Inventé aux États-Unis, le concept du blockbuster est essentiellement américain et ses meilleurs représentants viennent en général du côté de Hollywood. Pourtant, le meilleur blockbuster de l’été ne vient pas de la côté californienne, mais plutôt de Corée du sud. Dernier train pour Busan reprend à son compte tous les codes du genre pour offrir un film de zombies intense, gore, touchant et politiquement incorrect. Pendant deux heures, Yeon Sang-ho — qui réalise là son premier long-métrage en images réelles — nous fait vivre un enfer dans un TGV coréen1 et c’est à la fois jouissif et stressant. Une belle réussite, à ne pas rater !
Un barrage routier pour décontaminer les véhicules, une biche écrasée par un camion qui se relève comme si de rien n’était. Il a suffi à Yeon Sang-ho d’une poignée de secondes pour instaurer une ambiance digne des meilleurs films d’horreur : on nous parle d’incident à une usine chimique, on voit cet animal qui devrait être mort et qui semble vivant. Mais que se passe-t-il au juste ? Dernier train pour Busan s’intéresse ensuite à ses personnages principaux et, nonobstant leur langue, on pourrait jurer que la première partie du long-métrage provient de Hollywood. Le réalisateur respecte scrupuleusement les codes du genre, à tel point que l’on est presque au niveau de l’hommage, voire du pastiche. Seok-woo a sacrifié sa vie familiale, au profit de son entreprise et il passe ses journées à acheter et vendre des actions plutôt que de s’occuper de sa petite fille, Soo-ahn, qu’il inonde de cadeaux en contrepartie. Sa femme est partie et Soo-ahn veut justement retrouver sa mère à Busan, dans le sud du pays. C’est son anniversaire, le père finit par céder et ils montent dans le train alors même qu’une épidémie s’empare du pays et transforme tous ses citoyens en zombies assoiffés de sang. Comme dans n’importe quel film américain, Dernier train pour Busan commence ainsi à établir la situation de base et ses personnages principaux. Outre le père et sa fille, on découvre d’autres passagers, le conducteur du train et un contrôleur, tous les personnages qui auront un rôle à jouer plus tard. Yeon Sang-ho peut alors faire partir son train et commence un long huis-clos qui monte très rapidement en intensité.
Même si le réalisateur de Dernier Train pour Busan s’approprie les codes des blockbusters dans sa première partie, il n’en reste pas là et le Coréen sait même surprendre par la suite. Pour commencer, il ne cherche pas à préserver le suspense outre-mesure : on est là pour des zombies, le spectateur le sait et il n’a pas attendre. Les premières créatures apparaissent très rapidement et par la suite, on en verra énormément. Interdit aux moins de 12 ans à sa sortie dans les salles françaises, le film est effectivement beaucoup plus violent et gore que ses cousins américains et il joue plus dans la catégorie des films d’horreur que dans celle des grosses productions. Par ailleurs, Yeon Sang-ho n’hésite pas à tuer ses personnages, même ceux qui sont importants et son scénario est sans pitié. La fin reste dans les clous de ce que l’on connaît outre-Atlantique, mais elle surprend elle aussi en étant abrégée beaucoup plus tôt. Au fond, le cœur du sujet reste ce train plein de zombies où quelques personnes tentent de survivre. C’est aussi une critique assez acerbe de notre société individualiste, avec l’une des séquences les plus marquantes où des survivants sont bloqués par les autres survivants qu’ils tentent de rejoindre. La panique a pris le dessus au-delà de toute raison, ce que la suite du scénario ne manque pas de souligner avec malice d’ailleurs, mais en attendant, c’est l’une des scènes les plus fortes de ces derniers mois et le regard fou des passagers sera difficile à oublier. Au passage, Dernier Train pour Busan lance une petite pique contre son gouvernement. Ce n’est pas explicite et on passe facilement à côté faute de contexte, mais le pays a déjà été critiqué pour son désir de contrôle sur les informations publiées après une catastrophe et c’est exactement ce que l’on voit dans le communiqué fictif du film.
Carton plein pour Dernier Train pour Busan, un blockbuster sud-coréen qui reprend à son compte les clichés du genre, quitte à en faire parfois un poil trop — la musique aurait gagné à être plus discrète en particulier —, mais qui s’avère finalement bien plus original et réussi que ses modèles. Yeon Sang-ho ne vise pas le plus large public à tout prix, il ose mettre à l’écran du sang et des morts et cette franchise est salutaire. Dernier Train pour Busan est très fun, mais aussi stressant et c’est bien pour cette raison qu’il est réussi. Montez pour un voyage éprouvant au milieu des zombies, vous ne le regretterez pas !
- Eh oui, la Corée du Sud avait équipé ses lignes à grande vitesse de TGV français ! Le cadre nous est ainsi familier, même si c’est fini : un autre constructeur a pris le relai depuis 2010. ↩