La casa de papel, Álex Pina (Antena 3)

Les braquages fascinent les scénaristes et c’est un sujet de prédilection du cinéma… mais aussi de la télévision. La preuve avec La casa de papel, série espagnole qui se consacre entièrement à un braquage, mais quel braquage ! Dans sa version originale diffusée sur la chaîne Antena 3, les quinze épisodes sont dédiés uniquement à un coup de maître organisé par une bande de braqueurs qui viennent attaquer la fabrique nationale de la monnaie et du timbre de Madrid. On a déjà vu des centaines de braquages à l’écran, mais celui imaginé par Álex Pina est assez malin et plutôt bien trouvé. Cette bonne idée pourrait donner lieu à un huis-clos intense dans les murs de l’institution, mais La casa de papel déçoit en choisissant une voie plus sage et surtout en diluant chaque épisode bien plus que nécessaire. La première partie diffusée par Netflix commence très bien, mais se termine dans l’indifférence générale, si bien que l’on n’est même pas sûr de vouloir découvrir la conclusion prévue dans quelques mois.

La casa de papel prend à peine le temps de présenter ses personnages principaux, que le pilote se consacre déjà au braquage en lui-même. Ce n’est pas l’idée la plus originale qui soit, mais elle parvient malgré tout à créer un effet de surprise en commençant par ce que l’on pensait être la fin. De fait, Álex Pina n’essaie pas vraiment de raconter les préparatifs des gangsters, il s’intéresse avant tout à ce qui se passe après, à partir du moment où le vol commence. C’est une excellente idée, d’autant que le principe est plus complexe qu’on ne pourrait le croire. Pendant un moment, on pense à Inside Man : l’Homme de l’intérieur, mais ce n’est pas la même solution qui est utilisée ici, même si elle s’en rapproche. Sans trop en dévoiler, disons simplement que le vol est nettement plus sophistiqué que de prendre les billets présents sous la main et de partir avec. Le « Professeur » qui orchestre toutes les opérations a consacré plusieurs années de sa vie à tout préparer et il a un plan complexe en multiples étapes. D’où, sur le papier, cette excellente idée de consacrer la série entière à cet unique vol et de le détailler abondamment, mais les scénaristes sont sans doute allés trop loin. Le pilote est excellent, il avance à un très bon rythme, pose tous les personnages rapidement et une excellente ambiance qui donne envie d’en savoir davantage. Le souci, c’est que La casa de papel ne parvient pas à garder ce bon rythme et l’intrigue ralentit brutalement dans les épisodes qui suivent. Résultat, il ne se déroule qu’une poignée de jours sur les treize premiers épisodes, et on finit vraiment par trouver le temps long. Artificiellement long.

Il y a plusieurs problèmes à relever dans cette première partie, mais le principal est sans doute qu’elle dure en gros deux fois trop longtemps. Réduite et concentrée sur les personnes à l’intérieur de la fabrique de monnaie, dépouillée de ses multiples flashbacks qui n’apportent au fond pas grand-chose et qui pourraient en tout cas être amenés différemment, la série aurait gagné en force et elle aurait évité de lasser. À défaut, on piétine dans plusieurs épisodes, et ce n’est même pas vraiment pour créer des personnages riches, l’un des points faibles de La casa de papel concernant précisément ce point. Il y a des personnages intrigants, d’autant que l’on ne sait rien de leur passé au départ, mais Álex Pina a du mal à leur offrir toute la psychologie nécessaire. L’exemple de Tokyo est intéressant : elle est au cœur du braquage, c’est elle la narratrice et c’est aussi à cause d’elle que tout dérape au départ. C’est donc un personnage clé et pourtant, on ne sait rien d’elle au fond, elle reste assez transparente et on ne la connaît pas suffisamment pour s’intéresser à elle. Au chapitre des personnages, on regrette aussi l’évolution du professeur, qui perd vite son aura de mystère et qui se rapproche beaucoup trop de la policière en charge de l’affaire pour que cela reste crédible. La crédibilité est d’ailleurs un point qui fâche : les assaillants sont censés rester une dizaine de jours à l’intérieur du bâtiment, mais les choses se passent si mal que l’on a vite du mal à y croire. On revient encore une fois à la durée de l’ensemble : il aurait été sans doute préférable de réduire la longueur de la série, et de se concentrer sur l’intérieur plutôt que de multiplier les intrigues secondaires pas toujours réussies.

