Ned a l’impression de se retrouver en prison quand son père et sa belle-mère le laissent à son lycée privé huppé d’Irlande avant de prendre leur avion pour repartir à Dubaï où ils ont choisi de vivre. Il faut dire que ce lycée mise tout sur le rugby et ses valeurs et que le jeune homme est différent : rouquin, pas bien épais et surtout gay. Un beau petit diable ne cherche pas à proposer une histoire originale, mais John Butler propose une relecture convaincante d’un coming-out mêlé d’une histoire d’amitié. Son long-métrage semble avoir parfaitement conscience de sa dimension modeste et le réalisateur se contente de proposer sa vision avec beaucoup de justesse. Touchant.
Un beau petit diable est raconté du point de vue de Ned, qui est le narrateur et qui commence par la fin, en racontant son pire embarras lors d’un concours d’essai. On remonte ensuite le temps, jusqu’à l’arrivée de Conor dans le paysage, un nouvel élève du lycée qui partage la chambre de Ned. C’était une star sur le terrain de rugby de sa précédente école et son arrivée est très attendue par l’équipe locale. Il représente tout ce que Ned déteste et il décide alors de créer un mur, littéralement, entre son nouveau colocataire et lui-même. Le scénario commence sur cette opposition entre deux garçons que tout oppose, celui qui préfère la littérature et la musique et le joueur de rugby qui commence par faire des pompes dès qu’il pose ses affaires dans la pièce. Tout les oppose et pourtant, le film les rapproche progressivement. Connor semble s’intéresser sincèrement à Ned et à ses goûts, notamment musicaux, si bien que les deux garçons finissent même par jouer ensemble un morceau. Bientôt, on apprend que le joueur de rugby a quitté son ancien lycée parce qu’il se battait avec tous ceux qui apprenaient son homosexualité et il s’avère que les deux élèves ne sont pas si différents qu’on pouvait le penser. Il n’est pas question d’amour et encore moins de sexualité, Un beau petit diable s’arrête à l’amitié et se concentre davantage sur la question de l’identité. Peut-on être un joueur de rugby si l’on est ouvertement gay ? Peut-on changer dans un concours un jour et tirer dans une balle dans un match le lendemain ? Faut-il choisir une voie et s’y tenir, quitte à mentir à tous et surtout à soi-même ? John Butler manie ces questions en douceur, sans éviter les passages obligés comme l’homophobie de quelques élèves, mais en maintenant malgré tout un traitement réaliste des personnages et des situations. À défaut d’être original, son long-métrage est ainsi bien équilibré et il sont toujours juste. Les deux jeunes acteurs choisis pour incarner les personnages principaux sont impeccables dans leurs rôles et on apprécie aussi le casting adulte, Andrew Scott en tête.
Sans faire peut-être d’étincelles, Un beau petit diable est une œuvre plaisante qui mérite d’être vue. Son message positif mérite en particulier d’être entendu par tous les jeunes dans la même situation que Ned et Conor. John Butler l’amène en outre avec subtilité, sans angélisme entre homophobie et harcèlement scolaire, mais sans tomber pour autant dans la lourdeur excessive que l’on peut voir parfois. C’est un film équilibré et optimiste, une œuvre aussi utile qu’agréable qui permet de passer un très bon moment.