Batman v Superman : L’Aube de la justice, Zack Snyder

Pendant des années, Marvel a imposé au cinéma le principe d’une saga de superhéros qui se construit film après film, pour construire un univers complet avec les Avengers. Pourtant, dans L’univers des comics, DC Comics était là avant dans la réunion de héros : dès les années 1940, l’Univers DC (DCU) rassemblait déjà plusieurs super-héros dans des aventures communes sur le papier. Même si Marvel a indéniablement pris l’avantage dans ce domaine sur les grands écrans, son concurrent de toujours ne veut pas perdre sans se battre et le DCU atterrit enfin au cinéma à son tour ! C’était même déjà le cas en fait, puisque Man of Steel en faisait déjà partie, avant une série de films aussi impressionnante qu’en face, puisque ce sont déjà onze long-métrages qui sont prévus d’ici 2020. Le premier volet centré sur Superman était réalisé par Zack Snyder et s’il avait des défauts, il avait aussi beaucoup de qualités. C’était un blockbuster un peu outrancier sur la fin, mais qui parvenait à relancer ce super-héros un petit peu usé, il faut bien le dire. Le réalisateur est toujours là pour signer une suite et comme son nom l’indiquer bien, Batman v Superman : L’Aube de la justice en fait encore plus avec deux univers pour le prix d’un. Malheureusement, on ne retrouve pas les qualités de son prédécesseur et tous les défauts sont exacerbés, pour un blockbuster long, quand il n’est pas pénible…

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Man of Steel avait séduit par son écriture assez audacieuse, pleine de noirceurs et d’allers et retour temporels. Christopher Nolan, le créateur de la trilogie Batman qui reste toujours une référence en matière de modernisation de super-héros, était co-scénariste et on reconnaissait sa patte et son sérieux dans le traitement de l’histoire. Il n’a pas totalement disparu sur cette suite mais il n’est plus que producteur, et cela se voit : le scénario de Batman v Superman : L’Aube de la justice ne tient pas la route, alors qu’il partait pourtant sur de bonnes bases. Zack Snyder opte pour un point de départ très bien vu. On ne le savait pas, mais quand Superman détruisait la moitié de la ville pour combattre son adversaire, Bruce Wayne était là, au milieu des décombres, impuissant. Il découvrait alors en même temps que le monde entier ce super-héros venu d’une autre planète, et il a détesté ce qu’il a vu et s’est promis de l’arrêter. Ce long-métrage se poursuit 18 mois plus tard, alors que Batman est en activité dans Gotham depuis plus de 20 ans et il devient obsédé par un objectif unique : trouver et tuer Superman. Cette manière de faire interagir deux univers jusque-là séparés est très bien vue et DC Comics a fait bien mieux sur ce point que Marvel, qui se contente d’empiler les héros sans chercher d’explications logiques. Comment un être surpuissant peut rester ignorant des autres êtres surpuissants dans le même espace ? La réponse apportée par Batman v Superman : L’Aube de la justice est intéressante, car non seulement ils ne s’ignorent pas, mais leurs pouvoirs sont tels qu’ils entrent en conflit. Le mélange des deux arcs narratifs est en tout cas excellent, et Zack Snyder propose une nouvelle version originale et bien trouvée de Batman, dans ce qui s’apparente à un reboot pour ce personnage. Après vingt ans d’activité, le super-héros a vieilli et il est devenu plus aigri. Il a un petit peu perdu de vue l’objectif d’aider les autres et il cherche surtout à se venger. Il marque ses ennemis au fer rouge, fait exécuter certains criminels en prison… bref, Batman est devenu un sale type, et c’est une excellente idée. Même s’il n’est pas parfait, Ben Affleck est correct dans le rôle et l’acteur transcrit bien sa lassitude face à la vie. À ses côtés, Jeremy Irons forme un Alfred étonnant et plein d’amertume, ce qui très bien trouvé, mais il est sous-exploité, malheureusement.

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Avec un tel point de départ, on espérait une confrontation au sommet explosive, certes, mais aussi psychologiquement riche et passionnante. Superman est un héros souvent trop lisse et c’était précisément l’un des points forts de la réalisation précédente de Zack Snyder, lui donner de l’épaisseur. Quant à Batman, son côté bad guy lui convenait très bien et pouvait donner quelque chose d’intéressant. Hélas, les bases sont bien là, mais Batman v Superman : L’Aube de la justice ne les exploite pas. Pour commencer, il y a quelques erreurs vraiment pénibles dans le scénario, avec en premier lieu cette idée stupide que l’identité de Superman reste secrète. Le héros ne porte aucun masque et le seul attribut qui le distingue de son personnage d’humain normal est… une paire de lunettes. Qui s’est dit que personne ne reconnaîtrait le héros quand il est Clark Kent, journaliste au Daily Planet ? C’est absurde et plusieurs scènes reposent entièrement sur son anonymat : on en vient à se demander si on ne nous prend pas pour des imbéciles. Le plus problème du long-métrage n’est pas là toutefois, mais plutôt dans l’inversion des rôles quand Batman prend conscience de son erreur vis-à-vis de son alter ego. C’est un moment pivot au cœur du scénario, mais Zack Snyder le traite à la légère et passe des pires ennemis aux meilleurs amis en un clin d’œil, sans aucun respect pour le moindre rudiment de psychologie. On n’y croit pas une seule seconde, ce qui est un problème pour ce film totalement premier degré. Comme son prédécesseur, Batman v Superman : L’Aube de la justice est extrêmement sérieux, ce qui n’est pas un défaut en soi, mais il faut savoir assurer derrière. Et ce n’est pas le cas ici, avec un combat final qui se veut spectaculaire et qui n’est qu’un enchaînement illisible qui se conclut de façon grossière. La musique de Hans Zimmer n’a peut-être jamais été autant pompière et lourde qu’ici, ce qui rend l’ensemble particulièrement fatiguant.

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Comme si Batman et Superman ne suffisaient pas, Batman v Superman : L’Aube de la justice présente aussi Wonder Woman, qui aura son propre film l’an prochain, ainsi que d’autres super-héros DC Comics. Aquaman, Flash, Cyborg… autant de personnages que l’on découvrira ces prochaines années, en espérant que l’on n’en reste pas au traitement grossier de ce long-métrage. Zack Snyder n’a jamais fait dans la dentelle et on peut respecter la cohérence de son univers graphique, ce n’est d’ailleurs pas le problème. Il a manqué ici d’un bon scénario et de cohérence, peut-être aussi de concisions. La version longue qu’il souhaitait avant la sortie en salles dure plus de trois heures et on s’ennuie ferme plus d’une fois. Restent quelques idées vraiment bien trouvées, mais elles ne suffisent pas à sauver Batman v Superman : L’Aube de la justice. À oublier.