Peut-être que la suite et fin de la série créée par Álex Pina redressera la barre et fera oublier ces défauts, mais La casa de papel déçoit à l’issue de cette première partie. Déception, parce qu’il y avait matière à proposer une excellente histoire de braquage, en accordant davantage de place et de temps à la psychologie des braqueurs et à leurs relations avec les otages. C’était largement suffisant et plus original et intéressant qu’une enquête policière et surtout que les relations entre le cerveau et la policière. Le pilote passionne, mais la suite érode petit à petit cet intérêt initial et on termine en se demandant sérieusement si la suite mérite d’être vue. Dommage, La casa de papel commençait pourtant si bien…


La casa de papel, partie 2

(13 juin 2018)

Pour être franc, la première partie de La casa de papel avait été une telle déception que l’on ne pensait pas regarder la suite et fin, décalée de quelques mois. Et puis, cette deuxième partie étant plus courte, on s’est dit qu’on allait voir comment ce braquage allait se terminer. Neuf épisodes plus tard, on sait. Et même si la fin ne déçoit pas, avec un dernier épisode globalement réussi, on a toujours ce sentiment que la série est totalement passée à côté de son potentiel à cause de la longueur. Telle qu’elle est diffusée par Netflix, La casa de papel tient sur vint-deux épisodes, et il y en a au minimum deux fois trop, peut-être même trois fois trop. Condensée sur une durée nettement plus courte et concentrée sur un huis clos et moins d’intrigues secondaires, notamment amoureuses, la création d’Álex Pina aurait pu être vraiment bien. À la place, c’est un divertissement souvent agaçant, plaisant par endroits. Dommage.

Cette deuxième partie est plus courte que la précédente et cela se sent, fort heureusement. Même si ces neuf épisodes sont encore une fois trop lents et patinent souvent dans des intrigues romantiques sans intérêt, La casa de papel parvient à maintenir l’intérêt jusqu’au bout. Il faut dire que les braqueurs sont enfermés dans la fabrique nationale de la monnaie depuis trois, quatre et bientôt cinq jours, et que les tensions atteignent de sommets. À tel point qu’il y a des prises de pouvoir, des putschs entre braqueurs qui ne se terminent pas bien. Les premières victimes commencent à tomber, les otages s’impatientent, bref, cela bouillonne dans le bâtiment. Et tout ce qui passe à l’intérieur des murs est dans l’ensemble réussi, la mention est palpable et même si les intrigues amoureuses occupent parfois beaucoup trop de place, la trame générale reste captivante. Le scénario avance pour le coup de manière crédible, avec des tensions croissantes entre braqueurs, d’abord contenues et vite ouvertes quand la situation dérape. Le souci, à nouveau, c’est que la série ne reste pas concentrée sur le braquage à proprement parler. La première partie s’arrêtait justement quand le Professeur, le cerveau derrière l’opération, emmenait l’inspectrice en charge de démêler le braquage dans la maison où tout a été planifié. La mise en scène nous faisait alors croire qu’il allait être démasqué, mais c’était une ruse un petit peu facile, comme La casa de papel en exploite hélas trop souvent. Il s’avère qu’il avait tout prévu et que la maison a été mise en scène pour que la police perde son temps, mais ensuite tout ne se passe pas comme prévu, il doit improviser, et tombe encore plus amoureux. Ce n’est pas la première fois qu’Álex Pina essaie de nous faire croire que tout va mal et sauve la situation in extremis, et cela devient vite lassant. Dans ce final, le rôle de l’inspectrice est particulièrement raté, avec une évolution psychologique assez grossière et peu crédible. Mais en même temps, il n’y a plus grand-chose de vraiment crédible quand se termine le braquage, alors à partir de ce moment-là…

La casa de papel est un succès planétaire qui a relancé le célèbre1 « Bella Ciao » et on peut comprendre pourquoi la série a plu. Les braquages sont toujours populaires et celui-ci est gonflé et original. Tant mieux pour les créateurs de la série, il n’en reste pas moins que la même histoire aurait pu être bien plus forte et intéressante si elle n’avait pas été autant diluée. Succès oblige, Netflix a renouvelé La casa de papel pour une troisième saison. Autant dire que l’espoir que la série ne soit pas à nouveau diluée à l’excès est très faible…


La casa de papel, partie 3

(22 juillet 2019)

Les deux premières saisons parties de La casa de papel étaient bien trop longues, avec 22 épisodes pour un seul casse. Certes, un casse spectaculaire et bien pensé, mais quand même, on avait constamment l’impression d’avancer au ralenti, avec beaucoup trop d’intrigues secondaires plutôt que de se concentrer sur le cœur du sujet et les personnages. Le succès a été tel que Netflix, qui se contentait de distribuer la série jusque-là, a prolongé la création d’Álex Pina avec deux nouvelles parties. On prend les mêmes et on recommence : sur le papier, La casa de papel se contente de reproduire la formule, avec les mêmes personnages qui attaquent cette fois la Banque nationale espagnole à Madrid. Le tout sur deux saisons… la recette parfaite d’une déception ? En théorie, mais cette troisième partie est divertissante et meilleure qu’escompté, probablement parce qu’elle est aussi plus courte.

