Battle Royale, Kinji Fukasaku

Avant Hunger Games, il y avait eu Battle Royale, un roman d’abord et puis une adaptation cinématographique. Le principe est le même : une dystopie où l’on envoie des adolescents s’entretuer dans une sorte de jeu complètement malade. Néanmoins, c’est bien la seule chose qui réunit les deux œuvres, car ce film signé Kinji Fukasaku n’a rien d’un blockbuster pour ados, c’est un film d’horreur interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie en salles. Loin de la guimauve du premier volet de la saga américaine, la vision japonaise est froide, brutale et sanglante, un petit peu plus folle aussi. Battle Royale souffre de quelques défauts et incohérences, mais le long-métrage reste brillamment glaçant.

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Battle Royale ouvre sur quelques explications sur fond du Requiem de Verdi : une musique de fin de monde, pour évoquer un futur proche où la société japonaise aurait perdu la tête et sombré dans la violence. Le chômage atteint des niveaux exceptionnels, le nombre de suicides explose et la jeunesse se révolte. Refus d’aller en cours, violences contre l’école et la société : l’histoire originale imagine un fossé toujours plus grand entre les jeunes et les adultes. Et c’est en réaction que ces derniers votent une loi dite Battle Royale, qui prévoit qu’une classe de collégiens sera envoyée sur une île déserte pour un combat à mort. Il n’y a pas vraiment de règles, si ce n’est qu’après trois jours, il ne doit rester qu’un seul survivant. Les adolescents sont tous équipés d’un collier qui sert de sécurité autant que de surveillance, et on leur donne un sac avec quelques vivres et une arme plus ou moins utiles. L’objectif étant d’écrémer la jeunesse et de lui rappeler par la même occasion que la vie n’est qu’un jeu, et un jeu extrêmement aléatoire. Non seulement, la classe est choisie au hasard dans tout le pays, mais en outre, les armes sont distribuées aléatoirement et elles seront déterminantes, car il y en a beaucoup d’inutiles, comme un couvercle ou une paire de jumelles. Le contexte posé, Battle Royale enchaîne sans temps mort sur la classe sélectionnée pour cette année : tous les élèves sont endormis dans le bus et ils se réveillent dans une salle de classe désaffectée, le collier au cou et avec leur ancien professeur pour leur expliquer les règles. Quelques minutes plus tard, ils sont lâchés sur l’île : le massacre peut commencer.

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Et en matière de massacre, Kinji Fukasaku n’a rien à apprendre de personne et il attaque fort dès le départ avec une forte dose d’hémoglobine. Sans atteindre tout à fait le gore pur, le réalisateur filme chaque mise à mort avec force détail et il n’hésite pas à verser quelques litres de fausse hémoglobine pour renforcer le message. Disons-le, Battle Royale n’est pas toujours réaliste, avec des personnages qui ne meurent pas alors qu’ils ont été touché par une dizaine de balles, mais c’est aussi une bonne manière de pointer le ridicule de la situation du doigt. Métaphore extrême de l’éducation supérieure élitiste, au Japon et ailleurs, le propos est assez clair, même si le long-métrage ne joue pas la carte des jeux publics, comme le fera par la suite Hunger Games. Ici au contraire, les jeunes pensent se rendre en voyage scolaire et ils ignorent tout des combats, ce qui est d’ailleurs l’une des grosses incohérences du film1, ce qui rend les débuts d’autant plus difficiles. Ils ne sont pas préparés et ceux qui savent se battre, en particulier les deux éléments extérieurs qui viennent pimenter le jeu, se font littéralement massacrer. Il faut dire qu’il y a 40 personnes au départ, et qu’il ne doit en rester qu’une seule après les trois jours : le rythme de morts est intense. Battle Royale fait preuve d’originalité, avec des morts très différentes et parfois surprenantes, mais Kinji Fukasaku a toujours la même idée en tête : déceler l’absurdité de la situation et montrer comment la tension peut dégénérer. Plusieurs groupes essaient de s’organiser pour être plus malins, mais ils finissent souvent par s’entre-tuer ou par disparaître sous les coups d’un autre. On ne dévoilera pas la fin, mais on se doute bien qu’elle n’est pas pleine d’optimisme, comme pouvait l’être celle de la saga qui a suivi : ici, on est dans la noirceur absolue et dans le massacre sanglant.

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Le long-métrage de Kinji Fukasaku ne parvient pas à instaurer l’émotion nécessaire pour que l’on se sente proche des personnages et les multiples histoires d’amours entre les adolescents nous passent largement au-dessus de la tête. À cet égard, Battle Royale est une déception, mais la violence et la noirceur compensent, et amènent l’histoire sur un autre terrain. On est plus dans le film d’horreur façon slasher et le résultat reste très impressionnant, notamment parce que l’on ne voit jamais vraiment la dystopie. On arrive quasiment immédiatement sur l’île et on ne la quitte qu’à peine, si bien que le long-métrage fonctionne comme un huis clos. C’est peut-être ça la meilleure idée de Battle Royale, et ce qui fait que le film reste en mémoire bien après l’avoir vu…


  1. Au début, on voit une journaliste à la sortie de l’un des précédents jeux. Comment les élèves du film pourraient les ignorer complètement ? Ce n’est pas logique…