Alain Chabat s’est fait connaître à la télévision avec Les Nuls et il est aussi un acteur populaire au cinéma quand il réalise son premier long-métrage. Didier est à l’image de son auteur, une comédie nourrie à l’absurde basée entièrement sur un concept : par un beau un jour, un chien devient un homme. On pourrait croire qu’il n’y a assez de substance que pour un gag, mais le cinéaste en tire un long-métrage qui enchaîne les surprises et les bonnes idées. C’est original et drôle, une belle réussite.
Didier commence comme tant de comédies françaises, avec une présentation rapide des personnages qui confine à la parodie. Jean-Pierre, agent de football, accepte de garder le chien d’une amie, même si ça ne l’enchante guère. Il va devoir vivre avec Didier pendant quelques jours, alors qu’il a des tas de problèmes avec les joueurs qu’il gère. Il essaie de laisser l’animal à Maria, sa petite-amie du moment qui le quitte suite à cette demande incongrue et tout est en place pour une comédie traditionnelle et sans grand intérêt. Sauf qu’une nuit, une mystérieuse lumière transforme le labrador en être humain. Didier n’est plus un chien, c’est un homme. Alain Chabat construit son film autour de cette idée et de tout ce qu’elle implique. Naturellement, Jean-Pierre ne comprend pas tout de suite ce qui est passé et il croit dans un premier temps qu’un étranger s’est invité chez lui. Les premiers gags tournent autour de ce décalage, avec le nouveau Didier qui marche bizarrement, qui court après la voiture et qui renifle systématiquement le cul des gens. Le réalisateur interprète lui-même le chien et il est excellent dans ce rôle de transposition. On y croit à ce chien transformé en homme, l’acteur a les bonnes postures, les mimiques qui vont bien, il est étonnamment crédible dans ce rôle. Didier n’essaie pas de parier sur des effets numériques, encore très rares en 1997, pour faire avaler la transition aux spectateurs, tout se joue sur le talent de l’acteur et sa capacité à transmettre son statut de chien. D’ailleurs, le scénario fait en sorte que la majorité des personnages secondaires ne soient pas au courant de la supercherie, ce qui est bien vu. À part Jean-Pierre, tout le monde prend Didier comme un étranger excentrique, un type un peu fou, mais certainement pas comme un chien. Pour que le film fonctionne, il fallait un maître à la hauteur du chien, et Alain Chabat peut compter sur Jean-Pierre Bacri. Le rôle a probablement été écrit pour lui, tant l’acteur est à son aise pour incarner cet agent râleur, mais qui a un grand cœur. Le voir éduquer Didier avec tout le sérieux qui le caractérise est hilarant et l’humour repose largement sur ses épaules. Naturellement, on n’oublie pas pour autant les personnages secondaires, comme ce mafieux du foot hyper caricatural et assez drôle, ou encore toute la partie sur le football à la fin. Didier parvient à surprendre encore en faisant de son personage principal un excellent joueur de foot, Alain Chabat ose quelque chose et cela fonctionne à plein. Il règle aussi ses comptes avec une bande d’extrémistes du GUD qui se fait tabasser à plusieurs reprises dans le film, un gag récurrent dans ce film décidément plus complexe qu’on ne pourrait le croire initialement.
Carton plein pour ce premier passage derrière les caméras. Alain Chabat a réussi à condenser tout son univers et son goût pour l’absurde, sans pour autant répéter un sketch des Nuls. D’ailleurs, on peut noter que deux de ses partenaires, Chantal Lauby et Dominique Farrugia, sont présents, mais davantage comme figurants. Didier n’est pas un film des Nuls, c’est bien la première réalisation d’Alain Chabat et c’est une comédie originale et drôle, qui se regarde avec toujours autant de plaisir.