Adaptée du roman éponyme de Paul Dubois, Le Cas Sneijder est une pièce sur le deuil d’un homme qui a survécu à un accident d’ascenseur et qui y a perdu sa fille. L’intrigue se déroule quelques mois après, alors que Paul Sneijder ne reprend pas goût à la vie et se plonge dans la littérature technique pour tenter de comprendre comment son accident a pu avoir lieu. Didier Bezace a extrait du roman quelques scènes du quotidien, des discussions avec la femme de Paul qui ne veut plus patienter, avec l’avocat des ascensoristes qui attend une réponse de sa part, ou avec le patron d’une entreprise de garde de chien avec laquelle il finit par travailler. Le Cas Sneijder est teinté d’humour noir et le spectacle mérite le détour pour la prestation phénoménale de Pierre Arditi dans le rôle principal, mais la pièce souffre du jeu de la plupart des autres acteurs et surtout d’une intrigue plus intéressante sur le papier qu’en réalité.
Ce qui frappe d’abord, c’est la mise en scène imaginée par Didier Bezace. Depuis son terrible accident qui a tué trois personnes et l’a laissé dans le coma pendant plusieurs mois, Paul Sneijder a une phobie assez naturelle des ascenseurs. L’idée de construire la scène autour d’une pièce unique, que l’on imagine être son bureau, et surtout d’une porte qui s’ouvre et se referme comme un ascenseur est brillante. Derrière les deux portes coulissantes, il y a au gré des scènes une salle de bain, un couloir, un cabinet d’avocats, une rue ou un véritable ascenseur. À chaque fois que les portes se referment, on ne sait pas ce qui nous attend, un élément de surprise assez bien vu. Le cas Sneijder bénéficie aussi visuellement de cette idée, c’est une mise en scène sobre et simple, mais elle est souvent très belle, surtout combinée à de la fumée. Il faut dire que si le décor derrière les portes marque les différents lieux dans la vie de Paul, il peut aussi servir à évoquer ses rêveries et de voir l’acteur se perdre dans le brouillard est touchant. La musique que l’on entend souvent entre deux scènes, quelques notes de piano qui évoquent Didier Squiban, est un excellent accompagnement et l’ambiance apaisante de cette pièce est très agréable.
Didier Bezace multiplie toutefois les genres et introduit notamment une bonne dose d’humour noir, que ce soit dans les interactions entre Paul et sa femme, ou alors quand le personnage décide d’accepter un travail de promeneur de chien. On rit parfois, on sourit plus souvent et Le cas Sneijder n’est pas une comédie, plutôt un drame teinté parfois de moments plus légers. L’essentiel reste le traitement du deuil, ce processus qui oblige à continuer de vivre quand on a perdu quelqu’un. C’est d’autant plus difficile quand ce quelqu’un est sa propre fille et Pierre Arditi est parfait pour incarner cet homme brisé par la tragédie, incapable de sortir le nez de ses revues spécialisées sur les ascenseurs. L’acteur est à peine reconnaissable, il est physiquement au bout du rouleau sur scène et son jeu est frappant de naturel. C’est simple, il est toujours très précisément sur le bon rythme et le ton juste et certaines de ses apparitions sont très touchantes, parfois uniquement quand il échange avec Charlie, le chien qu’il doit promener. Malheureusement, les acteurs qui l’entourent ne sont pas tous aussi bons et même tous assez mauvais, à l’exception de Thierry Gibault qui incarne le patron des promeneurs de chien et qui est très drôle. Pour le reste, les interprétations manquent cruellement de vie et de réalisme, les deux actrices notamment ne sont pas dans le ton et elles sonnent faux. Ce n’est pas que de leur faute toutefois, les dialogues veulent faire réfléchir, mais ils sont parfois moins intéressants dans les faits que leur ambition le laissait croire. Toutes les réflexions sur la place des ascenseurs sonne un peu creux et cela n’aide pas la pièce.
Au total, Le cas Sneijder est à la fois une réussite brillante pour son personnage principal et une déception pour ses autres acteurs. La mise en scène de Didier Bezace est bien trouvée et vraiment belle et Pierre Arditi est parfaitement à l’aise dans le rôle de Paul Sneijder, mais l’émotion est souvent perturbée par un jeu trop peu réaliste ou des dialogues un peu bêtes. Dommage, même si on peut se déplacer uniquement pour voir l’acteur principal.
La pièce sera présentée au Théâtre Sénart à partir du 7 juin.