Dernier volet de la trilogie Blood and Ice Cream, Le Dernier Pub avant la fin du monde parodie à son tour un genre. Et après l’horreur avec Shaun of the Dead, après le film policier avec Hot Fuzz, c’est la science-fiction qui intéresse Edgar Wright dans cette suite encore plus déjantée. On peut s’y attendre toutefois, on n’a pas une œuvre de SF traditionnelle, l’univers délirant du cinéaste est encore une fois au service d’une histoire complètement folle à base d’une petite ville britannique, d’une tournée de bars et d’une invasion extra-terrestre. C’est absurde, encore plus que dans les deux volets précédents, et on peut encore plus facilement passer à côté. Edgar Wright va peut-être un poil trop loin sur la fin, mais Le Dernier Pub avant la fin du monde reste un délire très drôle à condition d’adhérer à ce style d’humour décalé.
Le film commence sur un flashback, la tournée des bars avortée d’une bande de jeunes de Newton Haven qui viennent juste d’avoir leurs bacs. Il y a douze pubs dans la petite ville, leur objectif était de boire une pinte dans chacun, mais ils échouent lamentablement avant la fin. Vingt ans plus tard, Gary King parvient à convaincre ses quatre anciens amis de reproduire l’expérience, cette fois pour aller jusqu’au bout. Dans un premier temps, Le Dernier Pub avant la fin du monde n’a rien à voir avec la science-fiction, c’est plutôt une comédie sociale propulsée par un humour noir très convaincant. Gary King est un looser, un alcoolique qui n’a jamais rien fait de sa vie et qui est restée bloquée dans le souvenir de cette sortie avec ses amis qu’il veut à tout prix reproduire, il a les mêmes vêtements, la même voiture, les mêmes habitudes. À ses côtés, les anciens lycéens ont évolué de manière variée, mais ils ont tous changé, ce qui génère quelques scènes logiquement cocasses. Un autre réalisateur en serait resté à cette idée, à cette réunion d’anciens vingt ans après et à l’analyse des différences de profils. Pas Edgar Wright, qui profite de ce point de départ assez classique pour dériver vers un délire de plus en plus marqué. Au départ, il y a simplement des comportements étranges de la part des personnes présentes dans les bars. Et puis on découvre les êtres au sang bleu, pour mesurer bientôt l’ampleur de la situation, l’attaque des extra-terrestres et le destin tragique de la petite ville tranquille de province où se déroule l’action. Le Dernier Pub avant la fin du monde change alors radicalement de vitesse et de style, en exploitant les codes du genre, tournés en ridicule. Les créatures de l’espace ont du sang bleu, mais ils sont surtout robotisés avec des jointures en plastique également bleu qui est ridicule. Leur tête vide, qui se casse comme de la porcelaine de poupée, n’est guère mieux, si bien que l’on ne prend jamais l’attaque trop au sérieux. Tout comme les zombies de Shaun of the Dead, les créatures ne sont pas censées faire peur, mais bien être tournées en ridicule, et c’est une réussite à cet égard. Vers la fin, le scénario s’emporte peut-être un petit peu trop et oublie, par moments, de rester sur le mode du second degré, mais le film est sauvé par ses acteurs, tous impeccables avec une mention spéciale pour Nick Frost et Simon Pegg, parfaits dans leurs rôles, et la mise en scène inventive d’Edgar Wright.
C’est l’épisode de la trilogie qui va le plus loin dans le délire d’Edgar Wright. Si vous n’avez pas aimé les deux volets précédents, Le Dernier Pub avant la fin du monde vous semblera pire, mais dans le cas contraire, l’humour si particulier de la saga fonctionne encore une fois à plein. Le point de départ banal se transforme en une parodie de science-fiction qui a le bon goût de ne pas trop se prendre au sérieux. Il faut dire qu’avec des extra-terrestres au sang bleu, quelques litres de bière et un cornet de glace, on pouvait difficilement imaginer plus sérieux…