Le Cercle des poètes disparus, Peter Weir

Succès important à sa sortie, Le Cercle des poètes disparus est devenu instantanément culte pour toute une génération. Dans cette école rigide dans la société américaine très conservatrice des années 1950, un professeur de lettres un petit peu excentriques parvient à réveiller ses élèves et les sortir du conformisme ambiant imposé par leurs parents et les autres professeurs. Même si aucun spectateur n’a connu une telle situation, Peter Weir parvient à toucher à l’universel et à faire résonner son message de liberté pour tous ceux qui voient son film. Il faut dire qu’il peut compter sur le talent immense de Robin Williams pour y parvenir et l’acteur a trouvé ici l’un de ses plus grands rôles. Les années passent, mais Le Cercle des poètes disparus reste toujours aussi intense : un classique.

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L’école Welton où se déploie Le Cercle des poètes disparus n’a jamais existé, mais le scénariste, Tom Schulman, s’est inspiré de sa propre expérience dans un établissement similaire. Toute l’idée de base du film, ce professeur anti-conformiste qui change la vie de quelques élèves, est elle aussi inspirée de son vécu, ce que l’on ressent très bien à l’écran. Même si le contexte a changé, on pourra tout associer monsieur Keating à l’un de nos professeurs, quelqu’un qui se distinguait de tous ses collègues par un discours ou une méthode peu orthodoxe, mais qui nous parlait davantage. Ici, la différence entre les cours d’anglais et le reste est immense, mais il faut dire que Peter Weir reconstitue les États-Unis de la fin des années 1950, au cœur d’une école préparatoire pour les grandes universités. Soit une époque déjà conservatrice, dans un cadre social d’excellence encore plus conservateur. Avant d’introduire l’enseignant, Le Cercle des poètes disparus prend le temps de présenter les différents élèves que l’on suivra et en particulier Neil, que l’on peut considérer comme un personnage principal, autant que Keating. Tous ces jeunes de 17 ans en pleine adolescence doivent composer avec la pression immense imposée par leurs familles : leur réussite à Welton n’est pas une option, c’est la base, le point de départ d’une vie qui est toute tracée. Après cette école préparatoire, ils doivent aller dans l’une des universités de l’Ivy League, puis devenir docteur, avocat ou PDG. Leur avenir est tout tracé, mais personne n’a pensé à demander ce qu’ils voulaient faire, eux. Et à cet âge où on commence à se poser sérieusement la question, les enseignements du professeur Keating en faveur d’une vie pleine et heureuse — le fameux Carpe Diem —, viennent tout bouleverser.

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Quasiment toutes les scènes de classe sont devenues cultes, et la première arrivée de Robin Williams ne fait pas exception. Son personnage entre dans la salle et immédiatement, le brouhaha s’interrompt et tous les élèves attendent de lui un ordre, une direction au moins. À la place, John Keaton marche entre les bureaux en sifflotant l’Ouverture 1812 et célèbre par avance sa victoire contre l’oppression de la société, comme Tchaïkovski célébrait à l’époque la victoire russe contre la France de Napoléon. Sans même faire le rapprochement, c’est la bizarrerie de la démarche qui tranche avec tous les professeurs présentés brièvement par Le Cercle des poètes disparus auparavant. On sent instantanément que ce cours sera radicalement différent, ce que confirme rapidement la suite. Peter Weir ne s’attarde pas sur chaque leçon, mais enchaîne ensuite les passages en classe pour montrer en quoi la méthode va sortir les élèves du carcan où ils étaient bloqués. Qu’ils déchirent l’introduction de leur recueil de poésies, qu’ils marchent dans la cour ou tapent dans des ballons en hurlant quelques mots, l’objectif de l’enseignant est toujours le même : pointer du doigt la norme, et les encourager à en sortir, pour trouver leur propre voix. L’effet touche les étudiants à des degrés divers, mais il y en a un en particulier qui est bouleversé par ces leçons bien peu orthodoxes : Neil (Robert Sean Leonard, très bien dans ce rôle). Dès le départ, on découvre à quel point il est brimé et même détruit psychologiquement par un père qu’il vouvoie et nomme « monsieur », un homme autoritaire qui a fait beaucoup d’efforts pour offrir l’éducation qu’il n’a pas pu avoir, et qui en attend énormément en retour. Sauf que le rêve de Neil n’est pas de devenir médecin, mais de jouer au théâtre et le message de Keating éveille en lui tout ce qu’il avait enfoui. Avec quelques autres élèves, il reforme le cercle de poésie qui a donné son titre au film, puis il se met à rêver de théâtre et quand il atteint enfin son rêve, son père le brise en plein vol.

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Le Cercle des poètes disparus se termine sur un drame assez brutal, filmé avec beaucoup de distance, ce qui n’enlève rien à l’effroi communicatif des personnages. Et comme on pouvait s’y attendre, la quête du bouc-émissaire parfait se tourne vers celui qui a ouvert les yeux de ces jeunes, dont l’école et la société n’attendaient qu’un respect absolu et une obéissance aveugle. Le message n’a rien de très original, mais Peter Weir trouve le ton juste et ce n’est pas pour rien que son long-métrage soit aussi bien ancré dans les mémoires. Robin William y est aussi pour beaucoup, avec une interprétation précise, assez retenue, mais toujours parfaitement juste. Mais il faut aussi saluer le travail des jeunes comédiens : le tournage dans l’ordre de l’histoire a certainement contribué à cet esprit de camaraderie qui est indéniable à l’écran et on croit à leur histoire. Le Cercle des poètes disparus est une vraie réussite !

O Captain! My Captain!