Boy Erased, Joel Edgerton

Les thérapies de conversion qui promettent aux parents bigots de « convertir » leur enfant gay en une progéniture hétérosexuelle sont une horreur qui détruisent des milliers de jeunes de manière parfaitement légale dans le monde entier, et même en France. C’est bien aux États-Unis qu’elles sont apparues toutefois, poussées par une ferveur religieuse mal placée et par la mauvaise habitude de régler n’importe quel problème avec de l’argent. Boy Erased adapte les mémoire de Garrard Conley, l’un de ces adolescents qui a grandi dans un foyer ultra-religieux et qui a été contraint de suivre une thérapie de conversion lorsque son homosexualité a été révélée. Joel Edgerton propose une plongée effrayante dans cet enfer, un film coup de poing à ne pas rater.

Tous les prénoms ont été modifiés et le scénario, également écrit par Joel Edgerton, se permet quelques libertés par rapport au matériau d’origine, mais Boy Erased raconte une histoire vraie, ce qui le rend d’autant plus effrayant. Celle de Jared, 18 ans, un adolescent sans histoire qui tente de trouver satisfaction auprès de Chloë, sans y parvenir. Il faut dire qu’il préfère les hommes, ce sont eux qui le font fantasmer : il est homosexuel, ce qui est l’un des pires péchés aux yeux de son père, pasteur baptiste. Quand sa famille l’apprend, la solution est vite trouvée : on l’inscrit à un programme de conversion, où son retour sur la voie de l’hétérosexualité sera permise à condition qu’il veuille changer et qu’il y mette du sien. Le long-métrage montre bien comment tout s’enchaîne très rapidement, sans que le principal intéressé ait son mot à dire. Son père lui demande s’il est prêt à changer, non sans commencer par souligner qu’il ne saurait tolérer de vivre sous le même toit qu’un homosexuel. La rue ou la conversion… quel jeune de 18 ans qui a grandi dans ce milieu ultra-religieux refuserait la thérapie ? Même sans grandir dans un tel milieu, quasiment tous les homosexuels et l’auteur de ces lignes en premier peuvent en témoigner : c’est tellement plus simple d’être hétérosexuel, on passe tous par une phase où l’on préférerait l’être. C’est bien ça le pire que le film met en avant, ces jeunes volontaires pour changer, prêts à tout pour abandonner leur prétendu « choix » et revenir sur le droit chemin. Les voir essayer de toutes leurs forces, suivre les conseils idiots sur la posture virile à adopter quand on se tient droit (les mains sur les côtés pour que les bras forment un triangle, comme ça vous saurez) ou la façon masculine de serrer une main… c’est affligeant et triste, quand ça n’est pas révoltant. Joel Edgerton a forcé le trait par rapport aux mémoires, ou plutôt, il a pioché dans d’autres témoignages pour montrer que ces thérapies peuvent dépasser la violence psychique pour basculer dans la violence physique. Même si ce n’est pas le cas partout, ces thérapies restent des mensonges intolérables parce qu’ils détruisent des enfants parfaitement normaux et d’autant plus insupportables qu’ils sont souvent hypocrites. Le bandeau final qui souligne que le responsable du centre avait quitté ses fonctions pour vivre avec son compagnon en dit long…

Boy Erased est un film important pour sa dénonciation des thérapies de conversion. C’est aussi un long-métrage efficace, notamment grâce à la présence de Nicole Kidman, parfaite dans le rôle de la mère apeurée qui préfère se ranger du côté de l’avis de son mari jusqu’au moment où elle bascule. Russell Crowe dans le rôle du père est plus convenu, mais Lucas Hedges est impeccable dans le rôle principal. Joel Edgerton n’essaie pas de faire compliqué sur le plan cinématographique, il préfère le scénario faire le travail et c’est exactement ce qu’il fallait au film. À voir.