Immense succès à sa sortie, Billy Elliot est un film à mi-chemin entre la comédie dramatique, le film social et le récit d’apprentissage. Stephen Daldry utilise le contexte des grèves de mineurs des années 1980 dans cette petite ville fictive du nord de l’Angleterre pour raconter l’histoire d’un garçon qui rêve de ballet et non de boxe. Seul face à l’adversité de sa famille et de la société de manière générale, Billy doit se battre pour vivre sa passion, tandis que sa famille se bat dans une grève qui vit ses dernières heures. Les deux volets avancent en même temps et Billy Elliot s’impose par son équilibre et la justesse de ses propos. Une très belle réussite, qui se (re)voit avec plaisir !
Dans le comté de Durham où se déroule cette histoire, les mines de charbon sont partout. Le pays a considérablement développé cette industrie, indispensable à la Révolution industrielle, mais avec l’arrivée des années 1980 et de Margaret Thatcher au pouvoir, le climat change. Billy Elliot se déroule au cœur d’une grève d’un an qui commence en mars 1984 et qui s’est conclue par une reprise du travail sans avoir obtenu aucune concession de la part du gouvernement britannique. Le film n’est pas daté plus précisément et la grève n’est même pas son sujet principal, mais Stephen Daldry l’utilise en guise d’arrière-plan et elle est toujours présente à l’écran comme dans les esprits. Elle est aussi essentielle pour comprendre les difficultés de Billy quand il se découvre un goût marqué pour la danse de ballet. Comme quasiment tous les garçons de son âge, il fait de la boxe, mais on sent bien que ce n’est pas son truc. Il y va à reculons et il n’est pas très bon, il préfère éviter l’affrontement en bougeant rapidement sur le ring et son père, fils de boxeurs, désespère de voir qu’il n’a pas la fibre nécessaire. Pour autant, il n’est pas du tout réjoui quand il découvre que Billy a commencé à suivre des cours de danse en secret. C’est le seul garçon du cours et dans cette société encore si machiste, c’est évidemment très mal vu. Son père et son frère se moquent de lui et il ne semble avoir aucun avenir dans ce domaine. Pour autant, il ne veut pas abandonner et sa professeur voit un talent qui pourrait mener à une vraie carrière.
Billy Elliot se concentre sur cette histoire assez simple, sans jamais oublier les conflits permanents entre mineurs et forces de l’ordre. Les policiers sont toujours là, parfois uniquement dans le décor, mais on ne peut pas les oublier et cela met en perspective le sacrifice que demanderait une carrière de danseurs. Quand trouver 50 centimes par semaine est quasiment impossible, quand le piano est la seule chose qu’il reste pour chauffer, comment imaginer financer une école privée à Londres ? Le père n’est jamais sorti du comté de toute sa vie, il n’a jamais rien fait d’autre que la mine, son identité est résumée par ce travail et cette misère sociale. C’est fort, sans jamais tomber dans le misérabilisme social, et Stephen Daldry concentre souvent ses caméras sur le corps toujours en mouvement de son personnage principal. Jamie Bell est impeccable dans le rôle de Billy, il dansait avant le film et cela se voit et il est parfaitement à l’aise. Billy Elliot évite aussi de tomber dans la noirceur absolue et sa trame narrative est au contraire très positive, avec un happy-end charmant. Le projet est très bien équilibré et le scénario évoque avec beaucoup de finesse la question de la sexualité, centrale dès le départ. Danser, c’est pour les filles ou les « pédés », de l’avis même du garçon qui cherche tous les arguments imaginables pour se distancier de cette image. À ses côtés, son meilleur ami Michael prend volontiers les habits de sa sœur et il est visiblement amoureux de Billy. Ce dernier l’accepte très bien et ne rejette jamais ses avances, encore innocentes à cet âge-là. Dans ce domaine, la bonne idée de Stephen Daldry est de ne jamais donner de réponse claire. Son personnage principal rejette l’homosexualité parce que tout, dans sa famille et dans le contexte social où il a grandi, l’encourage à le faire. Mais est-il vraiment hétérosexuel pour autant ? On ne le saura jamais et c’est parfait ainsi.
Il aurait été facile de trop en faire et de tomber dans la noirceur sociale absolue, ou au contraire dans le feel good movie caricatural. Stephen Daldry parvient à suivre une ligne entre ces deux extrêmes et c’est ce qui explique la réussite de Billy Elliot. C’est un film simple et touchant, parce que ses personnages sont bien écrits et que l’intrigue bien menée. Près de vingt ans après sa sortie, il n’a pas perdu de son intérêt.