Borat, Larry Charles

Borat est l’un des personnages créés par Sacha Baron Cohen, humoriste britannique connu pour ses personnages… outranciers, pour s’en tenir à un euphémisme. Journaliste à la télévision kazakh, ce personnage a tout contre lui : antisémite, sexiste, homophobe, islamophobe et on en passe. D’abord imaginé sur scène, il est le héros de Borat1, un long-métrage signé Larry Charles qui a fait scandale a l’époque et qui a même créé un petit incident diplomatique avec le Kazakhstan. Il faut dire que le comique n’hésite jamais et ose tout avec des acteurs non professionnels. Le tournage de ce faux documentaire a sans aucun doute été infernal, avec plusieurs centaines d’heures de bobines pour un résultat concentré. Le résultat : une heure et demi de moments gênants qui s’enchaînent à un rythme effréné. Borat est un film gênant qui en fait toujours des tonnes, quitte à en faire parfois un petit peu trop — la séquence de l’hôtel —, c’est vrai et c’est totalement assumé. Le long-métrage existe pour déranger ses spectateurs et c’est avant tout le signe de sa réussite qu’il gêne à ce point. C’est aussi, et peut-être avant tout, une collection de moments extrêmement drôles et une belle démonstration des talents de son acteur principal.

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Le principe de base de Borat est très simple : Borat est envoyé par le Kazakhstan pour filmer les États-Unis et appendre ce que font de mieux les Américains que les habitants du pays. Le long-métrage prend donc la forme d’un faux documentaire qui commence dans le village natif du journaliste, avec une plongée dans un pays pauvre et misérable tout droit sorti de l’imagination fertile de Sacha Baron Cohen. Dès ces premières minutes où il présente sa sœur comme la quatrième meilleure prostituée du pays et où l’on découvre la chasse aux Juifs, un sport traditionnel où les habitants courent après des masques grotesques, on ne peut plus prendre au sérieux le projet. Ce qui a, sans vraie surprise, pourtant été le cas et il faut dire que Larry Charles filme sans aucune distance avec son sujet. C’est outrancier, mais c’est présenté avec le plus grand sérieux du monde, ce qui crée instantanément un fort sentiment de gêne. Borat ne laissera jamais ses spectateurs tranquilles, c’est sa plus grande force ou sa faiblesse, selon le point de vue. Quand une scène emprunte un humour plus conventionnel, le personnage principal la dynamite avec une blague en général sous la ceinture, souvent même scatologique. Lors d’un diner où le journaliste est censé apprendre les bonnes manières au sein de la haute société américaine, Borat revient des toilettes avec sa merde dans un sac : voilà le niveau général qu’il faut attendre. Ce n’est pas très fin, mais le message de Sacha Baron Cohen est beaucoup plus profond et intéressant qu’on pourrait le croire au premier abord. Ridicule et méchant, ce personnage excelle l’air de rien à faire ressortir le message tout autant raciste et rétrograde de tous ceux qu’ils croisent. Le discours de tous ces Américains est au mieux déplorable, mais plus souvent scandaleux de racisme et de bêtise haineuse. Ce Texan qui veut tuer tous les Musulmans, ces Pentecôtistes hystériques, ces étudiants souls et débiles… il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il ne s’agit pas d’acteurs : Borat a été tourné entièrement en disant aux intervenants qu’il s’agissait effectivement d’un documentaire kazakh et non que c’était un long-métrage de fiction. Apprendre cela fait froid dans le dos, tant les réactions des participants sont odieuses et semblent d’un autre temps, et pourtant : Larry Charles et Sacha Baron Cohen ont largement improvisé et ont joué avec les réponses spontanées de leurs intervenants… ce qui est encore plus gênant que les pires blagues imaginées par le comédien.

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Que Borat dérange, c’est indéniable, mais c’est exactement son but et on ne peut pas le critiquer pour cela. Bien au contraire, c’est bien la preuve que le long-métrage de Larry Charles est une réussite et la critique des États-Unis déployée ici est d’une violence rare. Sacha Baron Cohen va peut-être trop loin par moments, mais comment lui reprocher d’être tout ce que son personnage est ? Comment imaginer un seul instant que c’est du premier degré ? Le simple fait d’y penser montre bien que l’acteur a un talent fou pour incarner les personnages les plus dingues… et rien que pour ça, Borat mérite amplement d’être (re)vu.


  1. Ou plutôt, pour être tout à fait exact, Borat : Leçons culturelles sur l’Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan. Mais c’est un titre un petit peu trop long, alors nous nous contenterons de Borat si vous voulez bien.