Broadchurch est une série policière qui se déroule dans une petite ville fictive au sud du Royaume-Uni. Pas très original, certes, mais portée par un excellent duo d’acteurs, la première saison a marqué les esprits par la justesse de ses personnages et de son intrigue. Chris Chibnall avait l’idée d’en faire une trilogie et face au succès, ITV a commandé deux autres saisons, avec un bilan plus mitigé. Olivia Colman et David Tennant restent excellents jusqu’au bout, avec un duo de flics devenu culte pour une bonne raison, mais on ne retrouve jamais la force de l’intrigue initiale. Ce n’est pas une raison pour autant de bouder Broadchurch : la série britannique mérite le détour, ne serait-ce que pour ses huit premiers épisodes.
Ellie Miller pensait rentrer de vacances pour prendre la tête de la division chargée des enquêtes du commissariat de Broadchurch, mais elle découvre qu’un homme a été nommé en son absence. Alec Hardy devient l’inspecteur principal à sa place et on ne peut pas dire que les relations sont au beau fixe entre les deux policiers, alors même que la petite bourgade côtière est frappée par une tragédie. Le corps sans vie de Danny Latimer est retrouvé sur la plage et on découvre vite que c’est un meurtre. Un fait inhabituel dans cette ville tranquille, un crime qui bouleverse le quotidien de toute la communauté. Dès le départ, Chris Chibnail frappe par son habilité à capturer l’ensemble de sa ville fictive tout en menant une enquête à bon train. C’est ce qui surprend le plus quand on découvre Broadchurch, l’équilibre parfait entre la résolution du meurtre et la découverte de l’identité du meurtrier, mais aussi la vie quotidienne bouleversée. Entre la responsable de l’hôtel du coin qui se désespère de l’impact de l’enquête sur son commerce, le vendeur de journaux qui est suspecté à tort de pédophilie, le journaliste local qui voit une opportunité pour faire décoller sa carrière, ou encore le prêtre de la commune qui est ravi de la fréquentation retrouvée ; tout le monde est touché à des degrés divers que le scénario prend le temps de détailler. Naturellement, l’impact le plus intense concerne les Latimer, la famille de Danny et notamment ses parents, qui étaient déjà sur une mauvaise pense et qui éclatent au vol avec cette tragédie. D’autres séries policières se sont concentrées sur les enquêtes sans trop de soucier de tout ce qui les entoure, mais ce n’est pas le cas ici. L’enquête est importante et l’identité du tueur reste un mystère parfaitement gardé jusqu’à la toute fin, mais elle partage la place avec un aspect social remarquablement amené.
L’autre clé du succès de Broadchurch est le duo Miller/Hardy. La première est une policière joviale et polie, du genre à ramener des cadeaux de ses vacances pour tout le monde dans le poste. Le deuxième est tout l’inverse, un flic épuisé par sa carrière, enragé d’avoir échoué sur sa dernière enquête, constamment énervé et hautement désagréable. C’est une antithèse parfaite, un classique pour un duo de flics, mais Chris Chibnall n’en reste pas à cette caricature facile. Tout au long de la série, il fait évoluer ses deux personnages vers une voie médiane : les circonstances de la vie et du métier poussent l’une à se durcir et l’autre à s’assagir, si bien qu’ils gagnent en complexité psychologique. Sans perdre en force de caractère et ce duo reste un point fort d’un bout à l’autre : il faut saluer d’ailleurs le travail des deux acteurs, Olivia Colman et David Tennant, ils sont tous deux excellents et justes. Malheureusement, cela ne suffit pas à maintenir l’équilibre parfait de la première saison, la faute à des intrigues policières moins convaincantes. À la fin des huit premiers épisodes, on connaît le nom du meurtrier de Danny, si bien que cet arc narratif se referme. Que faire alors ? La deuxième saison imagine le procès du meurtrier et Broadchurch se transforme en partie en bataille de juristes. Une idée intéressante, mais comme cela ne suffit pas, le scénario fait ressurgir l’ancienne enquête qui hante l’inspecteur Hardy, et c’est une alliance maladroite. C’est encore plus étrange dans la troisième, avec une toute nouvelle enquête, cette fois sur un viol, et un tout nouveau casting, mais qui essaie de garder une place pour les Latimer. Cela ne fonctionne pas, et on a du mal à comprendre le lien entre viol et pornographie qui semble grossièrement mis en avant dans cette saison. Rétrospectivement, on se demande d’ailleurs s’il était nécessaire d’accorder une place si importante à la religion et au prêtre du village. Elle se comprenait dans la première saison, mais le créateur de la série aurait pu s’en passer dans la suite.
Après une saison aussi réussie, Broadchurch n’avait peut-être pas d’autre choix que de décevoir. Même si les deux acteurs principaux restent suffisamment bons pour que l’on ait envie de suivre, il faut bien reconnaître que ce n’est pas aussi bon. Dommage, mais d’un autre côté, cela peut aussi permettre de se concentrer sur les huit épisodes initiaux. L’histoire se suffit à elle-même et on garde le meilleur de l’univers imaginé par Chris Chibnall.