Call Me by Your Name, Luca Guadagnino

L’initiation sexuelle d’un jeune adolescent de 17 ans par un homme de 24 ans, le temps d’un été dans la maison familiale en Italie au début des années 1980. Le sujet de Call Me by Your Name peut sembler plein de clichés, mais vous auriez tort de ne pas le considérer pour autant. Luca Guadagnino adapte un roman d’André Aciman et il en fait une œuvre universelle sur la découverte de soi et de sa sexualité. Porté par une tension sexuelle parfaitement maîtrisée, le long-métrage est aussi un hommage à la nostalgie d’une époque insouciante et pleine de bonheur. Loin des clichés justement, Call Me by Your Name est avant tout une très belle histoire d’amour, tout simplement. Beau, touchant et plaisant : à ne pas rater.

Comme tous les ans, Elio passe son été avec ses parents dans leur maison secondaire au nord de l’Italie. Le père de l’adolescent est un célèbre archéologue qui reçoit chaque année un étudiant chez lui pour faire avancer ses recherches. Cette année-là, c’est Oliver qui débarque, un grand américain de 24 ans plein d’assurance, un petit peu orgueilleux aussi. Elio doit lui céder sa chambre et on sent dès la première rencontre qu’il est attiré par ce garçon nettement plus âgé que lui, plus mûr aussi, mais qui ne semble pas du tout attiré par lui. D’ailleurs, Oliver ne perd pas de temps pour séduire l’une des filles du coin et dans un premier temps, sa relation avec Elio est plus conflictuelle qu’autre chose. Pour autant, le jeune garçon a du mal à se détacher de son ainé, il essaie de jeter un œil dans la salle de bain dès qu’il le peut, il sent l’odeur de ses vêtements et bientôt, il rêve d’aller plus loin. Luca Guadagnino gère très bien toute cette montée du désir chez son personnage principal, son excitation est palpable et Thimothée Chalamet joue précisément comme il faut pour suggérer les émois de son personnage. Face à lui, Armie Hammer est l’Américain parfait, un beau-grosse qui a conscience d’attirer les regards et qui en joue. On sent aussi que le fils de la famille qui l’héberge l’intéresse aussi d’une certaine manière, mais il reste en retrait pendant toute la première partie, de peur sans doute de faire un premier pas mal interprété. En attendant, les deux garçons vont voir ailleurs, chacun avec une fille différente. C’est l’été, il fait très chaud, les baignades s’imposent régulièrement et Elio se rapproche de plus en plus de Maria, jusqu’à finalement coucher avec elle pour la première fois. C’est une sexualité encore confuse qui se déploie ainsi, mais tout bascule lors d’une séquence en ville, où Elio prend son courage à deux mains et avoue, sans le dire vraiment, son attirance pour Oliver. Tout est dit de façon détournée et l’étudiant hésite encore, il repousse dans un premier temps le jeune adolescent, avant de céder face à ses avances.

Call Me by Your Name se concentre alors sur cet amour estival qui a une date d’expiration. Quoi qu’il arrive, Elio restera avec ses parents à la fin des vacances et il rentrera dans son quotidien, loin de l’Italie. Et Oliver doit repartir encore plus tôt pour les États-Unis et sa thèse qu’il doit terminer. C’est le principe des amours estivales, mais il n’empêche qu’avant de partir, la passion est au rendez-vous. De la même manière qu’il avait parfaitement rendu la sensualité et la monté des désirs au début, Luca Guadagnino parvient également à filmer la passion charnelle avec une grande efficacité. Par rapport au roman et au scénario, les scènes de nudité ont été réduites, il n’y a pas de nu frontal et jamais rien d’explicite à l’écran. C’est dommage en un sens, mais il reste de quoi faire pour évoquer le désir sexuel. Les deux acteurs, pourtant hétérosexuels tous deux, affichent une relation totalement naturelle qui s’impose comme une évidence, comme s’ils n‘incarnaient pas des personnages de fiction. C’est très beau à voir et cela fait plaisir de voir une relation homosexuelle sincère et juste comme celle-ci. Et puis il y a cette scène mythique du roman, où Elio se masturbe dans une pêche extrêmement mure avant d’être rejoint par son amant. On imagine que le tournage n’a pas été évident, mais le jeu en valait la chandelle. L’érotisme de cette séquence est puissant et la scène montre bien le désir effervescent du jeune homme. Elle était à cet égard très importante, même si elle a été un petit peu édulcorée par rapport au roman. L’autre séquence d’anthologie tout aussi importante, c’est vers la fin qu’on la retrouve, quand Oliver est reparti et qu’Elio essaie tant bien que mal de cacher sa tristesse. Lorsqu’il se retrouve seul avec son père, Call Me by Your Name se transforme alors en un vibrant monologue en faveur de la tolérance et de la beauté de l’amour qu’il a connu avec Oliver. Michael Stuhlbarg semble habité par le rôle, il est dans le bon ton et vraiment impeccable sur cette scène magnifique et touchante.

Luca Guadagnino donne vie à une bulle de nostalgie avec cette Italie estivale du début des années 1980 où tout semble possible et où les problèmes ne semblent pas exister. Dans ce cadre idyllique et qui sonne forcément un petit peu faux, Call Me by Your Name déploie une histoire d’amour au contraire follement réaliste et crédible. Cette réussite est liée au matériau original et son adaptation, sans aucun doute, mais aussi au talent des deux acteurs, ainsi qu’à la mise en scène qui exploite pleinement la tension sexuelle naissante. On pourrait aussi ajouter la bande-originale, discrète, mais puissante, surtout quand la sublime musique de Sufjan Stevens se fait entendre. L’histoire n’est pas très originale à la base, c’est vrai, mais cela n’a aucune importance et le long-métrage de Luca Guadagnino est un vrai plaisir à regarder.