Le Chocolat, Lasse Hallström

Très grand succès à sa sortie, Le Chocolat est une comédie romantique qui ne cherche pas à être beaucoup plus que cela. Son réalisateur suédois, Lasse Hallström, n’a pas peur de dresser le portrait tout en cliché d’une France révolue qui fait tant rêver la cible du long-métrage, le public américain en premier lieu. Forçant toujours le trait, il dessine un petit village dans les années 1960, isolé dans l’espace comme dans le temps. C’est très faux, mais le projet ne recherche jamais le réalisme, simplement une idée diffuse d’une réalité supposée. On se croirait dans une publicité La Laitière, mais cette romance mielleuse et facile est aussi bizarrement plutôt plaisante à suivre. Le Chocolat n’essaie pas d’en faire davantage que de divertir avec de l’émotion facile et cette modestie sauve le projet. Si vous cherchez un film qui fait du bien, c’est un bon choix (mais attention, il donne faim).

La trame générale du film est très simple : une femme, Vianne Rocher, arrive dans un village perdu, quelque part en France, au début des années 1960. Elle loue une petite boutique sur la place du village, juste à côté de l’église et la transforme en chocolaterie. Sauf que son arrivée bouleverse ce lieu ancré dans l’histoire, on pourrait même dire resté dans le passé et elle déplaît tout particulièrement à son maire, le Comte de Reynaud. Dernier d’une longue lignée de nobles, il entend bien garder un contrôle ferme et chrétien sur son domaine et son village et cette arrogante représente tout ce qu’il abhorre. Elle n’est pas mariée alors qu’elle a un enfant, elle ne se rend pas à la messe chaque dimanche et, affront suprême, elle ouvre sa chocolaterie le premier jour du Carême, que tout le monde semble suivre dans le village. Le Chocolat repose en grande partie sur cet affrontement de deux mondes, l’ancien représenté par le maire et ses partisans d’un côté, le moderne avec Vianne et ses propres soutiens. L’opposition commence d’abord de manière relativement cordiale, mais elle devient vite une guerre ouverte, entremêlée de conflits familiaux, entre une femme et son mari violent, et entre une mère et sa fille. Tout ceci pourrait être l’occasion d’une réflexion sur la place de la religion dans la société française d’après-guerre, mais ce serait un tout autre film. À la place, Lasse Hallström se contente, probablement comme dans le roman Joanne Harris qu’il adapte ici, d’exploiter ces oppositions entre personnages pour faire avancer l’histoire. Quand l’intrigue introduit une bande de gitans arrivée par la rivière et surtout le personnage de Roux et donc la romance, ce n’est à nouveau que l’occasion de faire évoluer la situation plus franchement. En fait, l’histoire pourrait être adaptée à n’importe quel contexte très facilement et le fait que tous les personnages parlent un anglais parfait1 n’aide pas à situer précisément le cadre. Autant dire que la précision historique n’était certainement pas une priorité sur le tournage. Dès lors, peut-on critiquer Le Chocolat pour son utilisation outrancière de clichés en tout genre ? On peut regretter un scénario sur des rails, qui n’essaie jamais de surprendre, mais aussi noter que l’ensemble est classique, certes, mais aussi bien mené. Juliette Binoche et Johnny Depp sont corrects dans le rôle du couple, on retient davantage certains seconds rôles, comme Alfred Molina qui semble beaucoup s’amuser en interprétant le Comte. Ou encore l’excellente Lena Olin, parfaite dans le rôle de Joséphine Muscat, tandis que Judi Dench est très bien dans celui d’Armande.

Le Chocolat n’est pas un grand film, il n’en a pas non plus la prétention. C’est une comédie romantique extrêmement conventionnelle et plutôt bien menée, un feel-good movie qui ne peut pas faire de mal de temps en temps. On comprend le succès en salles du long-métrage réalisé par Lasse Hallström : c’est un classique assumé qui essaie uniquement de faire du bien, et qui le fait plutôt bien.


  1. Sauf quand les scénaristes ont eu l’idée saugrenue de glisser quelques mots de français, probablement pour faire couleur locale. Sauf que la plupart des acteurs sont anglophones et ils ont un accent. Et puis cela casse l’uniformité de langage qui est indispensable : tous ces personnages parlent tous une seule langue.