The Comedian, Tom Shkolnik

Tom Shkolnik est un jeune cinéaste israélien qui a choisi la Grande-Bretagne pour réaliser son premier film. The Comedian n’est pas une comédie, contrairement à ce que son titre pouvait laisser entendre, mais un drame autour d’un triangle amoureux. Un sujet assez classique, pour un traitement plus original où l’improvisation a été érigée en règle sur le tournage. Malheureusement, ce principe intéressant sur le papier n’est pas aussi bon qu’espéré à l’écran. Le film n’est pas totalement raté, mais il se fera rapidement oublier.

The comedian tom shkolnik

Ed est un acteur de stand-up un peu raté. Il joue dans des bars londoniens, mais réussit souvent à ne s’attirer que sifflets et remarques désobligeantes de la part de son public. Le jour, il travaille pour gagner sa vie dans un centre d’appels qui rémunère des femmes volontaires si elles sont diagnostiquées d’un cancer. Pas le boulot le plus passionnant qui soit et Ed a du mal à donner un sens à sa vie. Il vit en colocation avec Elisa, une jeune femme qui aimerait bien que sa relation d’amitié profonde et sincère avec son colocataire se transforme en relation amoureuse. Ed n’aime pas les femmes toutefois et préfère largement la compagnie sexuelle de Nathan, un artiste lui aussi qui s’attache rapidement à Ed. Les relations des trois s’annoncent difficiles toutefois et même si le comédien n’entend pas aller plus loin avec Elisa, il ne peut se résigner à l’abandonner pour autant, tandis que Nathan commence à trouver que les deux colocataires sont trop proches à son goût.

The Comedian offre une plongée dans une tranche de vie, en l’occurrence celle d’une bande de jeunes londoniens. Le film se déroule quasiment entièrement de nuit, dans un Londres de fête où l’on se rend en boîte de nuit dans un bus à moitié vide. Le cinéaste a bien su rendre l’ambiance londonienne, du moins telle qu’on l’imagine : une ville bouillonnante, très agitée la nuit. Au cœur de cette vie nocturne, le personnage principal imaginé par Tom Shkolnik fait du stand-up dans des lieux spécialisés où les artistes défilent sur une petite scène de cabaret. Après cela, il se rend souvent en boîte jusque tard dans la nuit, avec sa colocataire et un ami commun. En comparaison de cette vie nocturne riche et passionnante, la vie diurne d’Ed est très morne. The Comedian filme aussi le jeune homme pendant ses appels téléphoniques et il suffit de quelques plans au film pour bien mettre en valeur l’aspect très gênant de ces appels qui font miroiter, de manière à peine voilée, de belles sommes d’argent en cas de cancer. Ed n’y met que très peu d’enthousiasme, c’est un boulot alimentaire après tout, et il est très perturbé par sa rencontre avec Nathan.

The comedian shkolnik

L’amour d’Ed et de Nathan occupe une bonne partie de The Comedian. Les deux jeunes hommes croisent leurs regards dans un bus, Nathan se lève pour venir s’assoir près du comédien et discuter, quelques heures plus tard ils sont ensemble dans le lit de Nathan. Ce qui n’aurait pu être qu’un plan cul devient finalement beaucoup plus sérieux et l’équilibre précaire avec Elisa est alors menacé. Tom Shkolnik n’est pas mauvais quand il décrit cette relation complexe, une sorte de triangle amoureux incomplet ou du moins pas totalement assumé par le trio. C’est surtout autour du personnage principal du film que cela coince, avec Ed qui ne semble pas prêt à quitter sa colocataire et le film montre bien que leur relation est ambiguë : le jeune homme embrasse Elisa sur la bouche et lui laisse espérer plus, mais cela s’arrête aussi vite que leur relation aurait pu commencer. L’ensemble n’est pas inintéressant, mais Tom Shkolnik ne semble pas très bien savoir où il veut aller, comme en témoigne cette fin assez étrange, autour d’une discussion surréaliste dans un taxi. The Comedian n’avance pas vraiment et si son format assez court — 80 minutes — l’empêche de devenir pénible et de sembler très long, le long-métrage ne passionne pas totalement. On apprécie le côté plongée dans la vie d’inconnus qui est très bien rendu, mais l’ensemble manque peut-être d’un fil conducteur plus fort, même si c’est justement le parti pris du film de ne pas en proposer.

Pour filmer son triangle amoureux, Tom Shkolnik n’a pas été puisé du côté des productions cinématographiques récentes et notamment pas du côté de Xavier Dolan. Les deux cinéastes ne sauraient être plus éloignés en terme de réalisation : là où le Canadien propose des films extrêmement construits et soignés, voire même maniéristes, Tom Shkolnik a choisi la légèreté et l’improvisation. The Comedian a été tourné sans scénario vraiment écrit, uniquement avec quelques idées directrices et une très grande liberté accordée aux acteurs. Ces derniers devaient improviser en permanence et surtout entrer dans leurs personnages au point que cela en devienne naturel. Le choix de reprendre leurs prénoms pour nommer leurs personnages n’y est sans doute pas étranger et il faut avouer que sur ce point, la réussite est totale. Tom Shkolnik a su créer non pas de simples personnages de cinéma, mais à s’approcher au maximum des conditions de tournage d’un documentaire. Certaines scènes sont à cet égard vraiment bluffantes, notamment une scène de rupture où les larmes qui coulent ne ressemblent en rien à des larmes de cinéma. C’est très beau et touchant et The Comedian mériterait presque d’être vu pour ces quelques scènes qui parviennent à toucher par leur naturel. On n’en dira pas autant pour la scène de bus qui reproduit une très classique altercation homophobe et qui, cette fois, manque un peu de naturel.

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Avec ses jeunes acteurs, Tom Shkolnik a réussi à recréer une tranche de vie parfaitement réaliste, ce qui est déjà une performance tout à fait remarquable que l’on peut saluer. La performance n’est rien toutefois sans une histoire digne d’intérêt et c’est là que The Comedian pêche. Le cinéaste s’est peut-être imposé un dispositif trop complexe pour un premier film, son manque de maîtrise l’a peut-être égaré en chemin… Même si ce premier essai n’est pas une réussite totale, Tom Shkolnik reste un cinéaste prometteur à suivre : il est rare d’avoir une vision aussi précise de son premier film.

Sortie en salles à une date inconnue.