À la fin de la partie 2, les ravisseurs qui ont survécu ont réussi à fuir, avec plusieurs millions et la promesse d’une vie parfaite. Sauf qu’ils sont aussi en fuite, recherchés dans le monde entier par l’Espagne et même Interpol, et ils doivent vivre immensément riches, mais surtout cachés. Tokyo est avec Rio sur une île déserte paradisiaque et tout irait pour le mieux en théorie, sauf qu’elle a besoin de voir du monde et de bouger. La tentation de quitter l’île devient trop grande, elle cède un jour et le duo se fait repérer. Elle parvient à s’enfuir, pas Rio qui est emprisonné et torturé pour qu’il révèle les positions des autres braqueurs. La casa del papel construit à partir de ce point de départ une intrigue assez folle où, pour libérer Rio, tout le monde reprend du service pour un braquage de l’or espagnol. Comme dans la partie 1, le braquage se fait rapidement et c’est la partie d’échecs qui suit qui occupe l’essentiel des épisodes. Cette saison est plus serrée avec huit épisodes seulement et cela lui fait du bien. Même si le scénario n’évite pas quelques plans secondaires inutiles, on ne s’ennuie pas et le rythme est bien maintenu du début à la fin. La série de Álex Pina n’est jamais très fine, sa bande-originale est même lourdingue au possible, et elle n’évite pas quelques clichés faciles. Reste qu’elle est aussi divertissante, suffisamment renouvelée par rapport à la précédente et on est même curieux de voir comment ce deuxième braquage se terminera.

La casa del papel n’est pas une grande série, mais un divertissement bien mené et plaisant. En réduisant la durée de chaque partie, Netflix limite le plus gros défauts des deux premières saisons et évite de laisser de la place à l’ennui. Dommage que la musique soit aussi omniprésente et banale, mais on peut saluer le travail d’écriture des personnages qui leur permet de gagner en réalisme. Dans l’ensemble, un bilan plutôt positif donc…


La casa de papel, partie 4

(7 avril 2020)

On pensait que Netflix avait réussi à canaliser Álex Pina en réduisant la durée de chaque saison, pardon, chaque partie, mais cette suite prouve que ce n’était qu’un leurre. La casa de papel relançait un nouveau casse dans la saison précédente, on pensait trouver sa conclusion dans celle-ci, mais le succès a probablement incité les producteurs à faire durer le plaisir. Grave erreur : il ne se passe à nouveau pas grand-chose dans ces huit épisodes qui pourraient être réduits à quatre, voire deux, sans rien perdre. Alors que le casse n’avance pas, on se perd dans les méandres de flashbacks et de scènes romantiques, le tout sur une musique assourdissante et avec un irrespect total pour la moindre once de crédibilité. Bref, on s’ennuie de bout en bout et La casa de papel s’essouffle sérieusement.

Sur le modèle des deux premières parties, l’attaque contre l’or espagnol s’était interrompu sur un coup de théâtre monstrueux. Lisbonne a été capturée par les policiers et le Professeur était à deux doigts de se faire prendre lui aussi, menaçant tout le plan. La casa de papel construit la suite du casse à partir de ce point de départ compliqué, mais si on résume les éléments qui font vraiment avancer l’intrigue dans la partie 4, cela va aller bien vite. À part l’attaque surprise du chef de la sécurité de la Banque d’Espagne qui parvient à se libérer et qui menace les personnages principaux, et à part les derniers épisodes où l’action se précipite brutalement et de toute part, il ne se passe quasiment rien. Pour remplir ses huit épisodes, Álex Pina se contente de reproduire toujours les mêmes schémas : on a au moins un ou deux flashbacks, en général qui permettent d’accorder de la place aux personnages morts dans les épisodes précédents, et au moins une ou deux séquences romantiques. Ce schéma se répète d’épisode en épisode, et il devient tellement lassant que l’on se surprend à passer les scènes en avance rapide. Le montage étant particulièrement simpliste, c’est heureusement assez simple de mettre en place cette « lecture en diagonale » de la série et le temps passe ainsi un petit peu plus vite.

Pas assez toutefois pour ignorer le manque de crédibilité absolu et permanent dans cette saison. Certes, cela n’a jamais été un point fort de la série, qui part dans tous les sens au mépris de tout réalisme depuis ses débuts. Mais là, les scénaristes ont explosé leurs propres records avec plusieurs scènes effarantes de débilité. Dans la séquence la plus ridicule de cette quatrième partie, tout le monde tire au fusil mitrailleur dans un seul couloir et… personne n’est blessé. Et de manière plus fondamentale, pourquoi attendre la fin de cette partie pour lancer certaines manœuvres qui auraient pu aider les personnages bien avant ? On ne demande pas à La casa de papel d’être un documentaire, mais ce manque constant de tout réalisme est perturbant pour suivre l’histoire. Entre ça et les multiples détours pour gagner du temps, on finit vite par se demander ce que l’on fait encore à regarder cette série…


  1. Célèbre… et qui reste en tête pendant des heures après l’avoir écouté, ne serait-ce que pour une poignée de secondes. C’est impressionnant et effrayant à la fois.