Le Crime de l’Orient-Express, Kenneth Branagh

C’est la quatrième fois que ce classique d’Agatha Christie est adapté pour le cinéma ou la télévision. Le Crime de l’Orient-Express ne fait rien pour le cacher, et Kenneth Branagh n’essaie pas de moderniser l’œuvre originale ou de lui offrir une lecture différente. Non, son adaptation est relativement fidèle au roman, même s’il y a naturellement quelques libertés qui ont été prises. Hercule Poirot, un train, un meurtre et une douzaine de suspects, les seuls qui étaient dans le wagon cette nuit-là : la formule est connue et il faut reconnaître qu’elle est très efficace. Le long-métrage souffre malgré tout de plusieurs défauts gênants, outre qu’il n’ajoute rien à ce que l’on a déjà pu lire, ou voir. Le Crime de l’Orient-Express est aussi tourné constamment sur des fonds verts indignes d’un film sorti en 2017 et surtout, il peine à maintenir un semblant de suspense. Résultat, on ne s’ennuie pas vraiment, mais ce n’est pas une adaptation mémorable, loin de là.

Il y a plusieurs éléments qui changent entre le roman et son adaptation, mais le plus gros, c’est sans doute que le long-métrage n’est pas un huis-clos, dans ce wagon de l’Orient-Express où le crime a lieu. D’ailleurs, Kenneth Branagh commence par une séquence introductive qui n’a rien à voir avec la suite, où Hercule Poirot doit résoudre une autre enquête, à Jérusalem cette fois. C’est un procédé extrêmement classique au cinéma, montrer le héros dans son environnement de travail et ainsi présenter ses capacités avant d’introduire l’intrigue en elle-même. Le Crime de l’Orient-Express commence vraiment par la suite, quand le célèbre détective belge qui parle anglais avec un accent à couper au couteau, est rappelé en Angleterre. Il prend l’Orient-Express pour rentrer et au cours de la première nuit, un riche américain est tué avec un couteau. Seuls les passagers du wagon auraient pu le faire, il y a donc douze suspects et un seul coupable, que le détective va chercher en interrogeant tout le monde. On découvre ainsi en même temps que lui l’histoire de chaque passager, les mensonges des uns et des autres et l’enquête est ainsi menée, petit à petit. C’est le principe du roman original, l’adaptation ne le modifie pas fondamentalement, même si elle imagine que le train, arrêté à cause d’une avalanche, permet à l’intrigue de se dérouler aussi en extérieur. Cela ajoute un petit peu d’action, notamment à cause de ce pont menaçant, mais c’est une manière assez gratuite d’injecter du suspense et cela ne fonctionne pas vraiment, il faut bien le dire. En fait, Kenneth Branagh ne parvient pas à passionner, il déploie l’enquête de façon très linéaire, éliminant les coupables « évidents » les uns après les autres. À qui profite le crime ? Qui a un bon alibi ? Tout avance rapidement et facilement, ce détective semble presque trop doué et il n’a aucune véritable difficulté. D’ailleurs, il découvre des choses avec une facilité déconcertante, sans que l’on sache très bien comment. En particulier, tous les passagers ont un point commun avec la victime et le détective le trouve à chaque fois, sans que l’on ne sache très bien pourquoi. Le roman parvenait sans doute à faire avancer l’enquête de façon plus crédible, il ne reste dans le film qu’une trame qui avance bien trop facilement pour être un tant soi peu intéressante. Les acteurs sont tous corrects, même si Kenneth Branagh est dans la caricature assez facile, avec son énorme moustache et son accent très marqué. Le Crime de l’Orient-Express a attiré une flopée de stars qui n’ont souvent qu’un petit rôle, ce qui parfois le sentiment étrange de voir un best-of de Hollywood. Sur le plan technique, le plus gros problème est à chercher du côté de l’image, avec des décors tous numériques qui sont vraiment hideux. Le budget généreux n’a apparemment pas été trop consacrée à ce point, on imagine que les stars l’ont davantage accaparé, mais c’est vraiment moche. Et c’est un choix étonnant, quand on sait que le roman se déroule uniquement à l’intérieur du train, et quand on voit que ces décors sont très réussis, eux.

Disons-le, cette énième adaptation du roman d’Agatha Christie peine à passionner et elle ne mérite vraiment pas le détour. Le Crime de l’Orient-Express n’est pas un mauvais film en soi, mais il n’a pas beaucoup d’intérêt et on l’oubliera vite. Le succès ayant été au rendez-vous, Kenneth Branagh devrait lui offrir une suite, comme la fin de ce volet le souligne avec la légèreté d’un pachyderme. Il paraît même qu’une saga pourrait être lancée avec le corpus d’œuvres de la romancière. Les aventures de Hercule Poirot pourraient servir de bases pour de bons films, mais ce premier exemple montre plutôt ce qu’il ne faut pas faire. Reste à espérer que le réalisateur et acteur principal redresse la barre…