La crise des supbrimes qui a commencé aux Ètats-Unis en 2008 est sans conteste l’une des plus grosses crises économiques depuis le début du XXe siècle, mais c’est surtout l’une des plus complexes et des plus difficiles à expliquer. C’est d’ailleurs précisément parce que ces crédits immobiliers rassemblés dans des montages incompréhensibles que la crise a été si importante et surtout si profonde. À son tour, Adam McKay se lance dans une explication en même temps qu’une dénonciation, et il le fait en adaptant le livre de Michael Lewis, un journaliste financier qui a opté pour un angle plus original. Bien avant la crise, quelques acteurs financiers ont senti que le vent allait tourner et ils ont tenté un coup, le casse du siècle du titre : parier contre le marché immobilier et empocher le jackpot. Une bonne idée, qui permet à The Big Short : Le Casse du siècle de sortir du lot. Le long-métrage peut aussi compter sur un casting assez exceptionnel et sur une réalisation qui manque parfois de finesse, certes, mais qui parvient malgré tout à expliquer des idées très complexes avec beaucoup de facilité. Un angle original sur la crise, à découvrir.
Ce qui frappe le plus dans le dernier long-métrage d’Adam McKay, c’est sans doute le style. Alors que le sujet est très sérieux, le cinéaste adopte un ton et une mise en scène qui évoquent plus le film de casse assez léger, presque une comédie. Dès le départ, le montage est rapide, parfois saccadé, et on a parfois le sentiment de voir un clip. C’est voulu et assumé, mais The Big Short : Le Casse du siècle va un petit peu trop loin en étant parfois trop systématique. L’ensemble manque de finesse et peut même fatiguer quelque peu, ce qui est d’autant plus gênant que le scénario essaie régulièrement de glisser beaucoup d’explications en un temps record. Tout est affaire de goût, naturellement, mais on aimerait parfois que le réalisateur pose un petit peu ses caméras et arrête de changer constamment de caméra, pour mieux se concentrer sur ses personnages et son intrigue. Deux éléments qui sont d’ailleurs très convaincants : l’histoire aborde la question des subprimes et des montages complexes associés avec un angle que l’on ne connaissait pas forcément, et les acteurs sont tous excellents. Le scénario se concentre sur quatre acteurs de la finance aux États-Unis : Michael Burry gère un fond spéculatif et il réalise, courant 2005, que le marché immobilier américain tout entier ne repose que sur du vent. Il est le premier à voir la crise, mais en bon financier qu’il est, il essaie d’en tirer profit avec une idée lumineuse : parier contre les banques, sur leurs prêts immobiliers. Il leur propose de créer une sorte d’assurance sur la valeur des subprimes et en cas de chute, ce sera le pactole. Une idée qui semble si absurde à l’époque que toutes les banques acceptent aveuglément et il place 1,3 milliard de dollars, mais surtout, il lance sans le savoir un mouvement général. Jared Vennett, un trader pour l’une des banques, entend parler de cette assurance et il se met à démarcher d’autres investisseurs pour en vendre. Il parvient à convaincre Mark Baum, gestionnaire d’un hedge fund et bientôt, tout le monde se met à parier contre l’immobilier américain.
The Big Short : Le Casse du siècle suit également un duo de jeunes investisseurs qui découvrent par hasard l’astuce et veulent en profiter. En tout, on a quatre fils principaux qui ne se croisent jamais tous, mais qui avancent en parallèle avec cette même idée que la crise est inévitable. Sauf que les personnages d’Adam McKay ne sont pas les héros que l’on attendait, mais bien des financiers prêts à tout pour tourner cette situation à leur avantage. C’est ça l’idée des assurances : parier sur la chute avant qu’elle n’arrive et surtout être le seul à le faire, pour gagner énormément d’argent à l’arrivée. Michael Burry parvient à réaliser un profit surréaliste de 489 % et énormément d’argent, le trader de la banque termine avec un chèque de 47 millions de dollars, le fond d’investissement de Mark Baum génère un milliard avec ses assurances… tout le monde s’est largement enrichi. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne le font pas impunément et le message final qui explique ce qui leur arrive par la suite est très intéressant à cet égard. Certains quittent la finance, d’autres y restent, mais pour investir sur de bonnes causes qui rapportent peu. The Big Short : Le Casse du siècle montre bien que ce casse a cassé leur foi dans le système et les scènes les plus fortes sont précisément celles où l’on comprend à quel point les subprimes ont corrompu toute l’économie. Il y a des moments assez forts dans le long-métrage, et il faut saluer le talent des acteurs, tout particulièrement de Christian Bale et Steve Carrell. On savait qu’ils sont capables d’interpréter n’importe quel personne, ils le prouvent encore avec des prestations spectaculaires, soit dans l’autisme, soit dans la colère permanente. À leur manière, ils ne sont pas bien adaptés à la société et détonnent par rapport à leurs collègues et c’est sûrement ce qui leur permet de sentir l’arrivée de la crise. Et même s’ils profitent de la situation, on sent bien qu’ils ne le font pas de gaieté de cœur : les dernières séquences sont assez impressionnantes pour cette raison.
Adam McKay aurait sans doute mieux fait de sa calmer et de limiter les effets à la limite du grossier, mais à l’arrivée, le constat est sans appel : on a rarement vu une explication aussi fluide et compréhensible de la crise des subprimes. Le long-métrage a quelques idées lumineuses pour rendre ces montages financiers incompréhensibles plus digestes, employant au passage qui, un cuisinier et ses poissons pas frais, qui Selena Gomez et une partie de Blackjack. The Big Short : Le Casse du siècle est inégal, mais on le suit avec plaisir, notamment grâce à ses excellents acteurs, et dans l’ensemble, on peut dire que c’est une réussite.
Sortie en Blu-Ray, DVD et VOD le 4 mai