Captain America : Civil War, Anthony et Joe Russo

Treizième volet de la grande saga des Avengers, troisième épisode dans la sous-saga de Captain America, Captain America : Civil War ouvre aussi la troisième phase de l’univers Marvel. Cette partie se terminera autour de 2019, après quelques épisodes consacrés aux personnages individuels et un grand final en deux parties. Vous suivez toujours ? Bon, il faut bien le dire, même en suivant la situation d’assez près, on s’y perd un peu dans cette énorme entreprise menée par Disney depuis Iron Man, sorti en 2008. Et disons-le franchement, si vous n’avez rien suivi jusque-là, n’allez pas voir ce long-métrage : les frères Russo ne s’embarrassent pas avec un quelconque résumé et ils nous embarquent pendant deux heures et demi avec une nouvelle histoire qui suit directement les évènements présentés dans Avengers : L’Ère d’Ultron. Et suivant une tendance lourde dans la saga, Captain America : Civil War aborde un angle plus sombre des superhéros, cette fois avec une dissension interne aux Vengeurs et la séparation du groupe en deux camps qui s’opposent violemment. Une bonne manière d’explorer de nouvelles pistes et de ne pas tomber dans la redite, même si en rassemblant autant de héros dans une même intrigue, Anthony et Joe Russo frôlent l’indigestion bien connue des deux Avengers. Heureusement qu’ils n’ont pas oublié l’humour et le divertissement reste au rendez-vous : on passe un bon moment, mais on se demande bien comment Marvel compte tenir encore pendant plus de dix ans…1

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Captain America : Civil War commence sur des chapeaux de roues, mais le long-métrage ne commence pas très bien. On retrouve en effet une poignée de Vengeurs autour de Captain America en mission quelque part en Afrique, et on a immédiatement le sentiment d’avoir déjà vu cette scène dix fois. Une impression confirmée par la suite, quand les deux réalisateurs envoient une longue séquence de combat pas franchement inspirée, et surtout très brouillonne. La caméra bouge énormément, on ne voit pas grand-chose et on comprend encore moins, tandis que la bande de héros agit de façon coordonnée… bref, on s’ennuie gentiment. Fort heureusement pour le film, ce mauvais départ est rattrapé par la suite, quand l’intrigue principale se met en place et c’est, il faut le reconnaître, un des points forts de ce long-métrage. L’intrigue n’est pas linéaire et prévisible, comme elle pouvait l’être dans Avengers : L’Ère d’Ultron, elle se déploie au contraire progressivement, avec quelques surprises au passage. Ces rebondissements ne sont pas toujours maîtrisés, certes, mais on reste au moins tenu en haleine jusqu’au bout, ce qui est important pour un blockbuster aussi énorme et aussi long. L’intrigue principale, donc, s’installe autour d’une idée déjà croisée dans la saga et dans d’autres adaptations cinématographiques de comics : les superhéros sont censés protéger les citoyens lambda, mais ils font aussi beaucoup de mal. À quel moment le bien qu’ils procurent est dépassé par le mal qu’ils génèrent ? C’est pour mieux les contrôler que l’ONU décide de les mettre sous tutelle et tout le monde n’est pas d’accord au sein du groupe. D’un côté, Iron Man et quelques autres estiment qu’ils font trop de mal quand ils sont laissés à eux-mêmes et ils signent l’accord. De l’autre, menés par Captain America, quelques héros refusent de perdre leur liberté et jugent qu’ils sont mieux à même de défendre l’humanité sans restrictions.

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L’opposition est inévitable et les scènes de batailles rangées entre les deux camps, promises par tout le discours marketing qui entoure le film, sont bien là. Elles sont d’ailleurs souvent spectaculaires et à la hauteur des évènements : la séquence dans l’aéroport est une bagarre où les aptitudes de chaque superhéros sont bien utilisées — mention spéciale à Ant-Man —, mais on retiendra surtout la lutte quasiment à mort entre Captain America et Iron Man. Cette scène est très forte et il faut reconnaître aux deux frères Russo qu’ils ont bien réussi à rendre le côté absolu de ce combat, à tel point que l’on craindrait presque pour la vie de l’un des deux personnages. Tout ceci est aussi impressionnant qu’escompté, mais Captain America : Civil War surprend plus pour tout le reste. Sans parler de film politique, on peut noter que les négociations entre les héros prennent beaucoup de places et qu’on ne se contente pas d’un étalement de pouvoirs. La question de la place du superhéros dans la société est au cœur des enjeux, et elle n’est pas écartée d’un revers de la main par le scénario, elle est traitée. Certes, il ne faut pas s’attendre à des argumentaires complexes et il faut bien enchaîner les morceaux de bravoure qui sont la marque de fabrique de ce genre de long-métrages, mais le traitement aurait pu être bien plus mauvais. Et puis l’humour qui réussit si bien à la saga n’est pas oublié, avec notamment une excellente utilisation d’un nouveau venu : Captain America : Civil War signe aussi l’énième retour au cinéma et l’énième reboot de Spider-Man. Le personnage aura droit à son film complet l’année prochaine, mais en attendant, le retour est parfaitement traité par Anthony et Joe Russo et c’est plutôt prometteur. Malheureusement, ce nouveau superhéros est aussi le rappel que Marvel tire peut-être un petit peu trop le bouchon en matière de rassemblement de héros. Captain America n’est qu’un personnage secondaire dans cet énorme rassemblement et le spectateur doit en plus composer avec des nouvelles têtes. Outre l’homme araignée, on découvre ainsi la Panthère Noire, et on arrive à un total de héros absolument ahurissant. Les auteurs parviennent à s’en sortir, mais à trop diluer ainsi ses héros, la saga prend le risque de perdre ses spectateurs.

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La saga des Avengers était déjà d’une ambition folle, mais on prend conscience avec ce nouvel épisode que l’on n’avait encore rien vu. Captain America : Civil War ouvre une troisième phase qui promet d’être encore plus dingue… ce qui est à la fois très impressionnant et excitant, mais aussi assez inquiétant. Les studios Marvel ont-ils vraiment les moyens de leur ambition ? L’avenir le dira, mais même si Anthony et Joe Russo s’en sortent plutôt bien avec leur long-métrage, il n’est pas sans défauts. Certains sont liés à la surenchère de superhéros, d’autres plus profonds : ces superhéros n’ont pas de psychologie crédible, ce qui est gênant quand on sort des scènes de combat2. Ne boudons pas notre plaisir néanmoins : spectaculaire et mené tambour battant, Captain America : Civil War reste un divertissement de qualité, à voir sur (très) grand écran.


  1. On sait en effet que la troisième phase de la saga s’étirera jusqu’en 2019, mais on sait aussi que ce ne sera pas la fin de la saga. L’univers continuera encore sur une quatrième phase, programmée pour durer plusieurs années, peut-être même jusqu’en 2028. Autant dire que l’on n’a pas fini de voir les superhéros Marvel sur le grand écran. 
  2. Ici, on ne croit pas du tout à la blessure psychologique de Tony Stark, qui n’aurait jamais récupéré de la mort de ses parents : il aurait fallu évoquer ce thème dès le tout premier film consacré à son personnage. On ne croit pas non plus à l’affection soudaine et apparemment sans borne de Steve Rogers à Bucky, si bien que le combat final arrive un petit peu comme un cheveu sur la soupe.