Big Eyes, Tim Burton

« L’histoire vraie de la plus grande arnaque de l’histoire de l’art », annonce fièrement l’affiche de Big Eyes. Est-ce vraiment la plus grande arnaque ? Qu’importe à dire vrai, il faut reconnaître que l’histoire de Margaret Keane est assez surprenante : cette peintre a laissé son mari vendre ses toiles et surtout se les approprier pendant des années, alors même que son travail composé d’enfants aux yeux écarquillés faisait le tour du monde. Le sujet est passionnant et assez peu connu, mais on est surpris de le voir rattaché au nom de Tim Burton. Qu’est venu chercher le réalisateur dans cette histoire ? Lui qui s’est fait une solide réputation avec son univers si particulier, bariolé et fantastique, qu’a-t-il à ajouter à un biopic ? Malheureusement, la réponse est : pas grand-chose. Big Eyes est instructif et divertissant, mais aussi assez banal et vite oublié…

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Big Eyes ne raconte pas toute la vie de Margaret Keane, ne serait-ce que pour la très bonne raison que l’artiste n’est pas morte et continue de travailler. Comme tous les biopics, le scénario se concentre sur la partie la plus intéressante de sa vie, à savoir son mariage avec Walter Keane dans les années 1950 et surtout le succès de son œuvre… mais sous le nom de son mari, pendant les années 1960. Tim Burton commence ainsi dans l’une de ses banlieues américaines qu’il affectionne tant — un instant, on croire même revoir Edward aux mains d’argent —, mais uniquement pour présenter son personnage principal alors qu’elle fuit sa maison. Elle décroche quelques tableaux des murs, on comprend que ce sont les siens, prend sa famille et part vers San Francisco. Elle n’a pas de plan, pas même d’argent et dans cette société machiste, c’est un pari risqué. Sur place, elle trouve un petit boulot et rencontre Walter, un autre peintre charmeur qui la séduit rapidement. Le mariage suit dans la foulée, notamment pour permettre à Margaret de s’assurer la garde de sa fille en offrant une image de stabilité. Big Eye montre alors comment Walter présente son travail et celui de sa femme, et face au succès de ce dernier, ne parvient pas à avouer. Il parle bien et séduit les acheteurs qu’il convainc aisément d’être l’artiste. La supercherie qui va durer une dizaine d’années se met en place, presque naturellement.

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Ce qui est alors le plus passionnant dans cette histoire, c’est que Margaret ne dit rien. La jeune femme est timide et peu sûre d’elle, alors que son mari est au contraire assuré et beau parleur. Mais quand même, elle s’indigne au début de la supercherie, puis se tait pendant dix ans. Elle ment à tout le monde, à son amie et même à sa fille qui comprend très bien ce qui se passe, même si elle est toute jeune. C’est quelque chose de fascinant et Tim Burton passe dans l’ensemble à côté. Certes, son film montre bien quelques scènes d’opposition et évoque quelques raisons qui ont pu la pousser au silence — l’argent et la sécurité fournis par le mari, une vie tranquille où elle pouvait peindre… —, mais reste toujours ce sentiment de passer à côté de quelque chose. Big Eyes ne prend pas de risques, avec ces séquences colorées et pop qui semblent bien caricaturales et si éloignées de l’univers de tristesse déployé sur les toiles de Margaret, avec cette musique omniprésente de Danny Elfman qui semble souvent déplacée. Amy Adams et Christoph Waltz sont tous deux excellents et on suit l’histoire avec intérêt, mais il n’empêche que l’on a le sentiment que le réalisateur est passé à côté du plus intéressant. Tim Burton n’est pas tout à fait hors-sujet, mais il se contente du strict minimum et enrobe le tout dans un emballage coloré qui ne convient pas vraiment.

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On se demandait avant de voir Big Eyes ce que Tim Burton allait apporter à ce film, mais après l’avoir vu, on ne sait pas exactement. Le sujet est intéressant, c’est indéniable, mais on reste sur un biopic assez superficiel, qui n’entre pas au cœur des choses. On aurait aimé en savoir plus sur cette femme, comprendre pourquoi elle n’a pas agi pendant toutes ces années et pourquoi elle change d’avis. Les deux acteurs sont excellents, c’est incontestable, mais ils ne suffisent pas à faire de Big Eyes un long-métrage qui dépasse le statut du divertissement vite oublié.