouveau long-métrage. Cinq ans après, Atlantide, l’Empire Perdu est à la fois un énorme projet chez Disney avec un budget qui approche des 100 millions de dollars… et un échec commercial. Sorti quasiment en même temps que le premier Shrek, ce long-métrage traditionnel dessiné à la main n’est pas en phase avec les nouvelles attentes du public. Son plus gros défaut toutefois est de ne pas avoir choisi : plus adulte sur beaucoup de plans, le quarante-et-unième classique doit aussi convaincre les enfants, mais à trop vouloir trouver son équilibre, il finit par décevoir tout le monde. Trop adulte pour les uns, trop enfantin pour les autres, Atlantide, l’Empire Perdu n’est pas le meilleur Disney, c’est une évidence. Mais le projet de Gary Trousdale et Kirk Wise mérite malgré tout que l’on s’y intéresse, par son originalité au sein de la filmographie Disney. Un classique atypique et donc intéressant.

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Atlantide, l’Empire Perdu tranche avec les productions Disney des années 1990 sur plusieurs points. Le premier étant peut-être qu’il ne s’agit pas d’une adaptation, mais d’une création originale : Gary Trousdale et Kirk Wise s’inspirent du mythe de l’Atlantide tel qu’il est décrit par Platon et quelques autres auteurs pour créer leur propre version. Cette île, voire ce continent, qui aurait une technologie bien plus avancée que la nôtre il y a plusieurs milliers d’années et qui aurait disparu brutalement pour une raison restée mystérieuse, cette île attire de nombreux fantasmes. Pour imaginer un Atlantide crédible, les scénaristes ont beaucoup puisé chez un Jules Vernes qui s’est lui-même brièvement penché sur le mythe dans Vingt Mille Lieues sous les Mers. D’ailleurs, le projet original ne concernait pas directement les Atlantes, mais il devait s’agir d’une adaptation du Voyage au Centre de la Terre. Cette inspiration se retrouve dans le dessin général d’Atlantide et surtout dans son accès sous-marin, puis sous terrain. De ce fait, Atlantide, l’Empire Perdu est d’abord un film d’aventures qui ne cherche pas uniquement à convaincre des enfants comme c’était parfois le cas pour les précédentes productions Disney. Jusqu’au choix du format d’image — l’allongé CinemaScope, un choix très rare pour le studio —, tout doit rappeler un certain cinéma, représenté en tête par la saga Indiana Jones. De manière plus générale, ce classique est plutôt adulte par son traitement : ses graphismes très cubiques sont inspirés par le comics Hellboy, la musique composée par James Howard rappelle plus les gros blockbusters que le cinéma d’animation et l’intrigue générale autour de la cupidité de certains hommes et la disparition d’une civilisation ne devrait pas beaucoup parler aux plus jeunes.

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Ce traitement adulte est indéniable et c’est ce qui explique l’originalité fondamentale du film. Atlantide, l’Empire Perdu reste toutefois un classique Disney et à ce titre, il devait convaincre les enfants et pas uniquement leurs parents. Pour répondre à cette exigence, les scénaristes ont été contraints à modifier en profondeur le récit : par rapport à la version originale, le scénario final est bien plus court et recentré sur quelques personnages. On arrive beaucoup plus vite dans la cité mythique et le personnage de Milo Thatch a pris énormément d’importance, au point d’être le héros incontestable du récit. Tout tourne autour de lui et sans surprise, une histoire d’amour a été ajoutée avec, Disney oblige, une princesse. Milo n’est pas un prince toutefois et le récit conserve quelques éléments atypiques, à commencer par une trame générale qui ne rappelle aucunement les autres films d’animation du studio. Dans le même temps, Atlantide, l’Empire Perdu n’oublie pas tous les passages obligés du genre, à commencer par un comique un peu forcé qui passe, comme quasiment toujours, par les personnages secondaires. La troupe de bras cassés autour de Milo est parfois très réussie — on apprécie notamment la personnalité de l’italien —, mais souvent trop caricaturale. Le personnage de la Taupe est sans doute le plus raté, mais de manière générale, le format imposé de 90 minutes empêche tout développement suffisant pour offrir des personnages vraiment réels. Ne restent que des caricatures qui, pour certaines, amuseront les plus jeunes, mais qui font surtout du mal au projet d’ensemble, déséquilibré. À bien des égards, Atlantide, l’Empire Perdu est à la fois trop sérieux et trop léger : à ne pas choisir, Gary Trousdale et Kirk Wise échouent sur les deux fronts.

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Même si Atlantide, l’Empire Perdu n’est pas aussi réussi que les meilleurs classiques, on aurait tort de l’enterrer un peu vite. Disney sent peut-être pour la première fois de son histoire une limite à son style et même s’il faudra encore plusieurs années maigres sur le plan artistique pour revenir sur le devant de la scène, ce classique signe peut-être, au moins symboliquement, la fin d’une époque. Même si Gary Trousdale et Kirk Wise se sont éloignés du modèle traditionnel de la comédie musicale, la piste originale suivie ici n’a pas convaincu. Atlantide, l’Empire Perdu reste passionnant par ce qu’il expérimente et il reste bien meilleur que d’autres films d’animation des années 2000.