Cherry, Anthony et Joe Russo

Après plusieurs films dans l’immense saga de l’univers cinématographique Marvel, les frères Russo changent de style avec un drame sur la guerre en Irak et ses conséquences désastreuses sur la vie d’un homme. Adaptée d’un récit semi-autobiographique, Cherry est une œuvre ambitieuse, ample et pas toujours maîtrisée, mais qui parvient à séduire par son intensité et par le talent de son acteur principal. Les deux réalisateurs auraient gagné à faire quelques choix plus subtils, notamment sur la forme, le sujet reste néanmoins passionnant et bien traité. À voir, malgré ses défauts.

La guerre en Irak et ses conséquences ont fait l’objet d’innombrables œuvres de fiction et Cherry n’essaie pas de sortir des sentiers battus. Anthony et Joe Russo décrivent le parcours de Cherry, un jeune américain qui s’inscrit à l’armée sur un coup de tête suite à une rupture amoureuse. On est en 2003, la guerre menée par les États-Unis contre Saddam Hussein bat son plein et il est rapidement envoyé en tant qu’infirmier. Entre sa formation et son retour à la vie civile, deux années s’écoulent et comme tant d’autres soldats, il revient brisé, la tête encore pleine des horreurs qu’il a vécu sur place et sans aucune aide de la part du gouvernement. Le cocktail idéal pour un scénario catastrophe et le jeune homme tombe dans la drogue, entraîne sa jeune épouse avec lui et termine à braquer des banques pour continuer à consommer. On sent que les frères Russo voulaient se démarquer du MCU et signer un drame poignant et original à la fois. Dès les premières minutes, les deux réalisateurs optent pour un traitement esthétique marqué, avec un scénario qui opte pour une narration ouvertement littéraire. Le film est découpé en chapitres, précédés d’un prologue et suivis d’un épilogue. Le récit est raconté à la première personne, Cherry faisant office de narrateur qui s’adresse directement aux spectateurs. Et en plus de ce dispositif qui associe cette adaptation littéraire au matériau original, la mise en scène est travaillée, avec des effets différents selon les contextes. La formation en mode Full Metal Jacket est réduite à une petite portion de l’image, comme pour signaler le rétrécissement de l’horizon pour le personnage principal, par exemple. Tous ces éléments viennent composer un film riche, certainement trop riche pour son propre bien. Anthony et Joe Russo ont manifestement eu carte blanche pour leur film, il leur a manqué quelqu’un capable de dire non à leurs idées ou encore de souligner que le montage final est trop long, surtout sur la fin. Un petit peu de légèreté n’aurait pas fait de mal, notamment dans la description de la descente aux enfers, mais tous ces défauts sont effacés par le sujet, qui reste toujours aussi essentiel et qui est bien traité, ainsi que par l’intensité du jeu de l’acteur principal. Tom Holland est prêt à tout pour faire oublier ses débuts assez lisses en tant que Spider-Man adolescent et l’acteur y parvient très bien avec ce rôle difficile, remarquablement bien interprété. C’est lui qui tient le film et permet à Cherry de rester agréable jusqu’au bout, même s’il est loin d’être parfait.

Après des années à suivre le cahier des charges extrêmement strict de Marvel, les frères Russo ont manifestement apprécié la liberté apportée par un film indépendant. Entre le contrôle absolu d’un blockbuster hollywoodien qui appartient à la plus grande saga moderne et l’absence totale de contraintes pour Cherry, il y avait sans doute un juste milieu à trouver. Ceci étant, malgré les problèmes du film et en dépit du manque d’originalité de son sujet, il faut reconnaître que le long-métrage est captivant jusqu’au bout.