Big Little Lies, David E. Kelley (HBO)

Big Little Lies porte bien son nom : cette mini-série portée par HBO raconte le quotidien plein de petits mensonges de quelques américaines, de mères de famille qui semblent mener une vie idéale dans une petite ville qui semble tout autant parfaite. Adaptée d’un roman de Liane Moriarty, la série créée par David E. Kelley est tournée autour d’une mort, peut-être d’un meurtre, mais les sept épisodes qui composent son unique saison ne sont pas policiers. Réalisée entièrement par Jean-Marc Vallée, cinéaste canadien à qui l’on doit notamment l’excellent C.R.A.Z.Y., Big Little Lies ressemble plus à un long-métrage de six heures et c’est très bien ainsi. Portée par des actrices exceptionnellement douées, la série est un plaisir à suivre : ne passez pas à côté, mais regardez-la avant de lire quoi que ce soit à son sujet.

Le moteur principal de la série de David E. Kelley est le mensonge et dès le pilote, on sait qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. D’ailleurs, la toute première scène de Big Little Lies est une scène de crime et Jean-Marc Vallée prend alors grand soin de ne pas montrer qui est mort et donc qui est encore vivant. Il pose ensuite ses différents personnages et son intrigue principale autour de l’arrivée de Jane à Monterey, une petite ville touristique sur la côte californienne. Mère de famille célibataire, elle vient chercher un nouveau départ dans la ville et se lie d’amitié avec Madeline qui la fait rencontrer Celeste. Ces trois mères de famille qui ont dédié leur vie à leurs enfants vont devenir de très bonnes amies et tout pourrait aller pour le mieux, sauf que dès le premier jour à l’école pour trois de leurs enfants, un incident jette une ombre sur cette image parfaite. Ziggy, le fils de Jane, est accusée par une fille de sa classe de l’avoir étranglée. Bientôt, toute la ville se dresse contre cette étrangère et la perfection affichée éclate vite de tous les côtés. Big Little Lies n’est pas fondamentalement très originale, c’est une sorte de huis clos dans une petite ville où tout le monde connaît tout le monde, et où rien n’est aussi parfait qu’on voudrait le faire croire. Madeline et Celeste ont toutes deux des secrets qu’elles essaient tant bien que mal de cacher ; l’une a trompé son mari, l’autre est battue par son mari, mais toutes deux jouent la comédie et affichent un grand sourire en public et serrent les dents. Le scénario met également très bien en avant les petites luttes en interne, surtout entre mères et la série de David E. Kelley excelle à montrer à quel point ces mères peuvent devenir féroces. L’idée n’est pas exceptionnelle, certes, mais l’interprétation de toutes les actrices l’est et ce sont elles qui font tout l’intérêt de la série de HBO. Shailene Woodley n’a jamais été aussi bien qu’en mère de famille torturée par le souvenir du viol qui a donné son fils. Reese Witherspoon excelle en mère de famille qui veut présenter le visage de la perfection, mais qui est en fait une femme colérique et complexe. La véritable star toutefois, c’est bien Nicole Kidman, tout simplement parfaite dans son rôle de femme battue en plein déni. L’actrice atteint des sommets de naturel avec son personnage extrêmement complexe, à la fois dans l’assurance apportée par sa position confortable, et dans l’infinie fragilité face à son mari violent. Les scènes tournées chez la psychologue sont puissantes, avec un niveau d’émotion rare. S’il ne fallait qu’un argument pour regarder la série, on pourrait mettre en avant Nicole Kidman, même s’il y en a bien d’autres, à commencer par la réalisation de Jean-Marc Vallée ou encore la bande-originale de très bon goût.

Belle réussite que ce Big Little Lies. La série de David E. Kelley ne gagne pas la palme de l’originalité, mais elle est très bien réalisée, extrêmement bien interprétée et elle maintient le suspense jusqu’au bout. Qui a tué qui ? Sans tomber dans la série policière, le suspense reste maintenu et on ne sait pas exactement ce qui s’est passé avant la toute fin. Et même alors, il reste de nombreux mystères et interrogations sur les personnages et ce qu’il leur arrive ensuite. Big Little Lies ne devrait pas y répondre, puisque cette série devrait en rester à cette saison unique et c’est une très bonne chose. Ces sept épisodes se suffisent largement à eux-mêmes et ils sont tous excellents.


Big Little Lies, saison 2

(29 juillet 2019)

La mini-série de HBO ne devait pas ouvrir sur une suite et les sept épisodes que comptait la saison formaient un tout cohérent. Face au succès, Big Little Lies a finalement été prolongée avec une deuxième saison et sept nouveaux épisodes qui pouvaient laisser craindre le pire. L’histoire originale, adaptée d’un roman, était terminée et les séries qui se poursuivent au-delà de l’œuvre de base sont rarement de bonnes nouvelles. David E. Kelly a bien fait les choses toutefois, il a do-écrit le scénario avec Liane Moriarty, l’auteure du roman en question, et même si Jean-Marc Vallée n’est plus à la réalisation, les épisodes sont tous signés d’Andrea Arnold. À l’arrivée, Big Little Lies ne déçoit pas et offre une nouvelle saison intense, excellemment bien jouée et à ne surtout pas rater.

La première saison se construisait autour d’une mort et d’un nuage de mystère, levé à la toute fin. Pour cette suite, Big Little Lies ne peut plus compter sur ce mécanisme proche du policier, évidemment. À la place, le scénario se construit autour du deuil et de la vie dans cette petite ville de la côte californienne alors que les soupçons de la police sont toujours bien présents. Pour s’en sortir et éviter le risque d’une condamnation lourde, les cinq femmes ont décidé de dire que Perry est tombé lui-même, ce qui est faux. Ce mensonge pèse plus ou moins sur elles, mais elles semblent s’en sortir jusqu’au jour où la mère de Perry débarque en ville. Elle vient aider sa belle-fille et s’occuper de ses petits-enfants, mais elle est aussi déterminée de savoir ce qui s’est réellement passé. Ce nouveau personnage, incarné par une Meryl Streep en pleine forme, permet à Big Little Lies de renouveler les enjeux tout en restant sur la même histoire générale. Cette femme, persuadée que son fils est un ange parfait, va tout faire pour accuser Celeste, avec une conclusion dans un tribunal. Même si l’ambiance pleine de mystères de la première saison n’est plus là, ces nouveaux épisodes sont très bien écrits et réalisés et l’ensemble se suit avec beaucoup de plaisir. La musique est bonne, les actrices sont toujours aussi brillantes — mention spéciale à nouveau pour Nicole Kidman, mais Laura Dern est très bien aussi — et l’histoire reste passionnante à suivre.

Pari réussi pour HBO, qui aurait pu prolonger une excellente série avec une saison médiocre, mais qui offre au contraire une très bonne suite, différente tout en restant dans la même ligne. Avec cette nouvelle saison, Big Little Lies s’éloigne de son statut de mini-série et elle enrichit un univers et des personnages qui étaient déjà riches. Est-ce que David E. Kelly aura de quoi continuer encore ? On voit mal ce qui pourrait maintenir l’intérêt de l’histoire sans tomber dans la répétition ou s’éloigner vraiment de l’esprit de ces deux saisons. Et puis officiellement, il n’est pas question de donner une suite à la série, même si HBO nous avait déjà fait le coup en 2017. Quoi qu’il en soit, les deux saisons existantes de Big Little Lies méritent indéniablement le détour.