Intense week-end pour le cinéma avec deux cérémonies qui se sont succédées : les César français vendredi soir, avant les Oscars américains tard dans la nuit de dimanche à lundi. Je ne reviendrai pas ici sur les palmarès complets du premier comme du second, mais plutôt sur mes impressions générales concernant en particulier les deux films récompensés majoritairement cette année.
Comme le cinéma français avant lui, le cinéma américain a célébré The Artist avec cinq Oscars, dont ceux de meilleur film et meilleur réalisateur. Un énorme succès pour un film français par les acteurs, l’équipe et les financements, mais un film si américain par son sujet et sa forme. Michel Hazanavicius… rend hommage au cinéma hollywoodien des années 1920 dans son film, aux dernières années du cinéma muet et à l’émergence du parlant. Un thème classique que l’on a déjà vu de nombreuses fois au cinéma, mais qui s’avère il est vrai plutôt efficace. Dans The Artist, l’hommage tourne en fait au pastiche, un genre difficile à réussir, mais qui s’avère payant quand il est bien réalisé. J’avais pu être déçu à sa sortie par le fait qu’il ne s’agisse que d’un pastiche, mais il faut avouer qu’il est réussi. La plongée dans le cinéma américain des années 1930 est un véritable succès à tel point que l’on croirait presque que le film a 80 ans.
Le cinéma hollywoodien a toujours fait rêver la France et son cinéma si particulier : les César ont également mis en avant le film de Michel Hazanavicius, avec pas moins de six récompenses. Meilleur film, meilleur réalisateur, mais pas meilleur acteur : le monde du cinéma français a préféré mettre en avance Bérénice Béjo, partenaire trop souvent oubliée de Jean Dujardin dans The Artist. La récompense est revenue en conséquence à Omar Sy pour son rôle dans Intouchables, un prix mérité je trouve. Meilleurs film et réalisateur ont en revanche été pour le film muet, précédant là le palmarès des Oscars.
Le deuxième film qui s’est fait remarquer aux Oscars est également un film en hommage. Martin Scrosese remonte encore plus loin que Michel Hazanavicius dans Hugo Cabret en évoquant le cinéma de George Méliès. Ce réalisateur français a été le premier à ajouter des effets spéciaux dans ses films, il en est même en quelque sorte l’inventeur. Une sacrée responsabilité et un hommage logique à l’heure où le cinéma dépend toujours plus des effets spéciaux. Le film est imparfait, il n’a d’ailleurs été récompensé que par des prix techniques, mais sa place aux Oscars était indiscutablement justifiée. Hugo Cabret a été mal vendu comme un film pour enfants, alors que c’est bien plus que cela et son hommage à Méliès reste fascinant, malgré ses défauts.
Étonnant paradoxe : un film français qui rend un hommage à l’Hollywood des années 1930, alors qu’un film américain se penche sur le cinéma des origines et en l’occurrence un cinéma français. En France, les César n’ont pas récompensé Hugo Cabret, un film américain qui n’avait pas lieu d’être présent, si ce n’est éventuellement par le biais du meilleur film étranger. Quoi qu’il en soit, comme avec The Artist, la tendance était à l’hommage pour les Oscars. Une année très nostalgique, tant pour les gagnants que pour les nominés. La présence de Cheval de Guerre parmi les meilleurs films est significative : cette fresque historique est extrêmement classique dans la forme et rappelle les grands classiques hollywoodiens plutôt que les blockbusters modernes. Espérons que 2012 sera placé sous le signe de l’actualité à nouveau, mais ce ne sont pas les retours en salles de Star Wars, Épisode I : La Menace fantôme avant Titanic en avril qui vont dans ce sens.
Mis à part The Artist et Hugo Cabret, les deux cérémonies ont célébré de concert Une Séparation, excellent film iranien qui mérite tout à fait cette consécration. Fidèles à leur habitude, les Oscars ont aussi récompensé la performance d’acteur pour un biopic, en l’occurrence celle de Meryl Strip qui interprétait Margaret Thatcher dans La Dame de Fer qui, à ma grande surprise, ne m’avait pas déplu. Bonne nouvelle aussi pour Rango, film d’animation décalé qui mérite, à mon avis, cette reconnaissance.
Pour le reste, il manque évidemment beaucoup de grands films dans ces palmarès, mais on sait que ni les César, ni les Oscars ne récompensent toujours les plus grands cinéastes et les plus grands films. Les dix-huit films que j’avais retenus pour 2011 auraient, à mon avis, mérité une présence dans ces classements, tout particulièrement Drive et La Guerre est déclarée, dans deux genres radicalement différents.