Coco Chanel est un sujet à la mode ! Quelques mois après Coco avant Chanel, voici Coco Chanel & Igor Stravinsky. Mais alors que le premier n’évitait aucun cliché du mauvais biopic1, la copie de Jan Kounen a la bonne idée de ne s’intéresser qu’à une toute petite partie de la vie de Coco Channel, sa relation avec le compositeur russe Igor Stravinsky. Une bonne idée qui sauve un film intéressant, à défaut d’être excellent.
Le film se concentre sur l’histoire d’amour entre Coco Chanel et Igor Stravinsky. Ils se croisent pour la première fois lors de la première représentation du Sacre du printemps au théâtre des Champs-Élysées, en 1913. Disons plutôt que Coco est littéralement emportée par la musique. L’infortuné compositeur subit, quant à lui, les insultes moqueuses de toute la haute société parisienne rassemblée qui considère ce qu’elle voit (il s’agit d’un ballet) et entend comme du bruit et des singes. Ils se retrouvent ensuite à une soirée, après la guerre et c’est alors le coup de foudre. Commence une longue passion amoureuse, destructrice comme il se doit, entre cette femme libre et indépendante, et cet homme marié et incapable de choisir entre sa femme dont il a tant besoin, et Coco qu’il aime tant. L’ensemble du film ne couvre que quelques années et se consacre tout entier à cette passion.
Les aléas du biopic sont, grâce à ce choix, évités, au moins en partie. L’enfance forcément malheureuse des deux protagonistes nous est ainsi épargnée, tandis que l’on n’a pas de scènes type sur l’artiste au travail. Certes, on les voit travailler, chacun dans leur domaine, Igor à son piano et Coco dans sa boutique. Mais les allusions à leurs travaux sont suffisamment discrètes pour ne pas dévier le film de son sujet originel. À deux reprises néanmoins, Coco Chanel & Igor Stravinsky dévie et propose tous les attributs du biopic. Quand Coco va à Grasse élaborer son célèbre parfum n°5 tout d’abord : on a alors une reconstitution parfaite, avec enfants qui courent dans la rue et appareils de chimie qui vont bien. La fin du film est à mon sens inexplicable : on voit les deux mourir, ils sont alors vieux (mais interprétés par les mêmes acteurs… le miracle de la technologie) et revoient leur vie dans un bref flashback. Une scène à mon avis totalement inutile et qui, heureusement, n’arrive qu’à la toute fin. Pas de quoi gâcher le film donc…
Pour être franc, la partie Igor Stravinsky m’intéresse beaucoup plus que la partie Coco Chanel. Je ne dis pas que la vie de cette dernière n’est pas intéressante, ne serait-ce que pour son rôle dans les transformations de la place de la femme dans la société. Mais globalement, je préfère en savoir plus sur un des compositeurs qui ont cassé la musique classique traditionnelle pour proposer autre chose de radicalement différent. C’est pourquoi le début du film, la fameuse première du Sacre du printemps à Paris, est la partie qui m’a le plus intéressé.
On a du mal, aujourd’hui, à comprendre pourquoi cette œuvre a fait un tel scandale à l’époque. Aujourd’hui, l’œuvre et son auteur font partie des standards de la musique classique (si j’ose dire) et on considère en général le Sacre du printemps comme un chef-d’œuvre d’une grande modernité, et comme l’une des plus importantes œuvres du XXe siècle. En outre, on a eu l’occasion d’entendre bien pire en matière de musiques classiques, avec les expérimentations de Schönberg et de ses disciples. Du coup, Stravinsky paraîtrait presque sage. Mais en 1913, c’était véritablement quelque chose de jamais entendu. La place accordée au rythme et le refus d’une musique qui sonne bien (façon André Rieu) ne pouvaient qu’entraîner l’incompréhension. Et à l’époque, quand on n’aimait pas, on aimait le dire, à voix haute. Du coup, la séance a quasiment fini en émeute, la police a dû intervenir et sur scène, les danseurs n’entendaient même pas l’orchestre. Un beau marasme qui fut néanmoins de très courte durée puisque dès la fin de la guerre, la même haute société parisienne acclame le Sacre du printemps…
Jan Kounen réussit assez bien à nous plonger dans l’ambiance du Théâtre des Champs-Élysées et j’ai trouvé cette introduction en musique convaincante. Par la suite, on peut regretter de n’entendre pas plus Stravinsky, mais c’est en même temps normal puisque le film devient une histoire d’amour. Anna Mouglalis est très bien en Coco Chanel séduisante et autoritaire, je l’ai trouvée très convaincante. J’ai eu un souci regrettable avec Mads Mikkelsen : pour moi, il est resté un méchant de James Bond pendant tout le film. Ça casse un peu le charme, d’autant que je m’attendais à voir perler d’un de ses yeux une goutte de sang à tout instant. Je ne sais pas si le rôle veut ça, mais il est quand même très inexpressif et n’est pas aidé par un accent à couper au couteau quand il parle en français (et peut-être en Russe, mais là je n’en sais rien). Il paraît qu’il a appris son texte par cœur, ne parlant pas la langue, mais le résultat n’est pas toujours convaincant et parfois on ne le comprend tout simplement pas.
Un mot avant de conclure sur la forme, très travaillée. Le générique de début marque la tendance, ce sera du noir et du blanc et de la géométrie. Cela convient bien aux vêtements créés par Coco, mais aussi aux notes de musique tracées par le compositeur sur le papier. Les plans sont le plus souvent construits selon des plans géométriques et c’est le plus souvent réussi. Par moments, la limite avec le maniérisme est faible, mais dans l’ensemble j’ai trouvé cela positif. Je ne regrette donc pas d’avoir vu un film sur Coco Chanel…
Nicolas de Filmosphere est certainement celui qui m’a le plus convaincu de voir le film. Je ne suis pas aussi enthousiaste que lui, mais je ne regrette pas d’avoir suivi son avis. Ailleurs sur la toile, Pascale n’a pas aimé du tout, alors que Rob rejoint le camp des convaincus. Critikat a aussi aimé, tout en regrettant la fin jugée « grotesque ». C’est aussi mon conseil, n’hésitez pas à partir quelques minutes avant la fin, le souvenir du film n’en sera que meilleur.
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- Je peux d’autant plus l’assurer que je ne l’ai pas vu. La seule présence d’Audrey Tautou suffit de toute façon à me rendre ce film insupportable. ↩